Thierry Raizer, rédacteur en chef de Paperjam. (Photo: Maison Moderne/Archives)

Thierry Raizer, rédacteur en chef de Paperjam. (Photo: Maison Moderne/Archives)

Un accident sur l’autoroute, une déviation sur une route secondaire, un incident sur le rail… et c’est tout le pays qui est à l’arrêt. Source de commentaires inépuisable – au même titre que les prix affolants du logement traités dans ce numéro –, la mobilité est devenue une préoccupation, voire une inquiétude des résidents et des frontaliers.

Quant aux visiteurs occasionnels, certains sont surpris par le niveau d’encombrement d’une ville qu’ils imaginaient comme une bourgade épargnée, alors que d’autres pensaient que le si riche Luxembourg avait adapté ses infrastructures à sa croissance.

Au-delà des conversations sur le quai de la gare, la mobilité prend, de plus en plus, des allures d’enjeu structurel. Lorsque la transhumance des frontaliers s’apparente à un parcours du combattant sur l’E411 ou l’A31. Lorsque les navetteurs sont bloqués dans un train SNCF, ou attendent celui de la SNCB qui ne viendra pas. Sans parler de la liaison ratée avec les CFL.

Ajoutez-y les attentes légitimes d’un patron qui veut faire tourner sa boutique, et vous obtenez un contexte néfaste pour le fonctionnement de l’économie et l’image du pays. Un «chaos» qui ne fait qu’amplifier les attentes à l’égard du ministre de la Mobilité, (Déi Gréng), qui, en décidant de ne pas se représenter en 2023, a les coudées franches – en plus de budgets d’investissement revus à la hausse – pour entreprendre des chantiers pas toujours populaires au moment de leur réalisation, mais ô combien nécessaires. Comme cette réussite que furent le premier tronçon du tram et le funiculaire, mis en service sous le regard d’une classe politique rassemblée par un dimanche de décembre 2017.

Deux ans plus tard, le gouvernement n’a d’autre choix que de poursuivre plusieurs aménagements à marche rapide pour réduire, d’ici 2025, «la congestion aux heures de pointe, tout en transportant 20% de personnes de plus qu’en 2017», selon le plan Modu 2.0, la stratégie nationale pour une mobilité durable. Les déplacements domicile­-travail devraient s’effectuer, dans cinq ans, à hauteur de 22% par train ou bus et 46% en voiture (contre 61% en 2017). Le doute est permis, mais l’ambition de faire du Luxembourg un pays modèle en matière de mobilité collective, durable et douce, lorsque cela est possible, en vaut la peine.

Un pays qui investit dans une ap­proche transfrontalière? Pas certain que les demandes de «rétrocessions fiscales» (autrement dit de l’argent en contre­partie des impôts sur les salaires des frontaliers qui leur échappent) formulées par les élus mosellans donnent au gouvernement l’envie d’investir massivement de l’autre côté des frontières. La lenteur administrative belge pour réaliser un simple P+R à Arlon non plus.

C’est bien sur le territoire du Grand-­Duché que cette bataille se ga­gnera. En proposant par exemple des P+R géants proches des frontières, assortis de bus rapides vers les entreprises. Une solution parmi d’autres qui permettrait de désengorger les principaux axes routiers et de faire tomber cette statistique édifiante: 1,2 personne par voiture sur la route du bureau. Soit 250.000 sièges vides qui entrent chaque matin dans la capitale.

Or, si rien ne change, le Luxembourg pourrait compter 50.000 voitures supplémentaires en 2025, selon la Fondation Idea. Une course folle vers la saturation? Dans ce contexte, il ne faut pas tout attendre des pouvoirs publics. Sans changement des comportements individuels, la situation ne peut qu’empirer. À chacun de s’interroger sur sa contribution à la fluidité du trafic et, par conséquent, à la sauvegarde, aussi minime soit-elle, de la planète en réduisant les émissions des gaz d’échappement.

Le couple «salaire-voiture de fonction», qui était devenu la norme, doit être re­considéré du côté des employeurs – en particulier dans le secteur financier – et le réflexe de l’habitacle individuel doit être remis en question. Souvent, les alternatives de transports en commun existent. Elles nécessitent simplement un temps d’adaptation à leur usage et à la promiscuité le temps d’un trajet. Au politique ensuite d’adapter l’offre en fonction d’une demande, afin que «l’immobilité» soit un peu moins un sujet quotidien.