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 (Photo: Castegnaro-Ius Laboris Luxembourg)

Dans une récente décision, la Cour d'appel a admis la validité d'une clause de non-concurrence interdisant au salarié d'entrer au service d'une entreprise concurrente à l'issue de son contrat de travail.

Pour la première fois, la jurisprudence s'est prononcée sur l'extension du champ d'application de la clause de non-concurrence inspirée du modèle français.

Dans l'affaire en cause, le salarié sollicitait une indemnité mensuelle égale à 25% de son dernier salaire de base prévue par la clause de non-concurrence issue de son ancien contrat de travail. La clause de non-concurrence lui interdisait notamment d'entrer au service d'une entreprise concurrente après la fin des relations de travail. Le salarié estimait avoir respecté les obligations imposées par la clause de non-concurrence et réclamait dès lors en contrepartie le montant fixé par celle-ci.

Afin de contredire les prétentions du salarié, l'employeur alléguait de son côté la nullité absolue de la clause de non-concurrence pour être contraire à l'ordre public luxembourgeois. Pour l'employeur, la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail dépassait les termes de l'article L.125-8 du Code du travail qui définit la clause de non-concurrence comme celle qui interdit au salarié d'exercer des activités similaires à celles de son ancien employeur «en exploitant une entreprise personnelle», excluant ainsi son application à l'exercice d'une activité salariée au service d'une entreprise concurrente.

Tout d'abord, la Cour rappelle que la nullité sanctionnant l'inobservation des dispositions de l'article L.125-8 du Code du travail est une nullité relative qui peut seulement être invoquée par le salarié et non par l'employeur.

Ensuite, la Cour précise que l'extension du champ d'application de la clause de non-concurrence à toute activité salariée, et non seulement à l'exploitation d'une entreprise personnelle, est admise, sous réserve toutefois de ne pas imposer des obligations manifestement excessives au salarié.

Dans l'affaire commentée, la Cour a considéré que la liberté de travailler du salarié n'avait pas été entravée de façon excessive, alors que:

  • le salarié était en mesure de travailler ou de présenter une demande d'emploi auprès des entreprises non-concurrentes;
  • l'interdiction était limitée dans le temps (en l'espèce, une période de douze mois commençant le jour de la cessation effective du contrat);
  • l'interdiction comportait une contrepartie financière (compensation mensuelle égale à 25% du dernier salaire de base mensuel).

En revanche, la Cour a considéré que la clause litigieuse était excessive dans la mesure où son champ d'application couvrait un espace géographique trop vaste, s'étendant à des centaines de kilomètres des frontières du Grand-Duché de Luxembourg (notamment jusqu'en Rhône-Alpes, Île de France, Haute et Basse Normandie).

La Cour n’a pas pour autant déclaré «nulle» ladite clause mais l’a redressée en limitant l’interdiction imposée au salarié à l’espace géographique du Grand-Duché de Luxembourg, de l’Alsace et de la Lorraine. 

Ainsi, il résulterait de cet arrêt d’une part que l’extension du champ d’application de la clause de non-concurrence à une activité salariée serait admise sous réserve de ne pas imposer des obligations manifestement excessives au salarié, et d’autre part, que les juges pourraient en tout état de cause maintenir, en vertu de leur pouvoir de réfaction, une clause de non-concurrence jugée excessive après en avoir corrigé les «imperfections et effets indésirables».

Cour d’appel, 3e Chambre, 13 novembre 2014, n°39706 du rôle

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