Diminuer de deux heures une semaine de 55 heures de travail entrainerait un impact favorable sur la productivité. Mais, à 40 heures de travail hebdomadaire, comme au Luxembourg, «il est moins probable que l’effet sur la productivité soit positif», explique Muriel Bouchet. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne/Archives)

Diminuer de deux heures une semaine de 55 heures de travail entrainerait un impact favorable sur la productivité. Mais, à 40 heures de travail hebdomadaire, comme au Luxembourg, «il est moins probable que l’effet sur la productivité soit positif», explique Muriel Bouchet. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne/Archives)

Relancé par le LSAP, le sujet de la diminution du temps de travail divise, notamment quant à son impact sur la productivité des entreprises. Celui-ci peut être positif, selon Muriel Bouchet, de la Fondation Idea, mais si la durée hebdomadaire de travail est longue à l’origine. Cela est moins probable avec une semaine de 40 heures.

La campagne électorale ne devrait pas faire l’économie d’un débat autour du temps de travail. Le ministre du Travail, (LSAP), en a fait et celui-ci a même déclaré à la mi-janvier sur l’antenne de RTL ne pas être opposé à une réduction de la semaine de travail à 36 heures.

La réaction des milieux entrepreneuriaux n’a pas tardé: «Une telle mesure généralisée sonnerait le glas de l’attractivité de notre économie et du modèle luxembourgeois tout court», réagissait ainsi le directeur de la Chambre de commerce, , sur Twitter. «Qui paierait les 10% de salaire en moins?», s’interrogeait quant à lui sur le même réseau social le directeur de l’UEL, . Une prime de l’État? L’employeur?

La productivité au cœur du débat

Georges Engel a précisé vouloir une discussion objective sur le sujet, sur base d’une étude qu’il a réclamée au Liser et dont la publication est prévue en mars. Selon lui, une telle discussion est nécessaire pour garantir que le Luxembourg reste attractif pour les salariés.

L’impact d’une telle mesure dépend bien sûr largement des modalités de sa mise en œuvre (centralisée, homogène, flexibilité selon le secteur d’activités, diminution ou maintien du salaire, flexibilité des heures supplémentaires), qui n’ont pas été explicitées. Mais, en cas de réduction du temps de travail, un des facteurs essentiels est l’impact sur la productivité.

«Cela détermine tout», juge Muriel Bouchet, économiste et directeur de la Fondation Idea, think tank de la Chambre de commerce. En cas de passage à une semaine de 36 heures, «si la productivité augmente de 10%, alors la situation est idéale, et une telle mesure est bien plus facile à adopter», estime-t-il.

Conséquences variables

Mais la réalité n’est pas si accommodante. Selon Muriel Bouchet, l’impact sur la productivité varie en fonction de la durée de départ de la semaine de travail: plus celle-ci est longue, plus l’impact sur la productivité d’une baisse du temps de travail est positif. Plus précisément, au-delà de 50 ou de 60 heures de travail par semaine, l’impact sur la productivité est favorable, du simple fait que les travailleurs sont plus en forme et font moins d’erreurs.

Ainsi, diminuer de deux heures une semaine de 55 heures de travail entrainerait un impact favorable sur la productivité. Mais, à 40 heures de travail hebdomadaire, comme au Luxembourg, «il est moins probable que l’effet sur la productivité soit positif», explique Muriel Bouchet. Ainsi, en cas de diminution à 36 heures, «on ne peut pas s’attendre à une hausse de la productivité de 10%, donc il y aurait une perte de productivité des entreprises», ajoute l’économiste.

Dérapage des coûts salariaux

Et les conséquences pour celles-ci pourraient s’avérer «néfastes»: moins de personnel disponible pour la même production risquerait, sans augmentation de la productivité, d’entrainer un dérapage des coûts salariaux. Sans compter que le besoin en emplois augmentant, certains secteurs qui font déjà face à des problèmes de disponibilité de main-d’œuvre se retrouveraient sous pression. «On renforce alors ce goulot d’étranglement», selon Muriel Bouchet.

Les conséquences macroéconomiques potentielles ne sont pas non plus à négliger, rappelle l’économiste: selon les simulations d’Idea, à PIB et productivité inchangés, 955.000 emplois seraient nécessaires en 2050. Or, en cas de baisse de 10% du temps de travail, il en faudrait 100.000 de plus. Ce qui implique plus d’immigration nette, et donc encore davantage de pression sur le logement et la mobilité.

Dans l’hypothèse inverse – si le PIB diminue –, il serait alors «plus compliqué de financer les systèmes sociaux, la retraite…» «Prudence», donc, en cas de manipulation de la durée du temps de travail, recommande Muriel Bouchet.

L’improbable majorité

Difficile dans tous les cas d’imaginer quelle majorité porterait une telle évolution. Les adversaires politiques du LSAP ont balayé d’un revers de la main une telle possibilité: le DP, en la personne du Premier ministre, , se du temps de travail lors de ses vœux à la presse.

C’est aussi le cas du CSV: , récemment désigné tête de liste nationale du parti chrétien-social, déclarait : «Il faut, à mon avis, se diriger vers une flexibilisation du temps de travail à l’intérieur des entreprises plutôt que vers une réduction du temps de travail». Le consensus semble loin.