Les deux entreprises travaillent sur le même credo: un robot capable de nettoyer les panneaux solaires sur de grands volumes. À gauche, le géant chinois TrinaBot, filiale de Trina Solar, à droite la start-up luxembourgeoise Solarcleano. (Photo: SIP)

Les deux entreprises travaillent sur le même credo: un robot capable de nettoyer les panneaux solaires sur de grands volumes. À gauche, le géant chinois TrinaBot, filiale de Trina Solar, à droite la start-up luxembourgeoise Solarcleano. (Photo: SIP)

La start-up luxembourgeoise Solarcleano, qui fabrique des robots pour nettoyer les panneaux solaires, a posé un pied en Chine, officiellement, ce mercredi, avec la signature d’un memorandum of understanding, avec un des géants mondiaux du secteur, Trina Solar, dans le cadre d’une mission économique emmenée par Xavier Bettel, Lex Delles et Fernand Ernster.

«Le Luxembourg et la Chine ont un poids certain: ils représentent la moitié de la population mondiale», avait coutume de blaguer l’ancien Premier ministre, Jean-Claude Juncker, lorsqu’il était amené à parler de l’Empire du milieu.

«Je suis heureux de vous annoncer que Solarcleano va démontrer des capacités robotiques exceptionnelles dans de grandes installations photovoltaïques à grande échelle! Une nouvelle ère pour notre industrie est à venir et Solarcleano est à l’avant-garde! Contactez-nous si vous avez des méga projets...», a lancé le fondateur et CEO de Solarcleano, Christophe Timmermans, dans un style évidemment très différent et dans un post sur Linkedin il y a une semaine, pour attirer le chaland. Après avoir déjà posté un premier message, déjà en chinois, il y a un mois.

Ce mercredi, au deuxième jour de la mission économique en Chine, à Shanghaï, le vice-Premier ministre et chef de la diplomatie, (DP), accompagné par le ministre de l’Économie, (DP) et le président de la Chambre de commerce, , a annoncé la signature de trois memorandums of understanding entre trois sociétés chinoises et trois sociétés luxembourgeoises, sur les réseaux sociaux, sans que personne ne se donne la peine d’en dire plus.

Ce n’est pourtant pas rien: avec 80% de la production mondiale de panneaux solaires, la Chine, qui a largement subventionné son industrie depuis 2009 et le programme «Golden Sun» jusqu’à récemment, inonde le marché mondial et se met plus vite que d’autres continents en phase avec les engagements internationaux en faveur de la protection du climat.

Et la «petite» start-up luxembourgeoise a pris une longueur d’avance avec une vision: les panneaux solaires risquent de perdre jusqu’à 15 ou 20% de leurs capacités de production d’électricité s’ils ne sont pas nettoyés régulièrement.

Le troisième fabricant mondial et ses filiales

Christophe Timmermans et ses équipes ont donc créé trois robots capables de s’en occuper, 24 heures sur 24 mais pas forcément dans toutes les conditions. Et plutôt pour de très grandes surfaces que pour le toit de Monsieur Tout le monde. Il semblait logique que la start-up luxembourgeoise devrait, un jour, aller poser un pied en Chine. Comme il est certain qu’elle va devoir trouver une manière de protéger sa technologie du savoir-faire chinois…

Ce mercredi, celle qui emploie 28 personnes a signé un MoU avec une filiale de Trina Solar, numéro trois mondial, fondée en 1997. Devenue privée en 2007, elle a fait la fortune de son fondateur, Gao Jifan, à plus de 6 milliards de dollars, et qui conserve avec son épouse Chunyan Wu environ 36% des parts de l’entreprise via une demi-douzaine de structures. Non seulement, l’an dernier, le volume de ses expéditions a atteint 65,21GW – de quoi alimenter 50 millions de foyers européens pendant un an – en hausse de plus de 51,3% par rapport à l’année précédente, mais au premier semestre 2024, l’entreprise a généré des revenus de 6 milliards de dollars et un bénéfice net attribuable de 74 millions de dollars, confirmant deux trimestres consécutifs de rentabilité.

Nous avons des brevets qui sont forts sur certains aspects des robots, mais aller se battre contre des Chinois pour des ventes en Chine, c’est utopique.

Christophe Timmermansfondateur et CEO de Solarcleano

Derrière le gigantisme de ses indicateurs financiers, Trina Solar a décidé très tôt d’investir massivement dans la recherche et le développement. Juste avant l’été, elle a ainsi signé un 26e (!) record mondial en créant un panneau solaire (ou module) capable de produire 740,6 watts  d’électricité dans des conditions idéales. Son propre centre de recherche est engagé dans deux programmes gouvernementaux chinois clé dans le cadre du 14e plan quinquennal.

Avec deux banques chinoises à son capital, la China Merchant Bank (4,17%) et l’Industrial and Commercial Bank of China (1,38%), toutes les deux présentes au Luxembourg, un autre pont relie les deux entreprises: depuis sa privatisation, Trina Solar a aussi une entité luxembourgeoise, qui a peu d’activité au Luxembourg en dehors d’une petite ligne de trésorerie et deux employés.

TrinaBot, robot installateur-nettoyeur

L’entreprise, qui conçoit, fabrique et expédie des panneaux solaires, fournit aussi des solutions de stockage d’énergie. Et même des trackers de performance depuis 20 ans (!), via sa filiale Trina Tracker. C’est la seule entreprise de l’industrie à posséder des centres doubles de R&D et de conception technique pour les modules et les trackers en Europe et en Asie. Fin 2023, Trina Tracker avait fourni des solutions de suivi intelligent à plus de 700 centrales photovoltaïques dans plus de 60 pays, avec des expéditions cumulées de systèmes Fix et Tracker dépassant les 20GW.

Et cette société-là développe justement TrinaBot, exactement sur le créneau de la luxembourgeoise: le robot est conçu pour faciliter l’installation, la maintenance et l’inspection des systèmes de suivi solaire. Il est capable d’automatiser des tâches importantes, comme le nettoyage des panneaux solaires et l’entretien des trackers, tout en améliorant l’efficacité et en réduisant les coûts opérationnels.

«Nous ne sommes pas spécialement bon marché, nous ne sommes sûrement pas les meilleurs en Chine. Mais, dans le reste du monde, notre qualité nous permet de dominer le marché. Et les copies restent aujourd’hui limitées chez des acteurs régionaux plus que globaux. Pour l’instant, nous tirons notre épingle du jeu. Notre objectif n’est pas d’investir dans des avocats pour défendre des brevets!», «Nous avons des brevets qui sont forts sur certains aspects des robots, mais aller se battre contre des Chinois pour des ventes en Chine, c’est utopique. Nous préférons investir dans la recherche et le développement, penser aux prochaines générations de robots et garder l’avantage compétitif plutôt que de mener des batailles que Danone, Nike et les autres n’ont pas réussi à gagner!»