Yuriko Backes, ministre des Finances, et Franz Fayot, ministre de l’Économie, ont détaillé des mesures qui, ensemble, représentent un effort d’un peu plus de 1,7% du PIB national. (Photo: SIP/Jean-Christophe Verhaegen)

Yuriko Backes, ministre des Finances, et Franz Fayot, ministre de l’Économie, ont détaillé des mesures qui, ensemble, représentent un effort d’un peu plus de 1,7% du PIB national. (Photo: SIP/Jean-Christophe Verhaegen)

Les détails de l’accord tripartite conclu jeudi entre le gouvernement et les partenaires sociaux ont été exposés par les ministres des Finances et de l’Économie. Les aides se veulent socialement ciblées et structurelles, formant un Pacte de solidarité.

L’époque actuelle est bel et bien celle «d’une crise économique», a indiqué la ministre des Finances (DP) jeudi au moment de détailler suite à une longue négociation tripartite. Tous les autres ont estimé que l’urgence du moment justifiait quelques concessions. D’autant, a dit encore la ministre, que de cette crise nous ne connaissons «ni la direction ni la durée».

L’accord trouvé poursuivait donc un triple but. «Tout d’abord, assurer l’emploi. Ensuite, préserver le pouvoir d’achat. Enfin, donner de la confiance aux entreprises via une certaine prévisibilité. Il est important de donner un signal, aussi au niveau international, que l’État intervient dans de telles circonstances», selon Yuriko Backes.

La réponse est coulée dans un Pacte de solidarité («Solidaritéitspak» en luxembourgeois), une série d’aides «structurelles et socialement ciblées». Le fruit de discussions qualifiées tantôt de longues, tantôt de franches, tantôt de difficiles. Pour la ministre des Finances, le paquet de mesures est «bon et équilibré».


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«Il est aussi de ma responsabilité de garder le AAA, ce qui n’est pas une formalité. Mais c’est le garant de la stabilité financière du pays et de son attractivité. Le «Pak» s’inscrit aussi dans la lignée des recommandations des organisations internationales comme le FMI ou l’OCDE qui ont souligné que les mesures actuellement déployées par les pays doivent être ciblées et limitées», a aussi mis en avant Yuriko Backes.

Les mesures sont «structurelles» et «ciblées». Pour les déterminer, gouvernement et partenaires sociaux ont pu compter sur le Statec. Selon les prévisions de l’institut statistique, l’inflation grimperait de 5,1% en 2022 et de 1,4% en 2023, sous l’effet de la variation des prix de l’énergie. De quoi potentiellement déclencher deux tranches indiciaires qui ne suffiraient pourtant pas à cibler les ménages les plus pauvres comme le montrent les simulations réalisées.

Un crédit d’impôt énergie pour les particuliers

Le Statec a évalué la perte moyenne de pouvoir d’achat au cours d’un mois sans index. Sur cette base a été donc élaboré un «crédit d’impôt ménagé, calculé – et c’est important – par personne».

Il sera octroyé d’août 2022 à mars 2023 inclus, un index étant prévu en avril 2023. Pour les salaires et retraites inférieurs ou égaux à 44.000 euros brut par an, le crédit d’impôt s’élèvera à 84 euros par mois. Pour les salaires et retraites compris entre 44.000 et 68.000 euros par an, il sera d’au moins 76 euros, pour ensuite connaître une dégressivité et devenir nul pour les salaires et retraites de 100.000 euros brut annuels et plus. L’OGBL voulait porter ce plafond à 130.000 euros.

Les indépendants seront aussi concernés, tandis que les bénéficiaires du Revis et autres personnes fragilisées percevront un crédit d’impôt de 84 euros.

Il sera versé chaque mois. Le coût pour l’État est estimé à 440 millions d’euros.

«L’index est un bon instrument, mais dans cette situation, il ne suffirait pas», précise le directeur du Statec, , chiffres à l’appui.

«Le but du gouvernement n’est pas d’annuler l’index, mais bien de reporter l’index», ajoute Yuriko Backes. Avant de préciser qu’«avec le crédit d’impôt progressif, le pouvoir d’achat est largement compensé».

Agir directement sur les prix des carburants

Le pouvoir d’achat des ménages est éreinté quand il s’agit de remplir le réservoir de son véhicule.

