Élargissement et densification des agglomérations Nord, Sud et de Luxembourg, tram sur pilotis, téléphérique urbain… Voici quelques propositions de la Fondation Idea pour faire face à la croissance démographique des 27 prochaines années. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Élargissement et densification des agglomérations Nord, Sud et de Luxembourg, tram sur pilotis, téléphérique urbain… Voici quelques propositions de la Fondation Idea pour faire face à la croissance démographique des 27 prochaines années. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Pour la Fondation Idea, le développement territorial devra se faire autour de trois pôles urbains et de manière transfrontalière dans les 27 prochaines années. Et ce pour pouvoir faire face à une population qui devrait dépasser le million d’habitants. Sans compter les 503.000 frontaliers.

«Une vision territoriale pour le Luxembourg à long terme»: c’est le nom de l’étude de la Fondation Idea présentée lundi 27 février. Résultat de deux ans de travaux, coordonnés par l’économiste Vincent Hein et auxquels a participé Romain Diederich, ancien coordinateur de l’aménagement du territoire.

Quelles sont les projections d’Idea pour 2050?

Dans un scénario «Au fil de l’eau», la Fondation table sur une croissance annuelle du PIB de 2,8%. La productivité devrait augmenter de 0,5% par an. Et la population passer à 1.092.456 habitants en 2050 (), pour 955.000 emplois (): 452.000 résidents et 503.000 frontaliers ().

Idea prévoit deux scénarios alternatifs. Un dans lequel la population se limite à 768.591 personnes (dans le cas d’un recul de la richesse vers celui constaté avant le décollage de la place financière) et un à 948.457 (accélération des gains de productivité apparente du travail).

Pourquoi des scénarios différents de ceux déjà évoqués?

, allant de 770.000 à 1,2 million d’habitants en 2050. Le Statec projette de son côté une augmentation de 10.000 à 13.000 habitants et de 6.300 à 10.000 emplois par an jusqu’à 2060,  (PDAT). Soit 920.000 à 1 million d’habitants en 2050 pour 640.000 à 750.000 emplois.

«Nous avons fait nos projections propres», explique Muriel Bouchet, économiste à la Fondation Idea. «Avec les hypothèses qui nous semblaient les plus raisonnables en matière de mortalité, de natalité et d’immigration nette.» La différence avec les autres s’explique surtout par la productivité. «Dans le PDAT, ils ont misé sur une productivité très élevée. Alors que nous l’avons calculée en regardant par branche les évolutions de la valeur ajoutée des 30 dernières années, qu’on a projetées avec affinage. On en déduit un nombre d’emplois et un besoin en population nouvelle», complète Vincent Hein.

Que nous apprennent ces projections?

Muriel Bouchet parle de «simulation, qui vise à faire un test de capacité». La Fondation montre ainsi que «les niveaux de densité démographique de l’agglomération de Luxembourg et du Sud seraient difficilement réalisables sans profonds changements». Tout en rappelant qu’à part en 1974, «tous les exercices démographiques depuis les années 1950 ont donné lieu à des sous-estimations».

Quel modèle préconise Idea pour faire face à la croissance de la population?

La Fondation cite trois agglomérations. Articulée autour de la capitale, l’AggloLux devra être étendue jusqu’à Mersch au nord pour accueillir près de 380.000 habitants (contre 211.000 aujourd’hui). Cette zone géographique, qui englobe notamment Capellen, Mamer, Betrange, Leudelange, Hesperange, Contern, Sandweiler, Schutrange et Niederanven d’ouest en est, formerait ainsi une «agglomération urbaine de moyenne importance européenne», relativise l’étude de la Fondation, qui calcule une densité de 1.071 habitants par km2, contre 1.470 pour Strasbourg, par exemple.

L’AggloSud devra se développer à la frontière avec la France pour accueillir 150.000 habitants supplémentaires. Enfin, l’AggloNord, celle d’Ettelbruck et Diekirch, pourra compter jusqu’à 50.000 habitants (26.000 aujourd’hui) en grandissant jusqu’à Colmar-Berg.

