Raymond Schadeck: «La transition à opérer implique une approche à long terme. Cela n’est pas forcément évident et nécessitera du temps, sans doute une génération.» (Photo: Maison Moderne)

Raymond Schadeck: «La transition à opérer implique une approche à long terme. Cela n’est pas forcément évident et nécessitera du temps, sans doute une génération.» (Photo: Maison Moderne)

Pour Raymond Schadeck, ancien dirigeant d’un Big Four, aujourd’hui administrateur indépendant et président de l’Université dans la Nature, il faut soutenir une approche positive du développement durable. Une meilleure prise de conscience des bénéfices que nous apporte la nature doit nous amener à engager la transition de manière pragmatique.

Si le développement durable est un enjeu majeur, il reste difficile à appréhender pour les entreprises. Pour Raymond Schadeck, ancien dirigeant d’un grand cabinet d’audit et de conseil de la Place, il est aujourd’hui essentiel de développer des approches positives de ces enjeux. «Si nous devons effectivement transformer les modèles, le changement est aujourd’hui porté par des discours angoissants ou contraint par de nouvelles exigences légales ou réglementaires», explique-t-il. «Or, il est important que les entreprises réalisent que la transition à mener est bien plus profonde que ce qu’exigent ou exigeront les réglementations, et qu’elles peuvent en tirer des opportunités.»

Soutenir une approche positive 

S’il a passé la plus grande partie de sa carrière dans des entreprises principalement orientées vers la recherche du profit, Raymond Schadeck a opéré un revirement exceptionnel. Œuvrant toujours comme administrateur indépendant dans plusieurs structures, il consacre désormais 50% de son temps à des projets sociaux ou sociétaux, principalement ciblés vers l’éducation «sous toutes ses formes» et le développement durable. Sa rencontre avec le fondateur de l’Université dans la Nature a notamment été déterminante. «À cette occasion, j’ai enfin découvert une approche positive, à même de convaincre chacun de s’engager dans une démarche de développement durable, de mettre en œuvre des modèles respectueux à la fois des gens et de la nature, celle-ci ayant beaucoup à nous apporter», explique-t-il. 

L’Université dans la Nature a été créée au Québec, par un ancien juriste belge, Hubert Mansion. À la suite d’un burn-out, celui-ci s’est immergé dans la nature, loin de l’agitation du monde, pour en découvrir les nombreux bienfaits. «L’Université dans la Nature est née de sa volonté de documenter l’impact positif de la nature sur le bien-être physique et psychologique de l’être humain, en recensant les nombreuses recherches scientifiques menées sur le sujet, afin de les rendre accessibles au plus grand nombre», explique Raymond Schadeck, actuel président du conseil d’administration de l’institution, qui soutient son développement au Luxembourg et en Europe.

L’Université dans la Nature a notamment recensé quelque 6.000 études scientifiques évoquant les bénéfices d’une proximité entretenue avec la nature. «Il a notamment été démontré que le simple fait d’aller se promener dans la forêt nous fait passer, après 90 minutes, de la rumination négative d’une situation à une approche plus positive du problème, plus orientée vers les solutions», poursuit-il. «Être régulièrement en contact avec la nature a des effets positifs sur la concentration, améliore les performances, réduit le stress.»

Transition au long cours

La prise de conscience des bénéfices de la nature pour l’Homme est nécessaire pour engager la transition visant à la préserver. «De manière générale, l’être humain n’aime pas le changement, surtout s’il est contraint. Par contre, si l’on prend conscience des bénéfices d’un développement respectueux du vivant sous toutes ses formes, on peut plus facilement engager une évolution des modèles», explique Raymond Schadeck, qui est aussi l’un des grands promoteurs de B-Corp au Luxembourg. Ce mouvement, à travers une certification, soutient les entreprises qui souhaitent créer de la valeur sociétale et/ou environnementale. «La transition à opérer implique une approche à long terme. Cela n’est pas forcément évident et nécessitera du temps, sans doute une génération», commente-t-il. «La question est de savoir si on dispose encore d’un tel délai, sachant que l’on a sans doute perdu 30 ans en demeurant dans l’inaction.»

Sortir de l’inaction

Raymond Schadeck, à travers ses mandats d’administrateur pour plusieurs structures, soutient l’évolution des modèles. À Luxexpo, organisation au sein de laquelle il exerce la fonction de président du conseil d’administration, il soutient une approche plus durable du développement de l’activité. «Nous avons notamment pu convaincre nos actionnaires d’adapter nos statuts, pour que chaque décision prise tienne désormais compte des enjeux financiers, sociaux et environnementaux», explique-t-il. «Au-delà, il faut pouvoir mieux mesurer les impacts de nos activités, voir comment faire évoluer notre offre.» 

Si la transition prendra du temps, reconnaît le président du conseil d’administration, Luxexpo veille à faire évoluer son offre. Il s’agit de proposer des manifestations aux incidences sociales et environnementales limitées et, pourquoi pas, pouvant même avoir un impact positif. «S’il s’agit de foire commerciale, on peut décider de promouvoir des produits locaux, sains ou encore proposer des programmes à valeur éducative forte, sensibiliser nos visiteurs et les organisateurs aux enjeux environnementaux de façon positive», explique-t-il. Ou encore, inclure la nature au cœur des événements. 

Travailler sur les causes plutôt que de traiter les symptômes

L’Université dans la Nature comme B-Corp invitent à une approche positive du changement, à s’inscrire dans une dynamique vertueuse à tous les niveaux. «Aujourd’hui, on parle beaucoup par exemple de ‘healthcare’. En réalité, les politiques menées en termes de santé publique s’apparentent avant tout à du ‘sickcare’. De nombreuses études scientifiques démontrent pourtant que la proximité entretenue avec la nature, par exemple en allant se promener régulièrement en forêt, a pour effet d’augmenter le nombre de cellules anticancéreuses dans le corps et améliore l’activité de celles-ci», commente Raymond Schadeck. Plutôt que de traiter les symptômes, il y a lieu de se concentrer sur les causes. «On peut dès lors se demander quelles économies pourrait réaliser la sécurité sociale en incitant chacun à aller plusieurs fois par semaine se promener dans les bois», ajoute-t-il.

Prise de conscience nécessaire

L’Université dans la Nature, en partant des connaissances scientifiques existantes, invite donc les individus, via des programmes pratiques, à se reconnecter, en recourant aux cinq sens, avec la nature environnante, pour en apprécier les bienfaits. Dans cette perspective, à travers son programme , elle travaille avec les écoles ou encore les entreprises, proposant à des étudiants ou des collaborateurs de s’immerger quelques heures dans un environnement naturel, afin d’apprécier quels sont les bénéfices de la pratique. «Cette prise de conscience est nécessaire au développement de politiques positives», assure le responsable de l’Université dans la Nature.« La nécessité d’adapter son business model, d’intégrer des indicateurs environnementaux, mais aussi sociaux ou de bonne gouvernance, apparaît alors comme évidente aux yeux des dirigeants qui ont fait cette expérience.»