Le M11-P permet au photographe d’activer une fonction de «content credentials» pour tout savoir de l’histoire d’une photo à chaque instant de son utilisation ou de sa réutilisation. (Photo: Leica)

Le M11-P permet au photographe d’activer une fonction de «content credentials» pour tout savoir de l’histoire d’une photo à chaque instant de son utilisation ou de sa réutilisation. (Photo: Leica)

Si 2023 a été l’année de l’intelligence artificielle générative, elle a aussi marqué le début de la «résistance intelligence». Appuyé sur le standard de la Coalition pour la provenance et l’authenticité du contenu (C2PA), Leica a commercialisé fin octobre son M11-P, premier appareil à pouvoir mettre à mal les «photos» générées ou trafiquées par l’intelligence artificielle. Et Sony, Nikon et Canon arrivent!

(Article modifié pour ajouter la présentation d’un prototype de Z9 doté de la même technologie de la C2PA fin 2022)

Au royaume naissant de l’image générée sans photographe, de l’intelligence artificielle plus imaginative que les as de la capture de l’instant, des trafiquants d’émotions de tout genre, pour une fois, ce n’est pas la réglementation qui apporte une première solution, mais le marché. La sortie, fin octobre, du Leica M11-p n’a rien d’anodin: c’est le premier appareil photo qui «attache» l’historique de la photo à la photo.

«Les appareils photo Leica ont toujours été témoins de moments emblématiques de l’histoire du monde. Cependant, déterminer l’authenticité du contenu visuel est devenu de plus en plus difficile et important à l’ère de la photographie numérique. Maintenant que nous sommes en mesure de fournir cette preuve, nous renforçons une fois de plus la confiance dans le contenu numérique et rétablissons les appareils photo Leica en tant qu’outils faisant autorité dans la documentation des événements mondiaux», s’est réjoui le président du conseil de surveillance, Leica Camera AG, Andreas Kaufmann.

Pour faire simple, le photographe a la première responsabilité de protéger et de défendre son image. Et la technologie permettra à celui qui la regarde d’aller cliquer sur un petit pictogramme, en haut à droite, qui lui donnera toute l’histoire de la photographie, qu’elle n’ait jamais été «bricolée» ou qu’elle ait été modifiée, par rapport au contexte initial et dans un but particulier.

Le photographe active «Content credentials» et sa photo contient toutes les données, de la marque de l’appareil à la focale en passant par le temps d’exposition, la date et l’heure et, surtout, à celui qui détient les droits d’auteur. 

Dans un exemple, pour montrer comment cela fonctionne sur la plateforme associée, .

Et l’initiative qui pilote la C2PA n’est pas du tout isolée. Lancée par Adobe, elle regroupe la BBC, Intel, Microsoft, le groupe Publicis, Sony, Canon et Truepic. Son ambition est de fournir «une norme technique ouverte de bout en bout pour fournir aux éditeurs, aux créateurs et aux consommateurs des moyens flexibles et optionnels d’appréhender l’authenticité et la provenance de différents types de médias».

Sony au printemps, Canon… bientôt

Sony a elle aussi annoncé développer des appareils photo qui intègrent le même standard avec une technologie différente. La marque s’est associée à Associated Press et à Camera Bits, à l’origine de Photo Mechanic pour y ajouter une couche technologique qui préserve la signature numérique de l’appareil photo tout au long du processus d’édition des métadonnées.

«Nous apprécions le défi important que pose l’imagerie manipulée pour nos partenaires, et nous sommes très motivés à jouer un rôle pour aider à le résoudre», a déclaré fin novembre le président et fondateur de Camera Bits, Dennis Walker. «Photo Mechanic est utilisé par l’industrie du photojournalisme depuis 25 ans et continue d’évoluer à mesure que l’industrie introduit de nouvelles technologies. Nous nous engageons à garantir que Photo Mechanic reste une solution de flux de travail fiable et authentique.»

La nouvelle signature intégrée à l’appareil photo de Sony et l’authentification C2PA devraient être publiées dans une mise à jour du micrologiciel des Alpha 9 III, Alpha 1 et Alpha 7S III récemment annoncés au printemps 2024.

En août, Canon s’était lancée dans une autre approche, avec l’agence Reuters et le Starling Lab, un laboratoire de recherche universitaire basé à Stanford et USC qui innove avec les dernières méthodes cryptographiques et protocoles Web décentralisés. La photojournaliste de Reuters Violeta Santos Moura a pris des photos avec un prototype de Canon qui attribue numériquement à chaque photographie ainsi que l’heure, la date et le lieu correspondants un identifiant unique (valeur de hachage), puis les signe cryptographiquement pour établir une racine de confiance pour leur authenticité.

Les photos sont ensuite enregistrées dans une blockchain publique et mises à jour après chaque modification par le service photos de Reuters. Ce processus se poursuit jusqu’à ce que la photo soit distribuée avec ses métadonnées, son historique de modification et son enregistrement blockchain intégrés à la photographie à l’aide de la nouvelle norme C2PA. Pour vérifier l’authenticité de l’image, les clients des médias peuvent comparer son identifiant unique (valeur de hachage) sur le grand livre public.

2011, année noire

Avec Canon et Sony embarquées dans l’aventure C2PA, plus des trois quarts des parts de marché sont représentées.

Le troisième sur ce podium, Nikon, a présenté un modèle Z9 spécialement équipé mi-octobre 2022, à l’Adobe Max Conference, en expliquant que la technologie n’avait pas vocation à équiper spéficifiquement le Z9. Mais la marque, comme Canon, était engagée dès le début des années 2010 dans la certification des photos à partir de ses appareils.  Des technologies qui avaient été malmenées en 2011 par la société russe Elcomsoft, qui avait déclaré avoir trouvé un moyen d’extraire la clé de vérification originale afin qu’elle puisse être attachée à n’importe quelle image, qu’elle ait été modifiée ou non.

A cette époque-là, les Russes avaient «cracké» le BlackBerry, l’iPhone ou encore le système qui générait le codes WiFi. C’est une autre leçon que les géants ont déjà apprise: il faudra veiller à la robustesse de la technologie pour que le marché s’en serve comme du point de départ d’une nouvelle dynamique au service des photographes.

La partie aussi intéressante de l’aventure est que . De quoi, en théorie, mettre fin plus tôt aux polémiques des fausses photos sur internet. Comme celle du Pape et de sa doudoune blanche, fin mars dernier.