Vainqueur de la manche luxembourgeoise de la Coupe du monde des start-up, Aaron Turner semble prêt à se retrouver dans les radars d’un secteur économique très sensible. De bon augure, après avoir sécurisé 3,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en fin d’année. (Photo: Paperjam)

Vainqueur de la manche luxembourgeoise de la Coupe du monde des start-up, Aaron Turner semble prêt à se retrouver dans les radars d’un secteur économique très sensible. De bon augure, après avoir sécurisé 3,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en fin d’année. (Photo: Paperjam)

Président et CSO de Highside, Aaron Turner semble avoir clairement changé de stratégie: arrivé au Luxembourg pour rester sous les radars avec sa solution de cybersécurité, l’Américain, qui ira en finale de la Startup World Cup sous la bannière luxembourgeoise, fin mai, à San Francisco, sera forcément exposé.

«Je n’en ai pas encore parlé à mes cofondateurs, pour avoir leur accord, mais j’aimerais un jour pouvoir proposer notre technologie à des ONG, comme Médecins Sans Frontières, afin qu’ils puissent adopter cette dernière pour éviter que tout le monde ait accès à leurs données, souvent sensibles, puisqu’ils fournissent des vaccins pour des millions de dollars.»

Jeudi soir, au cinquième étage d’EY, entouré par Bill Reichert, co-organisateur de la Startup World Cup, et par Olivier Lemaire, leader de l’Innovation chez EY et organisateur de la manche luxembourgeoise de la compétition, Aaron Turner avoue qu’il aimerait, avec le million de dollars qu’il pourrait gagner en finale, le 22 mai à San Francisco, financer un projet qui apporte sa technologie de cryptage des communications à ceux qui en ont le plus besoin. Fidèle à son engagement pour l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, l’«Église des Mormons», comme elle est surnommée, au début des années 1990, l’Américain répète aussi à l’envi combien la vie de sa famille, fraîchement installée au Luxembourg, lui est aussi primordiale. 

Mais s’il disait vrai, sa technologie ferait rapidement de lui un nouveau géant: il y a près de 10 ans que se succèdent les prophètes de la solution ultime pour protéger les communications, alors que des back doors sont installées par défaut dans nos appareils – sauf les iPhone – depuis toujours.

L’entrepreneur, qui rêve vaguement à un business qui se penche sur l’ADN des piments, entre autres, semble prêt à s’exposer, fort de ses premiers clients. Il sera d’ailleurs déjà à San Francisco, fin février, à une des plus grosses conférences sur la cybersécurité.

Aaron, pourriez-vous nous décrire simplement votre business?

Aaron Turner. – «Nos appareils sont compromis, en termes de cybersécurité, quasiment par défaut. Ils ont reçu des demandes de gouvernements pour leur permettre d’écouter les conversations pour prévenir le terrorisme et des choses comme ça. Malheureusement, maintenant que les appareils sont construits de cette manière, d’autres organisations, qui ont des activités criminelles, peuvent écouter ces conversations aussi. Nous essayons de restaurer la confiance en construisant un système qui redonne le contrôle aux gens. Par l’intermédiaire de cryptage et de clés de cryptage distribuées. Si quelqu’un veut savoir de quoi vous parlez, il doit venir vous le demander. C’est à vous de décider.

Il n’y a pas de groupe, quelque part derrière, qui peut prendre les clés et faire quelque chose sans que vous ne le sachiez, ni même sans que vous n’y consentiez. Les consommateurs vont utiliser notre technologie par l’intermédiaire de nos partenaires. Nos partenaires, comme les banques ou les fournisseurs de services de santé, vont intégrer notre technologie dans leur application. Depuis que nous nous sommes lancés, en novembre, nous avons sécurisé 3,5 millions d’euros. Ça nous rend très crédibles.

Le fait que nous rendions vos messageries plus sûres en éliminant les points faibles est rendu crédible par le fait que des gens mettent du cash sur la table alors qu’il y a tellement d’autres solutions.
Aaron Turner

Aaron Turnerprésident et chief security officerHighside

Le fait que nous rendions vos messageries plus sûres en éliminant les points faibles est rendu crédible par le fait que des gens mettent du cash sur la table alors qu’il y a tellement d’autres solutions. Les grandes sociétés qui ont 80.000 employés ne veulent pas que leurs secrets soient volés par des hackers russes ou chinois. Prenez 5.000 de ces 80.000 employés et permettez-leur de faire des choses que personne d’autre ne sait, c’est le secret!

Qui êtes-vous?

«J’ai eu une vie très intéressante. Je suis né dans un petit village de 200 personnes dans les montagnes du sud de l’Idaho… puis, j’ai été au bon endroit au bon moment: j’ai été invité à rejoindre Microsoft à la fin des années 1990 pour travailler sur les questions de sécurité. J’ai vu toutes les choses horribles qui arrivaient à Microsoft, les hacks et toutes les attaques. Et j’ai eu de la chance que Microsoft reconnaisse mon travail et me donne l’opportunité de faire des choses fantastiques. Et ça a lancé ma vie dans la technologie.

J’ai eu une start-up dans les paiements mobiles en 2008, vendue à un important opérateur de télécoms et j’ai recréé une start-up dans la sécurité des ATM en 2015, elle aussi vendue à un gros opérateur d’ATM et de cartes de crédit. J’ai toujours la chance d’utiliser la technologie pour résoudre des problèmes. Et par chance, j’ai croisé la route de Diego (De Biasio, le CEO du Technoport, ndlr), qui m’a dit combien le Luxembourg serait idéal pour développer mon business.

Ce qui est super au Luxembourg, c’est que l’écosystème a été construit sur le respect de la vie privée. L’histoire de l’industrie financière ici est aussi appuyée sur la vie privée. Vous avez un pays qui veut être un leader et s’engage pour protéger les intérêts des gens.
Aaron Turner

Aaron Turnerprésident et chief security officerHighside

Et j’ai tout emmené ici, famille et business. Ma fille, qui est à l’École internationale, est heureuse d’aller déjeuner avec des copains de sept pays différents, d’apprendre différentes langues. Et croyez-moi, ni pour les développeurs dont nous avons besoin, ni pour l’immobilier, la Silicon Valley ne nous coûterait moins cher qu’ici!

Quelle valeur ajoutée peut vous apporter le Luxembourg, à part d’être un peu à l’abri de la NSA, des hackers russes ou chinois?

«Ce qui est super au Luxembourg, c’est que l’écosystème a été construit sur le respect de la vie privée. L’histoire de l’industrie financière ici est aussi appuyée sur la vie privée. Vous avez un pays qui veut être un leader et s’engage pour protéger les intérêts des gens. Nous étions naturellement en phase. Sans oublier l’intérêt pour la cybersécurité, que l’on voit notamment dans le travail de Security Made in Luxembourg. Du coup, ça a été super pour nous de nous installer dans un pays où nous pourrions vraiment réussir!

Aujourd’hui, nous avons 25 employés que nous allons regrouper au Luxembourg. Nous sommes en train de finaliser la fusion de HotShot, que j’ai fondée en 2019, avec Highside, annoncée en novembre. Avoir du succès dans une seule verticale est dangereux, alors nous sommes en train de faire en sorte que notre croissance se fasse à travers plusieurs industries, de nous diversifier, et donc de diversifier nos partenaires.»