Lumière! Deux mois après la sortie de sa ligne de production des tout premiers exemplaires à son nom, Solarcells a procédé en grande pompe, sous les yeux du Grand-Duc, qui avait confirmé sa venue malgré les intempéries qui gèlent en partie l’activité du territoire, à l’inauguration de son usine nouvellement aménagée, du côté d’Hollerich.
La naissance d’une nouvelle filière dans le pays en somme, puisque Solarcells se targue d’être le premier fabricant luxembourgeois de panneaux photovoltaïques. Et pour saluer l’événement, comme un symbole, même le soleil régnait en maître au-dessus du site historique de l’ancien cigarettier Heintz Van de Landewyck, en ce début d’après-midi où les bouchons de bouteille ont sauté.
Divulgué il y a un an, le projet a été porté par la société luxembourgeoise de génie électrique, mécanique et tuyauterie industrielle Socom, associée au fabricant belge de panneaux solaires Evocells (devenu Belga Solar, depuis) au sein d’une joint-venture créée à l’automne 2022. Dès l’annonce, «les retours ont été énormes, mon téléphone n’a plus arrêté de sonner», se remémore , président du conseil d’administration de Solarcells. Le dirigeant a fait part de «[sa] nervosité» et de «[sa] fierté» en ce «jour très spécial».
Les retours ont été énormes, mon téléphone n’a plus arrêté de sonner.
Tout est allé très vite, en effet, depuis que le dossier a atterri, au printemps 2022, sur le bureau des ex-ministres (LSAP), pour l’Économie, et Claude Turmes (Déi Gréng), pour l’Énergie, assis au premier rang dans l’immense hangar abritant la ligne de production, au milieu de 200 invités. Marc Thein a pointé leur «soutien moral et décisif», ajoutant tout de même qu’il n’y avait pas eu de «soutien financier», «un petit regret». Leurs successeurs respectifs, (CSV) et (DP), entouraient le Premier ministre. Solarcells, a expliqué devant son prédécesseur et actuel vice-Premier ministre (DP), «c’est quelque chose qui combine l’économie, la transition écologique et un bon exemple de création d’emplois dans un État social. Un élément essentiel de ce que nous cherchons à construire.»
5 millions d’investissement
Dans les faits, personne ne doit se marcher sur les pieds: l’ex-Evocells (Belga Solar) continuera d’alimenter le marché belge, Solarcells ayant de son côté vocation à se concentrer sur le seul marché intérieur luxembourgeois. L’investissement est d’environ 5 millions d’euros. Chacun des deux acteurs engagés dans l’aventure a contribué à parts égales.
L’objectif est ambitieux: une production (automatisée) de 200.000 exemplaires chaque année est évoquée à terme, contre 40.000 le temps de la mise en fonctionnement. Quatre ou cinq ouvriers assurent le suivi du contrôle qualité tout au long de la chaîne de fabrication. «Nous ne pouvons pas tout produire chez nous, mais nous pouvons produire au maximum. C’est l’illustration de ce qu’il faut faire, à la luxembourgeoise», salue Luc Frieden. Et d’autant plus «à la luxembourgeoise» que Solarcells s’est rapproché de nombreuses entreprises du pays, comme General Technic, Marco Zenner ou No Nail Boxes, pour la conception d’une box de stockage 100% réutilisable.
C’est l’illustration de ce qu’il faut faire, à la luxembourgeoise.
À l’échelle mondiale, la fourniture de panneaux photovoltaïques est l’apanage de l’Asie, qui détient les clés de 80% du marché. Par rapport à cette concurrence, un panneau conçu à Hollerich, d’un rendement de 420 watts/crête, coûte plus cher à l’achat, de l’ordre de 320 euros hors TVA. Mais Solarcells table sur un impact écologique réduit pour faire la différence. Rappelant que la durée de vie d’un panneau se situe autour de 30 ans, «avec une perte d’efficacité assez faible», le président du CA, Marc Thein, avance le chiffre de «95% de produits recyclables». Le directeur de Solarcells, Michel Thein, assure pour sa part que l’essentiel des matières premières utilisées sont de provenance européenne, et que «le remplacement de celles non européennes est à l’étude».
Des aides pour accompagner la naissance
Quoi qu’il en soit, l’inauguration de l’usine pouvait difficilement trouver meilleure place dans le calendrier. Elle intervient quelques jours après l’annonce par le gouvernement de la prolongation de ses coups de pouce en faveur de la transition environnementale. Acté suite à la tripartite de septembre 2022, puis lancé en janvier 2023 pour une durée d’un an au départ, ce paquet de subsides, qui va du solaire à l’électrique, prévoit entre autres une bonification de 50 à 62,5% du taux de participation de l’État pour le financement de toute nouvelle commande et installation de panneaux photovoltaïques.
En 11 mois, l’État avait soutenu 685 dossiers, pour une enveloppe globale de 2,89 millions d’euros. Le 10 janvier, le conseil de gouvernement a confirmé le maintien de ces aides jusqu’au 30 juin prochain. Une annonce accueillie avec soulagement par les professionnels, qui ont vu leurs carnets de commandes boostés par ces incitatifs sonnants et trébuchants. Tout bénéfice pour Solarcells.
3.000 installations en 2023
Si elle donne un top départ, l’inauguration de l’usine d’Hollerich est loin d’être une fin en soi pour Solarcells qui réfléchit déjà… à un déménagement. Contraint et forcé. Celui-ci devrait intervenir d’ici 2030, en raison d’un projet foncier sur place. En attendant, Solarcells, qui a demandé à «l’homme le plus fort du monde», Georges Christen, d’incarner la marque dans des spots de pub, effectue ses premiers pas avec l’avantage d’avancer le vent dans le dos, si l’on considère les 3.000 installations photovoltaïques enregistrées dans le pays en 2023. Le chiffre est avancé par un Lex Delles tout sourire, et il lui fait dire: «On a besoin de cette production!»