La montée en puissance des questions ESG induit des changements substantiels au sein des entreprises, car l’attention passe des seuls actionnaires à l’ensemble des parties prenantes. Crédit: Capital Group

La montée en puissance des questions ESG induit des changements substantiels au sein des entreprises, car l’attention passe des seuls actionnaires à l’ensemble des parties prenantes. Crédit: Capital Group

Les analystes ont tendance à sous-estimer les marchés. Les marchés peuvent en effet être conservateurs et souvent ne pas parvenir à prédire les tendances ou à pleinement imaginer le succès futur d’une entreprise, d’un produit ou d’un service. Une chose est claire: la montée en puissance des questions ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) induit des changements substantiels au sein des entreprises car l’attention passe des seuls actionnaires à l’ensemble des parties prenantes.

Jason Pilalas, ancien analyste chez Capital Group, a couvert le secteur pharmaceutique aux États-Unis et en Europe jusqu’en 2009. Il était convaincu que les analystes de Wall Street sous-estimaient toujours le potentiel d’un médicament à succès, qu’ils n’arrivaient pas à prédire les niveaux de vente atteints par celui-ci à son apogée. Le meilleur exemple est le médicament Lipitor, une statine développée par Pfizer pour réduire le cholestérol. Les analystes ont estimé le pic de ventes à environ 1 milliard de dollars, tandis que M. Pilalas l’a chiffré à 5 ou 6 milliards. Le Lipitor a finalement atteint les 13 milliards en 2006, devenant le médicament le plus vendu de tous les temps, avec plus de 125 milliards de dollars de ventes sur environ 14 ans.

Leffet «Spice Girls»

Martyn Hole, directeur des investissements chez Capital Group, qualifie cela d’effet «Spice Girls»: le groupe pop britannique, devenu célèbre en 1996, a vendu près de 100 millions de disques et reste le numéro deux de la musique britannique, juste derrière les Beatles. «À l’époque, la plupart des gens n’étaient pas en mesure de concevoir à quel point ce groupe musical réussirait. Tout comme lorsque je n’arrivais pas moi-même à imaginer le succès des ‘briques’: les téléphones mobiles de Nokia des années 90. Vous voyez cela dans tant d’industries; les gens ont tendance à sous-estimer à quel point un marché peut s’envoler», souligne M. Hole.

Même les investisseurs boursiers, qui ont tendance à être optimistes et sont toujours à la recherche de surprises positives, sous-estiment généralement leur impact. Shopify, une entreprise canadienne qui aide les entreprises à créer leurs propres sites indépendants sur Internet, est un autre exemple d’un succès inattendu. Le service a connu un succès spectaculaire avec une capitalisation boursière actuelle de plus de 100 milliards de dollars, contre 3 milliards en 2016. M. Hole précise: «Le PDG a déclaré qu’il ne s’attendait pas au genre de croissance enregistrée cette année avant l’an 2030. Tout s’est accéléré. Aux États-Unis, la vente en ligne de biens physiques ou numériques est en croissance constante, avec environ 11% des ventes au détail réalisées en ligne. Depuis la crise du COVID-19, le chiffre atteint même les 18%.»

Les gens ont tendance à sous-estimer à quel point un marché peut s’envoler.
Martyn Hole

Martyn HoleDirecteur des InvestissementsCapital Group

Estimer le potentiel à un stade précoce

Il existe de nombreux exemples de cet écart d’imagination. «Nous avons vu cela avec des entreprises comme Netflix et Amazon, ou d’autres noms similaires. Heureusement, Capital Group a identifié assez tôt le potentiel du cloud computing, estimant que les entreprises n’utiliseraient bientôt plus leurs propres systèmes informatiques et serveurs, préférant sous-traiter cela à quelqu’un d’autre», explique M. Hole.

Se pencher sur le vrai potentiel d’une entreprise à un stade précoce peut avoir des avantages significatifs. Les trois principaux géants du cloud – Amazon, Microsoft et Google – affichent des taux de croissance incroyables et des marges bénéficiaires extrêmement élevées. Amazon a une marge opérationnelle de plus de 30% dans son activité cloud, alors que son activité de vente en ligne réalise une marge bénéficiaire de seulement 4 à 5%. Le potentiel est énorme, et la contribution de ce volet à la rentabilité au long cours est considérable. «L’année dernière, le chiffre d’affaires total du cloud computing global se situait probablement entre 60 et 80 milliards de dollars. Dans 10 ans, les estimations pourront facilement atteindre les 1.000 milliards de dollars!»

Lessor de lESG

L’accent mis par les investisseurs sur l’ESG s’est renforcé au cours des 12 derniers mois et devient de plus en plus prononcé. «Jusqu’à récemment, l’accent a principalement été mis sur la partie environnementale, et je pense qu’à l’avenir, nous nous pencherons encore plus sur les questions sociales et de gouvernance», déclare M. Hole. «Un exemple récent est un grand commerçant en ligne britannique bien connu, avec des difficultés de gouvernance concernant ses chaînes d’approvisionnement. Ses employés étaient sous-payés, et pour la plupart des immigrants clandestins sans papiers ou sécurité sociale, sans même parler du manque de mesures de protection et de distanciation sociale. L’action de l’entreprise a été fortement touchée à la suite du signalement des conditions de travail dans l’une de ses usines britanniques.»

Un changement profond se produit dans la manière dont la société considère le secteur des entreprises. On parle désormais beaucoup plus de toutes les parties prenantes, et ce ne sont plus les seuls actionnaires qui sont les plus importants; les employés, les clients, les fournisseurs ainsi que le gouvernement font eux aussi partie de l’équation. «Au cours des derniers mois, en particulier en Europe, nous avons assisté à des réductions catastrophiques des dividendes. Une partie de cette baisse est réglementaire. Les banques ont dû réduire les dividendes; il y a cette idée que cela nous concerne tous et que nous devons partager la douleur. Il n’est pas juste de réduire les effectifs pour pouvoir verser un dividende à vos actionnaires», explique M. Hole. En France par exemple, si une entreprise reçoit une aide gouvernementale, elle doit réduire ses dividendes. Il convient de noter que, dans l’environnement actuel, de nombreuses entreprises en Europe n’ont pas été contraintes de réduire leurs dividendes, mais l’ont fait parce qu’elles ressentaient une pression morale, ce qui montre encore plus que les préoccupations ESG sont désormais au premier plan.

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