Pierre Gromada: «Lors des premiers jours de télétravail, nous avons ralenti un peu notre activité pour prendre le temps de former les salariés aux nouveaux process.» (Photo: Shutterstock)

Pierre Gromada: «Lors des premiers jours de télétravail, nous avons ralenti un peu notre activité pour prendre le temps de former les salariés aux nouveaux process.» (Photo: Shutterstock)

Les problématiques opérationnelles liées au travail à distance réglées pour un temps, le secteur du recrutement est confronté à des demandes spécifiques de la part des employeurs, mais aussi au gel de certains processus d’embauche en cours.

Comme tous les secteurs d’activité, celui du recrutement a dû s’adapter aux conséquences du confinement lié à la pandémie de coronavirus. Les équipes des cabinets de recrutement, tout comme leurs entreprises clientes, et les candidats potentiels: tous sont coincés à la maison.

L’identification et la sélection de candidats ne posent pas de problème particulier à distance. De nombreux outils digitaux existent (job boards, réseaux sociaux...), et du fait du confinement, les candidats sont généralement plus disponibles.

«Lors des premiers jours de télétravail, nous avons ralenti un peu notre activité pour prendre le temps de former les salariés aux nouveaux process», partage Pierre Gromada, country manager de Hays Luxembourg, qui compte 30 salariés au siège luxembourgeois et 200 personnes missionnées dans différentes entreprises.

Mais l’organisation des entretiens d’embauche en ligne s’avère plus complexe. Certes, les possibilités de visio ne manquent pas, via Skype, Webex, appels vidéo WhatsApp, ou encore Facetime. Mais le recruteur est alors privé de l’analyse du langage non verbal, et le candidat parfois frustré de ne pas avoir pu s’exprimer comme il le souhaitait.

«C’est un métier basé sur les relations humaines: il est donc forcément contraignant de ne pas rencontrer les personnes en face à face», remarque Maxime Durant, directeur de Michael Page Luxembourg.

Système D

Les entreprises font preuve d’imagination et de débrouille pour poursuivre leurs processus de sélection. «Nous avons par exemple eu le cas d’une société qui devait faire passer un test comptable à des candidats. Il s’est déroulé en visio, avec des questions dictées, et le test était surveillé en direct pour éviter que les candidats ne soient tentés de chercher de l’aide sur les moteurs de recherche...», raconte Pierre Gromada.

Le recrutement 100% digital ne fonctionne cependant pas pour tous les types de recrutement. L’entretien vidéo est notamment plus compliqué pour les métiers techniques. «Les candidats, comme les entreprises, n’en ont pas l’habitude. Dans ces cas-là, si une solution de visio ne peut pas être trouvée, nous ‘bloquons’ certains profils avant la finalisation de l’embauche, en attendant de pouvoir les voir en face à face», précise Pierre Gromada.

Pour le secteur du BTP, qui est complètement à l’arrêt, les recrutements se poursuivent malgré tout. «Les sociétés savent que les chantiers vont repartir, et que la difficulté à recruter des profils dits ‘pénuriques’ n’aura pas disparu à ce moment-là. De ce fait, les entreprises préfèrent sécuriser leurs recrutements. Et les personnes embauchées sont aussitôt mises au chômage partiel», explique encore le country manager de Hays, qui a ainsi fait signer quatre CDI dans le BTP la semaine passée.

D’autres demandes se font par ailleurs pressantes: «Les demandes de profils IT ont explosé, en particulier les ingénieurs support, les experts en sécurité informatique et les spécialistes en matière de plans de continuité d’activité. Auparavant, la demande de ce type de profils était très sporadique», souligne notre expert.

Frilosité des candidats

L’activité des cabinets de recrutement ne s’est donc pas arrêtée net avec les mesures de confinement et les fermetures d’entreprises, mais elle diminue inévitablement. «Environ 50% de nos recrutements sont toujours en cours, donc nos clients attendent que nous leur fournissions des candidats. Néanmoins, l’ensemble de nos process sont tous fortement ralentis, et leur date de conclusion, très incertaine», note Maxime Durant.

Hays remarque également une baisse de l’activité. «Après que nos entreprises clientes se sont réorganisées avec le travail à distance, les process se sont poursuivis. Mais il est évident que ce ne sera pas le meilleur mois de mars que nous aurons connu... Les recrutements stratégiques se poursuivent, mais les autres sont plutôt mis sur pause», ajoute Pierre Gromada.

Le débauchage devient quant à lui particulièrement difficile dans le contexte actuel. «Nous observons un phénomène naissant au Luxembourg, à savoir une prudence de la part des candidats. Désormais, les personnes craignent de perdre leur emploi et ne sont pas prêtes à laisser un job pour entamer une période d’essai», explique Pierre Gromada. Même si de nombreux candidats profitent aussi de la période pour une introspection, questionnant leur métier ou leur entreprise, signale Michael Page.

Quelques effets positifs pourraient ressortir de cette période particulière: «Le contexte actuel nous oblige à être agile et flexible, et à réinventer notre job pendant cette période de confinement. Nous avons aussi chacun (recruteurs, candidats, employeurs) plus de temps pour échanger sur des sujets de fond liés au marché du recrutement luxembourgeois», affirme Maxime Durant.