La smart city permet d’améliorer le quotidien des citoyens tout en utilisant les nouvelles technologies. (Illustration: Shutterstock)

La smart city permet d’améliorer le quotidien des citoyens tout en utilisant les nouvelles technologies. (Illustration: Shutterstock)

La smart city est une ville réactive, intelligente, où des solutions technologiques sont mises au service des citoyens pour améliorer leur cadre de vie, faciliter des tâches, préserver l’environnement, permettre une gouvernance plus transparente… Si les communes se sont emparées du sujet, qu’en est-il au niveau national et de l’aménagement du territoire?

L’aménagement du territoire permet d’ordonner l’espace dans une vision prospective, de créer un cadre de vie qualitatif. Il est donc logique que les équipes du Département de l’aménagement du territoire (DATer) se penchent sur la question de la smart city, approche qui permet d’améliorer la qualité de vie des citoyens en utilisant les outils technologiques.

Nous ne sommes qu’au tout début du processus et de l’élaboration d’une stratégie.

Manou HossDivision des affaires nationalesDATer

Au Luxembourg, le DATer, un des deux ­départements du ministère de l’Énergie et de ­l’Aménagement du territoire, met en œuvre une politique qui «vise à garantir le respect de l’intérêt général en assurant à l’ensemble de la population des conditions de vie optimales par une mise en valeur et un développement durable de toutes les parties du territoire national». Connaissant ce cadre général, il semble assez naturel que le département prenne en considération la question de la smart city.

Pour autant, et assez étonnamment, il n’existe pas encore de stratégie concertée à l’échelle nationale sur le déploiement de smart cities au Luxembourg. «Nous ne sommes qu’au tout début du processus et de l’élaboration d’une stratégie, éclaire Manou Hoss, de la division des affaires nationales. Cela entre dans les démarches de réflexion liées à la refonte du programme directeur d’aménagement du territoire (PDAT) et du développement du processus Luxembourg in Transition. Notre mission est de trouver de nouvelles pistes pour développer un futur territoire durable et résilient, et la smart city fait partie de cette approche.»

D’autre part, la crise sanitaire du Covid-19 a amené le DATer à ajuster les stratégies élaborées précédemment, puisque les équipes voient se dessiner de nouvelles perspectives. «La question de la technologie a pris une nouvelle dimension avec la crise sanitaire, et nombre de procédures se sont accélérées en très peu de temps, poursuit Manou Hoss. Jamais, avant mars 2020, nous n’aurions pensé que le télétravail puisse prendre une telle place par exemple. La composante environnementale acquiert ­aussi une nouvelle dimension, et la prise de conscience du besoin d’un changement s’est accrue. Ce sont de nouvelles fenêtres d’opportunité qu’il faut saisir. Tout cela n’en est actuellement qu’au stade de la réflexion non aboutie, mais il est certain que cela nécessite une ébauche d’aménagement du territoire adaptée, et la smart city pourrait jouer un rôle dans cette perspective.»

Une approche intégrée

Pour autant, il ne s’agit nullement d’agir bille en tête, mais bien de mettre en place une approche intégrée et intersectorielle, la smart city n’étant pas que l’affaire des départements TIC. Pour ce faire, le DATer envisage la possi­bilité de lancer une coopération interministérielle, ce qui permettrait de bien prendre en compte tous les axes inhérents à la smart city, qu’il s’agisse de l’énergie, de l’économie ou de la mobilité, entre autres.

«L’approche technologique n’est pas l’unique approche de la smart city, explique Carlos ­Guedes, conseiller Coordination administrative et ­communication du département. Cette approche n’est pas fausse, mais elle doit être approfondie et élargie, car ce qui est avant tout au centre de la smart city, c’est le citoyen, son bien-être et la qualité de vie au quotidien dans un environnement où il vit et travaille.»

Pour le Département de l’aménagement du territoire, la smart city n’est pas l’unique solution ou approche, mais une partie de la réponse à formuler pour composer un territoire durable et résilient. La création d’écoquartiers est une autre piste, par exemple.

Créer de la confiance technologique

Si le principe de la smart city repose sur la mise en œuvre d’outils technologiques, encore faut-il que cette technologie ne devienne pas toxique. Il faut veiller à ce qu’elle reste au service du citoyen, que la population puisse l’utiliser en toute confiance, sans que cela ne devienne un État de surveillance.

Le gouvernement a la mission de ne laisser personne de côté, d’avoir une ap­pro­che inclusive.

Carlos GuedesConseiller, coordination administrative et communicationDATer

«Le rôle de l’État est aussi de se mettre ­d’accord sur un certain nombre d’éléments-clés et partagés pour encadrer cette approche de smart city, précise Frederick Richters, de la division des affaires européennes. Il y a cette dimension humaine qui est en quelque sorte opposée à la dimension technologique. La smart city doit offrir des améliorations dans certains domaines qui sont problématiques, mais ces solutions technologiques ne sont pas une fin en soi, elles ne sont qu’un moyen. Aussi faut-il comprendre la smart city comme un collectif de citoyens, qui doit pouvoir acquérir certaines compétences numériques si nécessaire.»

