Le Clean Industrial Deal de la Commission européenne, , identifie correctement les principaux défis auxquels est confrontée l’industrie sidérurgique européenne, mais ne propose pas de mesures politiques concrètes pour les relever, selon l’Association européenne de l’acier (Eurofer).
La Commission affirme que cet accord vise à mobiliser plus de 100 milliards d’euros pour soutenir la fabrication propre dans l’UE et créer 500.000 nouveaux emplois d’ici 2030. Cependant, , tels que la surcapacité mondiale de production d’acier, les lacunes du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) et les prix élevés de l’énergie, restent sans solution, menaçant la compétitivité et la survie du secteur.
Axel Eggert, directeur général d’Eurofer, déclare dans un communiqué que des mesures urgentes sur le commerce, le CBAM et les prix de l’énergie sont nécessaires pour protéger la sidérurgie européenne. Selon lui, bien que la Commission ait diagnostiqué avec justesse les défis de l’industrie, elle n’a pas apporté de réponses politiques suffisantes pour inverser son déclin.
M. Eggert souligne que le prochain dialogue stratégique sur l’acier, prévu le 4 mars sous l’égide de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, représente une occasion clé de plaider en faveur de mesures concrètes dans le cadre du plan d’action proposé pour l’acier et les métaux. Il insiste sur la nécessité de déployer rapidement des initiatives sectorielles pour permettre à l’industrie de se redresser.
Surcapacité et pressions commerciales
Eurofer souligne que plus de 500 sites de production d’acier répartis dans 22 États membres de l’UE emploient plus de 300.000 travailleurs hautement qualifiés, produisant 140 millions de tonnes d’acier par an.
Cependant, la surcapacité mondiale en acier a dépassé 550 millions de tonnes, avec une capacité supplémentaire de 150 millions de tonnes attendue d’ici 2026, soit bien plus que la production totale d’acier de l’UE. De plus, récemment imposés par les États-Unis ont encore faussé les flux commerciaux, augmentant le risque de perturbation du marché.
L’association avertit que, sans mécanismes de défense commerciale plus solides, les producteurs d’acier européens auront du mal à rester compétitifs. Elle exhorte l’UE à renforcer ses mesures de sauvegarde dans le cadre de la révision en cours, afin de mieux les adapter aux conditions actuelles du marché et de définir une stratégie commerciale durable au-delà de la période de sauvegarde.
Eurofer demande également que les instruments de défense commerciale existants soient pleinement appliqués pour contrer la concurrence déloyale des producteurs extracommunautaires.
Lacunes du CBAM
Le Clean Industrial Deal comprend un paquet omnibus visant à simplifier la mise en œuvre du CBAM. Il introduit notamment un nouveau seuil de minimis pour exempter les petits importateurs et reporte les obligations financières de 2026 à 2027.
Cependant, Eurofer souligne que des éléments clés affectant l’efficacité du CBAM – tels que les dispositions relatives aux exportations, les risques de contournement et l’impact sur les secteurs en aval – restent sans solution, sans garantie juridique quant aux ajustements futurs. L’association constate que le cadre actuel du CBAM permet aux producteurs d’acier non européens de vendre en Europe des produits à faible teneur en carbone à des prix compétitifs, tout en continuant à produire des aciers fortement carbonés pour leurs marchés nationaux ou extracommunautaires. Cette pratique contredit les objectifs environnementaux du CBAM et désavantage les sidérurgistes européens.
De plus, l’absence de mesures pour les exportations signifie que les producteurs européens devront supporter le coût du carbone sur leurs exportations, mettant en péril 19 millions de tonnes de production d’acier.
Eurofer avertit également que l’exclusion des produits en aval à forte intensité d’acier – tels que les composants automobiles et les matériaux d’infrastructure renouvelables – pourrait encourager la délocalisation des fabricants en dehors de l’UE.
Coûts de l’énergie
Eurofer constate que les prix de gros de l’énergie dans l’UE restent nettement supérieurs aux niveaux historiques, atteignant deux à quatre fois les tarifs observés aux États-Unis et en Chine. Or, l’énergie représentant une part essentielle des coûts de production de l’acier, ces prix élevés menacent à la fois la compétitivité de l’industrie et sa capacité à se décarboniser.
Bien que le Clean Industrial Deal et le Plan d’action pour une énergie abordable reconnaissent la nécessité de réduire les coûts énergétiques, Eurofer estime que les solutions proposées n’apportent aucun soulagement immédiat. L’association souligne que sans une réforme structurelle du marché européen de l’électricité visant à découpler les prix des combustibles fossiles, les mécanismes existants, tels que les contrats d’achat d’électricité à long terme, ne suffiront pas à réduire significativement les coûts.
Eurofer appelle donc la Commission européenne à fournir des directives sur la mise en place de mesures transitoires pour garantir aux industries à forte consommation d’énergie des prix compétitifs à l’échelle mondiale, tout en réduisant la charge réglementaire sur les factures d’électricité.
Enfin, l’association avertit que, bien que les investissements prévus dans les capacités et réseaux électriques à faible émission de carbone soient une avancée positive, leurs bénéfices ne se feront sentir qu’à moyen terme.
Pénurie de matières premières
Eurofer souligne que les déchets ferreux, une matière première secondaire essentielle pour le secteur de l’acier, sont vitaux tant pour l’industrie que pour l’économie européenne. Leur recyclage permet de réduire considérablement les émissions de CO₂, la consommation d’énergie et la dépendance aux matières premières vierges, en faisant un élément clé de la décarbonisation du secteur.
Bien que le Clean Industrial Deal reconnaisse l’importance de l’économie circulaire, Eurofer note que l’UE reste le plus grand exportateur mondial de déchets ferreux. Une part importante de ces exportations est envoyée vers des pays aux normes environnementales et sociales moins strictes, permettant ainsi aux industries étrangères de surenchérir sur les sidérurgistes européens.
L’association appelle les décideurs politiques à reconnaître officiellement la ferraille comme une matière première secondaire stratégique dans le cadre de la loi sur l’économie circulaire, et à adopter des mesures ciblées pour préserver l’approvisionnement en ferraille au sein de l’UE. Ces actions sont essentielles pour soutenir la transition du secteur sidérurgique tout en protégeant sa compétitivité et l’autonomie stratégique de l’Europe.
Eurofer conclut que, bien que le Clean Industrial Deal définisse une orientation politique pertinente, il n’apporte pas les réformes radicales nécessaires pour assurer l’avenir de la sidérurgie européenne. L’association insiste sur l’urgence de mettre en place des mesures dans les domaines du commerce, du CBAM, des prix de l’énergie et de la rétention des matières premières afin d’éviter un nouveau déclin du secteur.
Cet article a été , traduit et édité pour le site de Paperjam en français.