En Belgique, le gouvernement a trouvé un accord au niveau fédéral pour proposer la semaine de quatre jours de travail. L’idée étant d’offrir la possibilité aux salariés de travailler plus d’heures sur quatre jours afin de profiter d’un jour libre le cinquième jour.
Concrètement, un salarié prestant 38 heures (la durée légale du travail hebdomadaire en Belgique) par semaine pourra travailler 9h30 pendant quatre jours au lieu de 7h36 sur cinq jours. Il sera également possible de prester 45 heures pendant une semaine pour ensuite profiter d’une semaine allégée de 31 heures.
Les objectifs sont multiples: rendre le marché du travail plus attractif, renforcer la flexibilité et améliorer la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée. Le gouvernement belge ambitionne également d’augmenter le nombre de personnes actives en atteignant un taux d’emploi de 80% d’ici à 2030, contre un taux actuel de 71%.
La semaine de quatre jours ne règle rien, au contraire, elle rallonge la journée de travail.
Mais la mesure divise. Si certaines entreprises ayant déjà adopté la semaine de quatre jours assurent avoir constaté un gain de productivité et une réduction du stress au travail, d’autres assurent qu’il sera extrêmement difficile de l’appliquer sur le terrain.
Même discours de la part du principal syndicat ouvrier du pays. Le président de la FGTB, Thierry Bodson, n’a pas mâché ses mots, en parlant d’une «d’une fausse bonne idée» au micro de La Première. «Compresser la semaine de travail sur quatre jours, c’est un coup de couteau assassin dans la revendication de la réduction du temps de travail», a souligné Thierry Bodson, avant d’ajouter: «Des journées de 10 heures, c’est amener les garderies et les crèches à ouvrir pendant 12h. Ça n’existe pas. 10 heures de travail par jour, c’est augmenter le risque d’accident de travail. C’est aussi demander une modification de la loi de 1971 qui organise le temps de travail, avec la journée des huit heures. On parle ici d’une compression du temps de travail, et non d’une réduction du temps de travail», a pesté le président de la FGTB, syndicat ouvrier pouvant être considéré comme l’équivalent de l’OGBL au Luxembourg.
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«Ce que les travailleurs nous remontent, c’est un mal-être au travail, un manque de sens, une augmentation des burn-out et des conditions de travail de plus en plus difficiles à supporter. La semaine de quatre jours ne règle rien, au contraire, elle rallonge la journée de travail», a encore soupiré Thierry Bodson.
Notons tout de même que, si certaines entreprises ont déjà adopté la semaine de quatre jours, l’accord gouvernemental doit encore franchir plusieurs étapes législatives avant d’être publié au Moniteur, l’équivalent du Journal officiel au Luxembourg.
Pas envisageable au Luxembourg
Du côté du ministère du Travail, on souligne que «la semaine de quatre jours ne figure pas dans l’accord de coalition, même si un chapitre est consacré à l’organisation du temps de travail et que l’idée d’une telle semaine n’a pas encore été étudiée quant à sa faisabilité».
Toutefois, le ministre du Travail, (LSAP), semble voir dans l’initiative belge certains enseignements, ou du moins l’ouverture d’une fenêtre propice à la discussion autour du sujet. «L’accord en Belgique marque peut-être un nouveau moment pour aborder la question de la durée du temps de travail», a-t-il commenté.
«Une nouvelle économie nécessite d’autres formes d’organisation du travail qui ont un impact sur le temps de travail. Les salariés ont des aspirations différentes en matière d’organisation et de temps de travail. Ils demandent plus d’autonomie et des formes de travail plus flexibles. Il s’agit avant tout pour eux de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Parallèlement, une plus grande flexibilité en matière d'organisation du travail devra permettre aux entreprises de mieux s’adapter à un environnement économique et concurrentiel en constante évolution», a encore précisé le ministère du Travail.
Les syndicats en faveur d’une réduction du temps de travail
La réduction du temps de travail est une revendication des syndicats LCGB et OGBL. , présidente de l’OGBL, rappelle régulièrement la nécessité de réduire le temps de travail afin d’augmenter le temps dédié «à vivre», notamment en famille. Mais l’OGBL n’a jamais revendiqué la semaine de quatre jours. Le syndicat préférant une sixième semaine de congé légal, un droit au temps partiel, un congé social, ou encore le mécanisme d’un compte épargne-temps.
Idem du côté du LCGB. «L’idée d’une semaine de quatre jours n’a jusqu’ici pas fait l’objet de discussions», souligne le syndicat. «Les revendications du LCGB portent sur une meilleure conciliation entre vie professionnelle et privée par une réduction du temps de travail. Le droit au temps partiel fait également partie de nos revendications et a déjà été abordé fin 2020, sans conclusions, au Comité permanent du travail et de l’emploi (CPTE).
Une autre revendication du LCGB est également d’œuvrer pour une meilleure flexibilité du temps de travail dans l’intérêt de la conciliation entre vie professionnelle et privée», ajoute encore le syndicat dirigé par , qui semble rejoindre les propos de son homologue belge. «Même si une redistribution du temps de travail de 40 heures par semaine sur quatre jours au lieu de cinq jours permet de disposer d’une journée libre hebdomadaire supplémentaire, il ne faut pas oublier que le temps de travail par jour va se rallonger de deux heures, ce qui risque de compliquer plutôt que de faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie privée. De plus, il ne faut pas négliger que l’allongement des heures de travail journalier fait également diminuer le temps de repos entre les jours de travail, ce qui peut également avoir un impact sur la santé et la sécurité au travail», souligne encore le LCGB, qui plaide plutôt pour une réduction générale du temps de travail.
La flexibilité du temps de travail est une question plus large qui n’a pas de réponse idéale pour l’ensemble des travailleurs et des entreprises.
L’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) assure ne pas voir la semaine de quatre jours de travail comme sujet de réflexion. Très vite, , directeur de l’UEL, pointe plusieurs problèmes à une telle mesure. «Nous connaissons actuellement une pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs d’activité et avons une transition énergétique et environnementale à réussir. Une réduction du temps de travail ne nous aiderait pas. Travailler 10 heures par jour, cela posera des problèmes au niveau des crèches, des écoles, ou encore des entreprises qui travaillent en trois fois huit heures. Qu’en sera-t-il des pauses? Pourquoi ne pas faire trois fois 10 heures? Puis deux fois cinq heures? Etc. En quelques minutes, on s’aperçoit des nombreuses interrogations qu’amène ce concept», souligne-t-il. «La flexibilité du temps de travail est une question plus large qui n’a pas de réponse idéale pour l’ensemble des travailleurs et des entreprises. Il y a de nombreuses différences entre les secteurs et les métiers. L’exemple du télétravail, avec des métiers qui le permettent et d’autres non, est assez parlant», indique encore Jean-Paul Olinger.
Pour terminer, l’UEL s’intéresse à la question de la flexibilisation du temps de travail, mais ne pense pas qu’une seule et même loi puisse convenir à l’ensemble du tissu économique. «Cela doit se faire à l’intérieur des entreprises, avec un cadre réglementaire moins rigide pouvant donner plus de flexibilité et de dialogue dans les entreprises. À partir de là, d’autres formes de temps de travail pourront émerger», tempère Jean-Paul Olinger.