L’outil numérique voué à aider les électeurs à évaluer leurs affinités politiques reprend du service pour les élections européennes.

Dix ans après son lancement par l’Université du Luxembourg, et qui ont vu 50.000 personnes le consulter, («voter intelligemment» en luxembourgeois) se met à la sauce européenne. Le principe reste inchangé: l’électeur répond à 33 questions et l’algorithme développé par l’Uni lui indique quel candidat et quel parti se rapprochent le plus de ses idées.

«Le questionnaire n’est pas tombé du ciel», précise Marc Schoentgen, directeur du Zentrum fir politesch Bildung (ZpB), partenaire de l’Uni et du Liser pour cette édition de Smartwielen. «Nous avons mené un travail de recherche sur les grands thèmes en débat et avons consulté les programmes électoraux, les déclarations publiques des partis et des candidats, etc. Nous avons aussi demandé à des journalistes et à des jeunes lors d’ateliers ce qui les intéressait.» Les lycéens, notamment, ont été incités à poser leurs questions.

Le succès de l’outil pour les élections législatives de 2018 montre qu’il répond à un véritable besoin dans la société luxembourgeoise.

Raphaël Kieschercheur en science politiqueUniversité du Luxembourg

«L’outil donne un matching en pourcentage avec un parti et un candidat», explique Jenny Gross, chargée de projet au sein du ZpB. L’électeur peut ensuite visualiser son positionnement politique sur la «smartmap», un axe à deux entrées: horizontalement, le positionnement traditionnel économique (gauche/droite) et, verticalement, le degré d’intégration européenne (plus d’intégration/moins d’intégration). Tandis que la «smartspider» permet de visualiser son positionnement par rapport à six thématiques: société libérale, participation démocratique directe, État social, libéralisme économique, souveraineté nationale et protection de l’environnement.

«Le succès de l’outil pour les élections législatives de 2018 montre qu’il répond à un véritable besoin dans la société luxembourgeoise dû à l’existence du panachage et du vote obligatoire», commente Raphaël Kies, chercheur en science politique à l’Uni. «Il participe à l’éducation civique» et à l’apprentissage de la dimension politique. Ainsi, 50.000 personnes – 25% des électeurs – avaient consulté Smartwielen.lu avant de mettre leur bulletin dans l’urne pour les élections législatives d’octobre 2018.

39% des utilisateurs de Smartwielen.lu ont modifié leur vote

«Il s’agit de considérer l’électeur comme une personne responsable de son vote, qui doit avoir des informations et voter en conscience», ajoute Patrick Bousch, coordinateur en matière de politique nationale au Liser. «Pour nous, il est intéressant de développer quelque chose pour la société civile quand on reproche souvent aux politiques de ne pas assez expliquer les réformes, etc.»

D’après les données récoltées lors des législatives et communiquées aux seuls parlementaires, Smartwielen.lu a encouragé 15% des électeurs à voter pour un parti qu’ils n’avaient pas prévu de choisir, et 24% à opter pour un autre candidat. Il a renforcé le choix de l’électeur pour un candidat dans 50% des cas et pour un parti dans 58% des cas. Un retour plus que probant.

Avant, les jeunes avaient tendance à voter comme leurs parents. Aujourd’hui, ils peuvent savoir quel parti est le plus proche de leurs idées propres.

Patrick Bouschcoordinateur en matière de politique nationaleLiser

Patrick Bousch souligne une autre statistique significative: les 18-24 ans ont davantage tiré leurs informations de l’outil numérique que de la télévision à l’automne dernier. «Avant, les jeunes avaient tendance à voter comme leurs parents. Aujourd’hui, ils peuvent savoir quel parti est le plus proche de leurs idées propres», note M. Bousch.

L’outil, disponible en français, allemand, luxembourgeois, anglais et maintenant portugais, a également été enrichi d’un lien vers le réseau VoteMatch Europe, qui réunit plusieurs outils similaires. L’électeur peut ainsi aller voir, pour chaque question, comment se positionnent les partis des autres États membres de l’UE. «Il s’agit toujours de l’idée de créer un espace public européen, un demos», souligne M. Kies.

Tous les partis sauf l’ADR participent à Smartwielen.lu pour le scrutin européen à venir. Le parti réformateur avait été le seul à se montrer mécontent de l’outil à l’issue des élections législatives. Une candidate de l’ADR a toutefois rempli son profil indiquant ses réponses aux différentes questions assorties d’un commentaire.

«Aucun instrument n’est parfait», admet Raphaël Kies. «Les questions sont toujours discutables. En tout cas, l’algorithme et la façon dont les questions sont entrées sont transparents. Et nous conseillons aux électeurs d’aller voir question par question le programme des partis.»