«La première chose que je dirais, c’est que si la Chine ne marche pas cette année, elle ne marchera jamais», déclare Alice Wang au début de sa présentation. Alice Wang est une gestionnaire de portefeuille basée à Londres qui gère deux fonds axés sur les actions de la région Asie-Pacifique et de la Chine. Elle est revenue récemment d’un voyage en Chine et a fait part de ses réflexions lors d’une présentation organisée par Quaero Capital au Luxembourg.
«Cette année est la première année depuis 10 ans où nous observons la meilleure croissance des prévisions de bénéfices.» Une reprise qui n’est pas axée sur les sociétés Internet, qui se sont «plutôt bien comportées» l’année dernière. Elle s’attend plutôt à ce que les entreprises chinoises plus axées sur l’économie réelle, telles que la consommation locale ou les voyages, connaissent une croissance en 2023. «Il s’agit d’une réouverture de l’économie réelle. Il ne s’agit pas d’une reprise par Internet.»
Une reprise tirée par la consommation intérieure
En Chine, «la réouverture s’est faite d’un seul coup. En janvier, on pouvait se demander s’il s’agissait d’une véritable réouverture ou d’un simple desserrement dû au Nouvel An chinois. En mars, la réouverture était vraiment là et reprise était indiscutable». L’investissement dans l’immobilier commercial, par exemple, reprend, bien que l’investissement dans l’immobilier résidentiel ne soit pas encore revenu, ce qui pourrait se produire au second semestre, a-t-elle ajouté.
La forme de la reprise sera celle «que les investisseurs occidentaux ont toujours espérée pour la Chine, une reprise tirée par la consommation intérieure, et non par des mesures de relance ou des investissements». Alice Wang met en avant des opportunités telles que les investissements dans le secteur des voyages et du tourisme, les scooters électriques et même la bière.
Les gens passent plus de temps hors ligne, dans les restaurants et les centres commerciaux, observe Alice Wang. Lors de son récent voyage en Chine, elle a constaté une «concurrence intense», les restaurants se remplissant rapidement et des méthodes publicitaires innovantes étant employées.
« La santé est le meilleur secteur structurel à long terme en Chine »
«Si vous regardez les réouvertures, les visites à l’hôpital repartent à la hausse, les gens sont traités pour des choses pour lesquelles ils avaient cessé d’être traités ces deux dernières années», rapporte-t-elle, ajoutant qu’elle s’attend à voir les investissements dans le secteur des soins de santé augmenter, en particulier en raison du vieillissement démographique de la Chine. «Nous pensons que le secteur de la santé est la meilleure histoire structurelle à long terme en Chine.»
Parmi les exemples d’investissements dans le secteur de la santé, on peut citer les fabricants de médicaments innovants, tels que les entreprises spécialisées dans l’immuno-oncologie, ou celles qui développent des vaccins (non seulement pour le Covid, mais aussi contre la tuberculose ou le papillomavirus humain).
Alice Wang a également donné l’exemple d’un fabricant de robots industriels qui permet des opérations à longue distance, une solution qui permettrait à un médecin d’opérer à distance un patient situé dans une autre ville. «Cela peut accroître l’efficacité des opérations. Il s’agit d’un thème clé pour l’avenir de la Chine: permettre aux villes de niveau 6 d’accéder à une meilleure qualité de vie, plus proche de celle des villes de niveau 1.» Les villes de niveau supérieur sont plus grandes, plus riches et plus développées que les villes de niveau inférieur.
L’incitation géopolitique de la Chine à la transition verte
En réponse à une question concernant la transition énergétique en Chine, Alice Wang a répondu que «la perspective occidentale est un peu hypocrite». Le «fardeau environnemental» de la production de batteries, par exemple, est transféré vers les marchés émergents.
«Les Chinois ont une motivation différente: ils ont vraiment peur que toute leur chaîne d’approvisionnement soit en danger, parce que les États-Unis ont la marine la plus puissante du monde et garantissent les voies commerciales maritimes. C’est pourquoi les Chinois construisent toutes ces voies ferrées au Laos et sur les routes terrestres, parce qu’ils ne peuvent pas garantir que les États-Unis ne les bloqueront pas.»
Selon une étude de l’Australian Strategic Policy Institute, la Chine est en tête dans 37 types de technologies critiques. Bien qu’elle ne soit pas très avancée en termes de semi-conducteurs, le pays possède l’envergure nécessaire pour des technologies telles que les panneaux solaires ou les turbines éoliennes.
«La raison pour laquelle les Chinois sont si obsédés par l’énergie solaire et éolienne, même si elle est extrêmement peu efficace en termes de production d’énergie, est qu’elle leur offre peut-être une sorte de couverture géopolitique contre les États-Unis. L’incitation chinoise est donc très forte, et cela me semble tout à fait logique, et ils continueront à accélérer le mouvement.»
Mais il ne faut pas oublier, ajoute Alice Wang, qu’il «s’agit de raisons géopolitiques et de réduction de la pollution, de la pollution visible, parce que les gens ne veulent pas vivre dans des villes polluées.»
Cet article a été écrit pour , traduit et édité pour Paperjam. Il a été publié pour la lettre d’information Delano Finance, la source hebdomadaire d’informations financières au Luxembourg. .