Des milliers de profs et d’experts pour des dizaines de milliers de cours dans tous les formats grâce à la technologie: avec l’appui de Global Knowledge et de Prosus, Skillsoft va devenir un «monstre» de la formation professionnelle. (Photo: Shutterstock)

Des milliers de profs et d’experts pour des dizaines de milliers de cours dans tous les formats grâce à la technologie: avec l’appui de Global Knowledge et de Prosus, Skillsoft va devenir un «monstre» de la formation professionnelle. (Photo: Shutterstock)

Les actionnaires de Software Luxembourg Holding ont validé, ce jeudi, une des transactions les plus spectaculaires pour une société luxembourgeoise: un deal à 1,5 milliard de dollars via une Spac américaine à 697 millions de dollars en cash, plus 530 millions de dollars en private equity.

Les jeux sont faits. À l’heure où nous publions cet article, les actionnaires de Software Luxembourg Holding, la Soparfi luxembourgeoise qui préside aux destinées de Skillsoft depuis septembre dernier, ont été invités à voter pour ou contre la fusion avec la Spac américaine Churchill Capital Corp II par courrier, en amont de l’assemblée générale, virtuelle, qui se tient aujourd’hui. Il ne fait guère de doute que l’idée de donner naissance au géant mondial de la formation professionnelle individuelle avec l’énorme enveloppe d’un milliard et demi de dollars fasse miroiter d’assez belles perspectives pour que le décompte des votes se passe comme prévu.

Ce n’est pas que le temps presse, mais la pandémie de Covid a bousculé le calendrier d’une opération née il y a exactement deux ans. Une «coquille vide» – une «special purpose acquisition company», ou Spac – nommée Churchill Capital Corp II décide alors d’aller lever des fonds au New York Stock Exchange. Avec 697 millions de dollars dans les poches, ses promoteurs, dont le vétéran de Wall Street, Michael Klein, se mettent, comme à chaque fois dans le cadre des Spac, à la recherche d’une «target», une société cible technologique, qui a besoin de capitaux pour doper sa croissance. Ils repèrent Skillsoft, une société née à l’aube des années 2000 et spécialisée dans la formation professionnelle, qui compte 45 millions de clients, dont 70% du Fortune 1000, assez rentable… mais qui se débat pour survivre face à une dette de 1,5 milliard de dollars.

En juin 2020, elle se place sous la protection des autorités américaines et obtient, en deux mois, 187 millions de dollars de ses prêteurs habituels et une restructuration de la dette, ramenée à trois fois l’Ebitda. Exit les petits actionnaires…

Un deal à quatre entités

À peine sortie de sa procédure américaine, le CEO et président de la société, Ron Hovsepian, prend les rênes d’une soparfi luxembourgeoise créée sur mesure par Exequtive Partners (Luxembourg), elle-même détenue par JTC Group à 100% depuis son rachat en 2019.

Évidemment, à l’automne dernier, quand les discussions s’engagent entre la Spac et le management de Skillsoft, l’enveloppe doit permettre de remettre définitivement la société sur les rails sur le plan financier.

Les initiateurs du projet remettent la main à la poche et en sortent 233 millions de dollars pour acquérir Global Management, le leader mondial des formations en IT, présent dans 100 pays, avec 3.000 formations uniques dispensées par 1.100 experts. Un chevalier blanc est trouvé en Prosus, la holding néerlandaise de Naspers qui détient 28,9% de Tencent, 24,4% de Deliveroo ou encore 29,1% de Mail.ru, pour ne citer que les plus connus. Et qui, surtout, est prêt à apporter 130 millions de dollars en equity (le Pipe), puis 400 millions de dollars supplémentaires. À 1,5 milliard de dollars, tout le monde est d’accord.

Des Spac à venir chez Mazars 

«Ce n’est pas la première fois qu’une Spac américaine s’arrête sur une target luxembourgeoise», précise Fabien Delante, réviseur d’entreprises agréé et leader de l’équipe Spac au sein de Mazars au Luxembourg. «Le deal , avec une valorisation de la cible aux alentours de 5,3 milliards de dollars, avait déjà permis de lever plus de 600 millions de dollars au travers de la fusion avec une Spac basée dans le Delaware (CIIG Merger Corp)». Tandis qu’un membre de son équipe, Sumer Chopra, expert Spac au sein de la cellule Valuation & Capital Markets de Mazars Luxembourg, rappelle combien l’idée d’une Spac, séduisante sur le papier, dépend de la notoriété de ses promoteurs et de leur capacité à susciter de l’intérêt et des perspectives alléchantes, M. Delante confie que Mazars Luxembourg est actuellement engagé dans un certain nombre de deals impliquant des Spac luxembourgeoises en passe d’être cotées sur les bourses de Francfort ou d’Amsterdam, ce qui placera sans nul doute le Luxembourg sur la carte – sinon mondiale, du moins européenne – des Spac. «On voit aussi une différence entre les Spac européennes et les Spac américaines», expliquent les deux experts. Les Européens cherchent des targets en Europe tandis que les Américains cherchent des cibles partout sur la planète.»

Avec des revenus, cette année, qui devraient atteindre 650 à 680 millions de dollars, et 700 millions de dollars l’an prochain, ainsi qu’une marge Ebitda à 25%, Skillsoft est valorisée à 12 fois son Ebitda en 2020 et peut s’appuyer sur sa plateforme lancée en 2017, Percipio, qui génère des renouvellements d’abonnements de… 100%, même si elle ne réunit que 50% de ses clients. Le cours de l’action des sociétés était assez calme. Une seule véritable incertitude demeure: à quoi va ressembler le management du nouveau CEO, Jeffrey Tarr? . Avec près de 200.000 outils dédiés à la formation professionnelle en ligne dans 29 langues, SkillSoft sera armée pour défier toute concurrence. Début 2022, quand toutes les procédures seront terminées.

Selon l’étude Deloitte de 2020 «Global Human Capital Trends», 74% des sociétés envisagent une formation, mais seulement 9% sont prêtes.