Dans ce schéma, «certaines communes moins centrales devront accélérer leur développement (Niederanven, Contern, Leudelange, Mamer, Mondercange, Sanem, Kaerjeng, Erpeldange et Bettendorf).» Et «les centres de développement et d’attraction (CDA) ruraux ainsi que d’autres communes prioritaires devront se développer (Wiltz, Steinfort, Junglinster, Redange et Mondorf).»

En parallèle, «l’urbanisation des secteurs ruraux devra être freinée pour éviter la périurbanisation et ses conséquences négatives (artificialisation des sols, éloignement des centres économiques, dégradation des ensembles villageois traditionnels). Certaines communes devront réduire leur potentiel constructible au bénéfice des espaces prioritaires.»

Pour une «urbanisation qui ne s’oppose pas à la qualité de vie», mais qui l’améliore. Tout en prenant en compte la «double contrainte de mixité fonctionnelle et sociale».

Côté frontalier, Idea met en avant l’agglomération autour d’Esch-sur-Alzette étendue à Dudelange et Bettembourg, celle autour du pôle européen de développement (PED) étendue à Arlon, Steinfort et Virton, et celle autour de Trèves étendue à Grevenmacher et Sarrebourg. «Une coopération renforcée avec la partie septentrionale du Sillon lorrain (Thionville-Metz) sera également à mettre en œuvre, de même que des visions territoriales autour de pôles plus modestes (Schengen-Merzig-Sierck-les-Bains, Echternach-Bitbourg, Wiltz-Bastogne et Redange-sur-Attert).»

Comment circule-t-on au sein de et entre ces pôles?

Pour Idea, la part des déplacements en voiture devrait chuter de 69 à 45% entre 2017 et 2050. Alors que celle des transports en commun devrait augmenter de 17 à 30%.

Mais pour cela, les infrastructures ont besoin d’évoluer. Le réseau routier «devra se transformer pour permettre la mobilité connectée et partagée» et se renforcer. De même pour le réseau ferroviaire. Idea conseille des «raccordements nouveaux afin de contourner la gare centrale de Luxembourg». Extension du tram et bus à haut niveau de service figurent au programme. En plus de «nouveaux modes de transport», comme «le tram sur pilotis et les téléphériques urbains». D’autres aménagements sont à prévoir pour sécuriser la mobilité douce.

La Fondation Idea propose deux by-pass du réseau ferroviaire pour relier plusieurs lignes sans passer par la gare centrale. (Photo: Capture d’écran de l’étude de la Fondation Idea)

La Fondation Idea propose deux by-pass du réseau ferroviaire pour relier plusieurs lignes sans passer par la gare centrale. (Photo: Capture d’écran de l’étude de la Fondation Idea)

«Si l’ensemble des propositions sont réalisées et que l’aménagement du territoire évolue, les projections pourraient être absorbables en matière de mobilité. À condition que la part de la voiture baisse et que le télétravail se développe.» On parle, par exemple, de «quintupler le nombre de frontaliers dans les transports en commun»,

Idea émet aussi l’idée d’objectifs écologiques transfrontaliers.

Vision transfrontalière, développement des transports… On en parle depuis des années. Comment faire avancer les choses?

Cela passe par «une évolution des outils au service de la politique d’aménagement du territoire». Idea liste cinq objectifs, déployés en 29 mesures, comme «étudier la pertinence d’une vignette automobile» ou encore «passer des conventions bilatérales pour des projets de territoires transfrontaliers».

«Ce sera aux politiques de s’approprier ou non nos visions. Notre rôle est de les sensibiliser», conclut Vincent Hein.

Une version imprimée de l’étude sera disponible dans les librairies Ernster, ce mardi 28 février. Le 3 mai, la Fondation prévoit une table ronde pour débattre de ses idées.