«Nous sommes dans un moment d’incertitude, où les principes sont plus importants que les règles. Les accords qui se dégageront des négociations en tripartite permettront sans doute de soutenir autant que possible et de sauver autant que nécessaire les ménages et les entreprises», analyse Michel-Edouard Ruben, économiste à la Fondation Idea. C’est en effet ce dimanche 18 septembre que (gouvernement, syndicats et patronat), à Senningen, qui doivent dégager des solutions à la crise de l’énergie et l’inflation qui touchent actuellement le pays.
Le Statec a publié, ce jeudi 15 septembre, une mise à jour de ses prévisions d’inflation du début du mois d’août en intégrant l’impact de l’emballement récent sur les marchés de l’énergie. Trois scénarios se dégagent: un optimiste, un central et un pessimiste. «Il est impossible, comme au plus fort de la crise du Covid-19, d’affirmer ce qui se passera à l’avenir. On est dans un contexte où on ne peut parler que de scénarios, et pas de prévisions ou de projections», explique Michel-Edouard Ruben.
La tripartite, «un atout pour le pays»
Pour l’économiste, si nous étions dans un socialisme pandémique il y a encore quelques mois avec le Covid-19, «nous nous dirigeons vers un socialisme énergétique, et nous y sommes déjà d’une certaine façon. Le gouvernement doit gérer les contradictions entre les parties prenantes de la tripartite.» D’un côté se trouvent en effet les syndicats, dont l’OGBL, , et d’un autre côté se trouve le patronat, qui craint que ses entreprises ne soient prises en étau entre les factures énergétiques qui s’alourdissent et les index qui se cumulent.
«Mais, si les entreprises font faillite à cause de la crise énergétique, l’indexation ne servira plus à rien si les salariés n’ont plus de travail», confirme Michel-Edouard Ruben. «Le comité de coordination tripartite est donc un atout, et sa capacité à trouver des compromis, une vertu luxembourgeoise. On pourrait dire que, jusqu’ici, tout va bien, le taux de chômage n’est pas élevé, il y a de la création d’emplois, mais là, on parle déjà du passé. Ce qu’il faut voir, c’est l’avenir, l’hiver qui arrive, et comment risquent d’évoluer les coûts. Il faut trouver des mesures qui satisfassent toutes les parties prenantes des négociations.»
Des aides ciblées pour les ménages
Au niveau des entreprises, l’économiste estime qu’il faudra éviter qu’elles aient des problèmes de liquidités, ou de solvabilité, en misant, par exemple, sur des aides sur les coûts, sur le chômage partiel. «Le Luxembourg a des marges de manœuvre budgétaires, l’État est assureur-protecteur en dernier ressort, c’est un atout pour le pays.»
Pour les ménages, «il faut, je crois, des aides ciblées. Le coup de pouce de 7,5 centimes sur le litre de carburant est, par exemple, ce qu’il ne faudrait pas reproduire. En effet, 36% des ménages modestes ne possèdent pas de voiture, ils n’ont donc pas du tout bénéficié de cette aide, mais les ménages aisés, oui. Le logement est le premier poste de dépenses des ménages à faibles revenus. Sachant que le gel des loyers arrive à échéance en décembre prochain, j’imagine que sa prolongation sera également un des sujets de discussion de la tripartite.»
La subvention de loyer en support
«Les loyers étant bloqués depuis le Covid-19, grosso modo, il y a un risque d’inflation importante des loyers, maintenant ou plus tard, si le blocage des loyers est prolongé. Un risque accru par le fait que, dans un contexte d’augmentation des taux d’intérêt et de prix immobiliers élevés, des ménages, y compris à revenus relativement confortables, ne vont pas pouvoir être propriétaires et vont donc se reporter sur le marché de la location. Ce qui augmentera la demande. Il y a donc un besoin important de disposer d’assez d’investisseurs immobiliers, car, on ne le dira jamais assez, à chaque locataire doit correspondre un bailleur», ajoute-t-il.
Toujours sur le sujet du logement, Michel-Edouard Ruben rappelle que seuls 20% des locataires éligibles demandent la subvention de loyer. «On pourrait imaginer, comme la Semaine nationale du logement se tient début octobre, envoyer un SMS à toutes les personnes concernées, qui leur propose de se rendre à un stand à Luxexpo pour effectuer les démarches pour en bénéficier. On pourrait aussi envisager de déduire une partie des loyers des impôts des ménages les plus modestes. Et il ne faut pas oublier les propriétaires dits ‘pauvres’, il faudrait une réflexion pour eux. On pourrait leur prêter, par exemple, 5% de la valeur de leur logement, et récupérer cette somme lors de la vente ou de la succession de ce logement.»
Ces hypothèses seront certainement débattues à partir de dimanche, mais il faudra encore patienter quelques jours pour voir émerger les solutions trouvées par le gouvernement, les syndicats et le patronat.