«Par ailleurs, le gouvernement a la mission de ne laisser personne de côté, d’avoir une ap­pro­che inclusive, complète Carlos Guedes. Pour assurer le succès de la smart city, il faut absolument éviter l’illectronisme, car la smart city n’a d’inté­rêt que si les citoyens savent utiliser et compren­dre les outils, y adhèrent ensuite, et trouvent finalement une réponse à leurs besoins. À cette fin, nous travaillons déjà avec des organismes locaux et des associations qui sont aux côtés de différents groupes sur le terrain, que ce soit des personnes issues de l’immigration, des personnes socialement défavorisées ou encore des personnes âgées.»

La smart city doit se construire en travaillant avec les citoyens sur des solutions technologiques qui vont répondre à leurs besoins.

Frederick RichtersDivision des affaires européennesDATer

En plus d’acquérir les compétences pour pouvoir se servir de la technologie, il faut pouvoir accorder sa confiance dans les outils mis en place. «Cela passe par un contrôle bottom-up et par une totale transparence des solutions technologiques, assure Frederick Richters. Ces dernières années, nous avons beaucoup parlé de co-création, de co-construction, et c’est aussi cette approche qu’il faut adopter pour répondre aux besoins des citoyens. La smart city doit se construire en travaillant avec les citoyens sur des solutions technologiques qui vont répondre à leurs besoins. Il est nécessaire de créer de la confiance dans les outils développés et de déterminer lesquels sont vraiment utiles et ­performants. Notre approche est de travailler avec et pour le citoyen.»

Pour ce faire, un des prérequis est que la souveraineté des données reste entre les mains du citoyen. Il doit savoir à tout moment ce qu’il advient de ses données, comment ses data sont prélevées, collectées et traitées. Une très grande transparence doit être mise en place à ce niveau.

Une smart city pour tous

À l’heure actuelle, la réflexion et la concer­tation internes sont encore de mise. Une fois les objectifs et la stratégie déterminés, l’étape suivante sera de réaliser un état des lieux de ce qui existe déjà en matière de smart city à l’échelle du pays et d’évaluer les résultats des solutions apportées. Une consultation citoyenne semble aussi de bon augure afin de préciser les domaines où il existe des besoins et pour lesquels des solutions technologiques pourraient être efficaces.

Par ailleurs, si la smart city semble être une évidence pour les grandes agglomérations, il ne faut pas pour autant oublier le milieu rural et les petites communes, qui constituent une grande majorité du territoire luxembourgeois.

On pourrait toutefois se poser la question de la capacité des communes rurales à mettre en place des solutions technologiques sans avoir nécessairement une infrastructure technique adaptée. «Pour ces petites communes, il pourrait peut-être être envisageable de suivre l’exemple du développement de l’outil informatique Gescom (Gestion communale, ­l’outil informatique utilisé par les communes du Luxembourg, ndlr) du Syndicat intercommunal de gestion informatique (Sigi) et de mutualiser les ressources afin de développer des outils à disposition de tous. Ces communes rurales de­vien­draient alors des smart villages», ­précise Frederick Richters.

La stratégie nationale doit donc veiller à n’exclure personne, que ce soit une catégorie de personnes au sein de la population ou une commune à cause de sa petite taille.

«Dans cette approche, la petite taille du Luxembourg n’est pas nécessairement un handicap, mais peut au contraire être un atout. Nous pouvons profiter de chemins courts, tout comme d’une plus grande agilité et flexibilité dans la mise en œuvre de la stratégie qui sera déterminée, assure Carlos Guedes. Par ailleurs, nous disposons déjà de plusieurs projets bien développés et implantés sur notre territoire. Prenons la gouvernance électronique, par exemple. À travers myguichet.lu, les citoyens disposent déjà d’un large panel de services en ligne pour toutes leurs démarches administratives. Ce service qui a fait ses preuves entre dans la conception de la smart city. D’autre part, nous avons, dans le pays, des instituts de recherche avec lesquels nous pouvons collaborer pour déve­lopper et mettre en œuvre de nouvelles idées.»

Reste désormais à donner le cadre général à ce développement, et à le mettre en œuvre.

Les poupées russes

La question de la smart city est un sujet que l’on retrouve en arrière- fond d’autres projets menés par le ministère de l’Énergie et de l’Amé­­nagement du territoire. C’est le cas de Luxembourg in Transition, qui vise à imaginer un Luxembourg zéro carbone en 2050 en réunissant des propositions stratégiques d’aména­gement du territoire et la production de scénarios de transition écologique. Ce projet pourra devenir une réussite s’il est, entre autres, accompagné par un dévelop­pement intelligent de nos villes.

Smart cities

Les technologies développées dans le cadre de ces smart cities vont contribuer à atteindre les objectifs définis dans le cadre de cette ambition: une surveillance étroite de la pollution, une meilleure gestion des déchets, une meilleure gestion de la consom­mation et du niveau d’eau, le déve­lop­pement de l’agriculture urbaine, le développement de bâtiments durables, l’optimisation des transports en commun et le développement de l’électromobilité. Il s’agit là d’autant d’éléments smart qui contri­bueront à la décarbonisation de notre territoire. Par ailleurs, les smart cities participent pleinement à l’optimisation des ressources et de nos énergies, et à la préservation de notre environnement.

Smart buildings

Les smart buildings, quant à eux, visent par exemple à diminuer l’impact énergétique des bâtiments sur l’environ­nement. D’autre part, ces bâtiments sont accompagnés d’une banque de données qui renseigne les différents produits et matériaux utilisés pour leur construction, ce qui facilitera leur réemploi futur dans le cadre du développement de l’économie circulaire.

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de  qui est parue le 25 février 2021.

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