The AA Warehouse à Fentange propose à ses clients des échanges de pièces pour étoffer ses rayons dans sa boutique de 200m 2 . (Photo: The AA Warehouse)

The AA Warehouse à Fentange propose à ses clients des échanges de pièces pour étoffer ses rayons dans sa boutique de 200m 2 . (Photo: The AA Warehouse)

S’habiller avec des articles de seconde main semble de plus en plus dans l’air du temps. Entre recherche de pièces «vintage» et souhait de durabilité, les consommateurs les plus jeunes seraient particulièrement friands des fripes.

«Je les ai portés une fois seulement», explique une trentenaire de passage dans la boutique de seconde main Lena, au Limpertsberg. Sa tenancière, Mme Nguyen, encode les pièces avant de faire signer un document à la cliente. Ses quelques vêtements de sport et un flacon de parfum devraient rapidement trouver preneur, assure la commerçante, qui lui versera alors une partie du produit de la vente.

Des carrés Hermès aux chaussures Louboutin en passant par les robes Michael Kors, cette adresse établie depuis 30 ans dans la capitale mise sur les marques «de qualité», au dire de sa patronne. À côté des articles textiles, la boutique vend aussi des jouets, des parfums et des bijoux.

«Les clients restent parfois deux ou trois heures ici à fouiller», explique Mme Nguyen, qui tient ce commerce depuis 14 ans maintenant. Sa clientèle? Des habitués, mais surtout des jeunes à la recherche de pièces originales, voire d’une touche «vintage».

Si ces dernières années des sites web spécialisés dans l’achat-vente de vêtements de seconde main comme Vinted font parler d’eux, il semble que les boutiques physiques tirent leur épingle du jeu. «Chez nous, il y a l’aspect plaisir et le contact, qui sont très importants», souligne la commerçante.

Les intemporels du luxe

À quelques pas des boutiques rutilantes de la rue Philippe II, Isabelle Boez a ouvert samedi dernier De vous à elles, une boutique d’articles de seconde main de luxe. On y déniche des chaussures Chanel, des vestes Dior ou encore des sacs Louis Vuitton, au gré des arrivages.

«Vous trouvez ici des marques qui ne sont jamais en soldes ni en outlet», résume cette ancienne employée en banque privée reconvertie dans le commerce. La décote par rapport au prix de base varie selon l’état de l’article, mais elle se situe généralement autour des 30%.

Je veux faire concurrence à ces chaînes où tout est ‘made in très loin’.

Isabelle Boezgérante des boutiques de seconde main De vous à elles et Royal Second Hand

Sa boutique est la deuxième, après Royal Second Hand, qu’elle a repris en 2017. Cette adresse met en avant les marques, mais avec un accent moins porté sur le premium et davantage axé sur le «vintage»: «Beaucoup de jeunes sont intéressés, ils ne veulent plus aller dans l’abus de consommation et moi, je veux faire concurrence à ces chaînes où tout est ‘made in très loin’», illustre-t-elle.

Des posts sur Facebook et Instagram aux petites vidéos pour montrer les nouveautés, la commerçante manie les réseaux sociaux, mais séduit aussi les clients grâce au bouche-à-oreille, sans oublier les pièces exposées en vitrine.

Le «vintage» dans l’air du temps

Autre quartier, autre ambiance: rue du Fort Neipperg, près de la gare, Trouvailles est un véritable bric-à-brac à vêtements, parfums, jouets, et même accessoires de puériculture.

«Nous ne sommes pas spécialement axés sur le luxe, mais plutôt sur le mainstream», commente son patron, Michel Lindner. La boutique attire principalement des teenagers à la recherche de pièces bon marché. Et les sites web de seconde main? «Les gens aiment voir les pièces en vrai, c’est notre force», assure son gérant.

Il règne comme une atmosphère de brocante certains dimanches du côté de Fentange: avec ses ventes au kilo de pièces rétro comme des Levi’s 501, des K-Way fluo, sans oublier des chemises à carreaux, The AA Warehouse est l’adresse des mordus de seconde main «vintage» au Grand-Duché, avec des articles qui nous replongent entre les années 50 et le début de ce siècle. «On a des jeunes de 12 ans jusqu’aux grands-mères. Certains ne connaissent pas le vintage, d’autres comprennent que c’est mieux pour la planète d’acheter en seconde main», observent les deux associées Alessia et Anne.

Outre leurs voyages qui leur permettaient – avant la pandémie – de dénicher des pièces, les deux trentenaires ont développé un autre créneau pour remplir leur boutique de 200m2: des échanges de pièces avec des clients. Ceux-ci reçoivent alors des bons à valoir et peuvent renouveler leur garde-robe à moindre coût. «Cela nous permet d’avoir beaucoup de roulement et de diversité, chaque dimanche on a de nouveaux ajouts», expliquent-elles.

Même les boutiques classiques s’embarquent dans la seconde main: Okaïdi, par exemple, invite ses clients à rapporter les vêtements usagés qui sont ensuite vendus dans un rayon spécifique à prix réduit. Une partie du produit de la vente est même créditée sur le compte des donateurs de cette enseigne de mode pour enfants. Quant aux géants de la «fast fashion» tels que H&M et C&A, ils avaient jusqu’alors un programme de reprise des vêtements usagés, mis en veille suite à la pandémie de Covid-19.

Les placards se vident, les stocks grossissent

Si les vêtements de seconde main sont dans l’air du temps, encore faut-il pouvoir s’en procurer. «Des marchandises? J’en reçois davantage depuis la crise», observe Mme Nguyen.

Un phénomène que rencontrent aussi les organisations caritatives qui, à l’inverse des boutiques de seconde main, s’alimentent sous forme de dons et non pas en rachetant les articles.

«Nous avons constaté une augmentation du nombre de dons de vêtements. Par contre, nous avons constaté une baisse de la qualité, d’ailleurs même pour les vêtements dits ‘de marque’», relaie Vincent Ruck, chargé de communication à la Croix-Rouge luxembourgeoise. L’organisation dit ne pas constater de grands changements dans sa boutique de seconde main à Livange, Vintage Mood, ces derniers mois.

Nous remarquons que l’on a toute une clientèle qui n’est pas celle qui a accès aux épiceries sociales de Caritas.

Irène Jamsekcoordinatrice des épiceries socialesCaritas

«On sent ces dernières années qu’il y a une évolution dans les Kleederstuff, on vend de plus en plus et nous remarquons que l’on a toute une clientèle qui n’est pas celle qui a accès aux épiceries sociales de Caritas», explique Irène Jamsek, coordinatrice des épiceries sociales de Caritas. L’organisation compte trois boutiques de vêtements de seconde main au Luxembourg, qui elles aussi font face à une hausse des dons d’articles.

La Stëmm vun der Strooss connaît la même tendance depuis le début de la pandémie: «Je suppose que cela a à voir avec le fait que les gens ont davantage de temps pour ranger, mais aussi par solidarité», avance sa directrice Alexandra Oxacelay.

Celle-ci dit même rencontrer un problème de stockage face à l’afflux de dons de vêtements. «On a eu de façon générale beaucoup plus de dons financiers et de propositions de bénévolat que les années précédentes», ajoute la responsable.

Assurément, le marché de la seconde main a le vent en poupe au Luxembourg, mais cela ne semble pas empiéter sur les plates-bandes des organisations caritatives: tout le monde y trouve son compte au final, que ce soit chez les fashionistas ou les commerçants, sans oublier les structures d’aide aux plus démunis.