Jusqu’à fin juillet, une baisse de 7,5 centimes sera de mise sur l’essence et le diesel à la pompe. La mesure sera valable pour le mazout de chauffage jusqu’à la fin de cette année. «La remise sur les prix des produits pétroliers, une mesure existant à l’étranger, a été demandée par les syndicats», a indiqué la ministre des Finances.

Le secteur agricole sera particulièrement soutenu avec des aides possibles jusqu’à 35.000 euros par entreprise, suite aux hausses des prix de l’énergie, des intrants et des engrais.

Des mesures pour le logement

La subvention de loyer sera adaptée au 1er août 2022 de façon à rendre éligibles tous les locataires jusqu’au revenu correspondant au décile 5, c’est-à-dire au niveau de vie médian.

En outre, le montant mensuel de la subvention de loyer va progresser pour tous les bénéficiaires en moyenne de 50% par rapport à la situation actuellement en vigueur. Ainsi, les familles nombreuses pourront recevoir mensuellement jusqu’à 400 euros d’aide pour les charges de loyer.

Un gel temporaire pour toute hausse des loyers sera introduit jusqu’à la fin de l’année 2022.

qui entrera en vigueur dans les prochains jours, avec effet rétroactif au 1er janvier 2022, va être complété d’un «topup social». Ainsi, les primes pour les systèmes de chauffage basés sur les énergies renouvelables ne devront plus être préfinancées par les bénéficiaires. L’État versera le montant de la subvention étatique directement à l’entreprise qui a exécuté les travaux. En outre, les bénéficiaires des aides PRIMe House vont pouvoir demander auprès du Guichet unique des aides nouvelles au logement, celles-ci pouvant doubler la prime déjà connue.

Prix de l’énergie: soutenir les entreprises

Les taux font vite comprendre l’ampleur du choc. «Entre 2019 et décembre 2021, le prix du gaz a augmenté de 900%, celui de l’électricité de 800%, celui du cuivre de 200%», a illustré le ministre de l’Économie (LSAP).

Les entreprises gourmandes en énergie (dont les achats de produits énergétiques présentent au moins 3% de leur valeur de production/chiffre d'affaires) seront soutenues fortement: l’État couvrira de 30 à 70% des surcoûts dépassant le doublement des prix du gaz et de l’électricité.

«L’octroi d’une aide à intensité supérieure à 30% est toutefois soumis aux conditions que l’entreprise enregistre une perte et que les coûts admissibles soient au moins équivalents à 50% de cette dernière», précise l’accord.

L’enveloppe pour cela sera de 525 millions d’euros.

Garantir des prêts

Comme cela a été le cas dans le cadre de la crise sanitaire l’État se portera aussi garant jusqu’à 90% de prêts consentis par les banques partenaires. 500 millions sont prévus pour cela. Une loi sera nécessaire, ainsi que le feu vert européen.

Des aides sectorielles

Certains secteurs sont plus frappés que d’autres par l’explosion des prix de l’énergie. Franz Fayot annonce donc des aides en plus pour les entreprises du transport, de l’artisanat ou de la construction.

Un mécanisme de compensation

Le projet sera déposé après les vacances de Pâques et doit «orienter des aides en restant sur la route de la transformation de notre économie».

Des aides jusqu’à 100.000 euros, peu importe la taille de l’entreprise ou son secteur, soutiendront les dépenses nécessaires à une étude du potentiel d’économie d’énergie.

D’autres aides devront inciter à accélérer la décarbonation de l’entreprise, notamment en faisant basculer les flottes de véhicules vers du zéro-carbone.

Compenser les surcoûts liés au système d’échange des quotas d’émission d’ETS

Des aides doivent aussi compenser les surcoûts liés au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (ETS) pour la période 2021-2030. Cette mesure permettra de couvrir une partie des coûts des émissions indirectes encourus au titre des exercices 2021 à 2030 par des entreprises exposées à un risque réel de fuite de carbone. En contrepartie de cette aide, toute entreprise bénéficiaire est tenue de prendre des engagements d'investissements favorisant la transition énergétique.

Le Pacte de solidarité représente globalement 1,7% du PIB (soit 1,337 milliard d’euros). «En tant que nouvelle ministre des Finances, cela me met dans une situation particulière», a dit Yuriko Backes. «Mais je suis certaine que cet argent est nécessaire et bien investi.» De manière vertueuse puisque, comme l’a précisé Franz Fayot, «soutenir les entreprises, c’est aussi soutenir l’emploi, et donc les ménages».