Ce n’est pas au dépôt de bus, dans la zone d’activité économique (ZAE) de Bascharage, que nous reçoit . Mais à quelques kilomètres de là, dans les nouveaux bureaux de l’associé – son frère, – à la tête de SLG. Et plus Sales Lentz Group, insiste-t-il. «Nous avons pris la décision, l’année dernière. C’est un message interne, avec le changement de logo et la dénomination de CEO pour les responsables des différentes marques, pour montrer que Jos et moi prenons une certaine distance. Cela ne veut pas dire que nous faisons du golf et des voyages. Notre mission est de les challenger, gérer le groupe en général».
Du camion pour la ferme aux 639 bus
Une nouvelle organisation qui s’imposait, au vu de l’évolution de l’entreprise familiale. «Notre grand-père transportait de la nourriture pour les animaux dans les fermes. Il a démarré en mettant des bancs sur le camion», pour emmener les supporters de son équipe voir les matches. En 1948, il achète son premier bus. Ce sont les débuts du groupe, spécialisé dans les transports et le tourisme.
La première transmission a lieu en 1961. «Notre oncle a reçu de notre grand-père la station-essence, qui se trouve à l’entrée de Bascharage. Elle lui appartient encore. Et mes parents, les bus.» Ils ont développé l’activité et ouvert plusieurs agences de voyages. Avant de passer la main à leurs deux fils, en 1993.
À l’époque, «mon père passait une heure et demie le soir, rien que pour garer les bus pour que le premier puisse sortir le lendemain sans être coincé», se souvient Marc Sales. Une mission «vite oubliée une fois qu’on est allés au dépôt», dans la ZAE. Le groupe employait alors 185 personnes. «Mes parents ont dit: ‘s’il faut investir pour un nouveau site, nous aimerions que les jeunes le fassent’.»
Il n’y avait pas de différence entre la vie privée et la vie professionnelle.
Depuis, le groupe s’est diversifié et compte dix marques, comme Executive Lane ou encore Travel Pro, spécialisée dans les voyages d’affaires. Sans oublier son activité historique de cariste via Sales Lentz et ses 639 véhicules. Il emploie 1.450 personnes et a réalisé un chiffre d’affaires de 145 millions d’euros en 2019, avant une chute liée à la crise du Covid-19. Sur laquelle ils ont su rebondir en créant BikooTrip, qui transporte les voyageurs dans un car suivi d’une remorque pleine de vélos électriques. «Avec la crise, les gens veulent faire des activités en plein air». Lancé en Belgique, le projet devrait arriver au Luxembourg en 2022.
Un choix logique
La transition s’est faite en douceur. «Nos parents étaient toujours présents et savaient nous poser les bonnes questions. Nous avions la chance d’avoir leur expérience avec une certaine liberté. Si nous avions écouté les conseils de mon père, nous n’aurions jamais créé Flibco.» Alors qu’en 2019, le service de navette aéroportuaire a transporté 1,5 million de passagers et vise les 10 millions d’ici cinq ans.
Les deux frères ont gardé cette approche critique. «Quand nous avons une décision à prendre, nous faisons une «battle». L’un est pour, l’autre contre, et, à la fin, nous trouvons toujours un compromis, après avoir mis sur la table les plus et les moins.» Marc Sales se dit «complètement différent» de Jos Sales, 53 ans, de trois ans son cadet. «Lui, c’est plutôt l’administrateur. Moi, l’entrepreneur».
Lui, c’est plutôt l’administrateur. Moi, l’entrepreneur.
Reprendre l’entreprise apparaissait comme une évidence pour les deux frères. «Depuis notre enfance, nous vivions dans la société», appuie Marc Sales. Avant la construction du dépôt, le parking des bus se trouvait à l’arrière de la maison familiale, où vit encore leur mère. «Pendant le déjeuner, le chauffeur frappait à la porte lorsqu’il avait une question. Quand j’ai eu le permis de conduire, mon père me réveillait le matin quand un chauffeur n’était pas à l’heure et qu’il fallait prendre le minibus. Au retour d’Italie, les chauffeurs frappaient à la porte pour nous apporter un carton de melons qu’on leur avait commandé. Il n’y avait pas de différence entre la vie privée et la vie professionnelle.» Ils ont donc rejoint la société juste après leurs études dans le commerce, et travaillé à peu près à tous les postes. «D’un autre côté, si nous n’en avions pas eu envie, nous l’aurions manifesté», relativise Marc Sales.
Ce qu’a fait leur petite sœur, qui vit dans le sud de la France. «Elle était plutôt culturelle». Pour le partage, le père a décidé que les deux frères devraient payer une somme à leur sœur pendant vingt ans. «Aujourd’hui, elle vient toujours. Son fils de 11 ans m’a dit qu’il voulait rejoindre l’entreprise», sourit-il. Sa petite sœur de neuf ans ne s’est pas encore prononcée. La plupart de ses cousins non plus.
La relève se prépare
«Les enfants de mon frère et les miens n’ont pas vécu la société comme nous», compare Marc Sales. «Pour mes parents, cela aurait été la déception de leur vie si aucun enfant n’avait continué. Pour mon frère et moi, le plus important est que nos enfants fassent ce qu’ils ont envie de faire.»
Les deux filles de Jos Sales étudient dans «des domaines qui n’ont rien à voir» avec l’entreprise. Ce qui ne signifie pas qu’elles ne voudront pas y entrer plus tard. «Elles ne savent pas encore». Marc Sales a quant à lui une fille de 24 ans, fleuriste, et un fils de 26 ans, qui pourrait prendre la relève. Après ses études dans la finance et l’IT, il a rejoint l’entreprise en avril dernier. Pour n’y rester que quelques mois. «Il s’est dit qu’il était encore trop jeune et voulait d’abord monter sa start-up, dans l’IT». Encore confidentiel, le projet devrait «d’ici le début d’année prochaine, changer la mobilité au Luxembourg», glisse son père. En tout cas, son fils devrait «d’ici quelques années, rejoindre le groupe», affirme-t-il.
Le grand retour des entreprises familiales
Si le groupe familial n’existait pas, «j’aurais sûrement créé quelque chose, je ne pourrais pas être employé. Dans quel domaine, je ne sais pas…»
La question pourrait d’ailleurs se poser pour SLG. «Il y a une phrase très importante pour moi: ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier», ironise-t-il. «Nous n’avons pas mis tous les œufs dans le même panier. Mais les paniers… étaient dans un même grand panier», bien secoué par le Covid. SLG cherchera-t-il un tout autre panier? «On verra bien. Nous n’avons pas encore survécu à la crise», rappelle-t-il. «Le plus important est de veiller à ce que nos salariés ne perdent pas leur travail».
Une caractéristique propre aux entreprises familiales, selon lui. «J’ai l’impression qu’elles étaient old school mais que depuis quelques années, elles redeviennent sexy», analyse-t-il. «Cela devient de plus en plus important de ne pas être un numéro dans une structure, mais une personne.» Pour ne perdre personne en route, malgré la vitesse.