Heinrich Kreft: «Les élections de cette année apporteront des changements radicaux dans le paysage des partis européens.» (Photo: Maison Moderne/Archives)

Heinrich Kreft: «Les élections de cette année apporteront des changements radicaux dans le paysage des partis européens.» (Photo: Maison Moderne/Archives)

En amont des élections européennes, qui ont lieu du 23 au 26 mai, Heinrich Kreft, ambassadeur d’Allemagne au Grand-Duché depuis juillet 2016, évoque les enjeux de ce scrutin pour l’avenir de l’Europe.

Les élections au Parlement européen (PE) ont clairement changé de nature depuis les premières élections directes en 1979.

À la fin des années 1970, les élections au Parlement européen n’avaient lieu qu’entre neuf États membres de la Communauté européenne; aujourd’hui, les citoyens des 28 États membres de l’Union européenne (UE) élisent leurs députés.

D’abord d’une importance secondaire et doté de peu de compétences, le PE est devenu depuis lors un porte-parole pour les citoyens européens et un élément important de la législation européenne, en particulier à travers la fondation de l’UE avec le traité de Maastricht en 1992.

Les élections au Parlement européen sont donc devenues un scrutin primordial pour le développement du système politique de l’UE.

Le spectre libéral se réforme avec La République en marche d’Emmanuel Macron, les partis eurosceptiques s’efforcent d’obtenir un groupe parlementaire uni au PE.

Heinrich Kreftambassadeur d’Allemagne au Luxembourg

Les élections de cette année apporteront des changements radicaux dans le paysage des partis européens: partout en Europe, les partis de centre-droite et de centre-gauche, qui ont jusqu’à présent dominé et fait progresser l’intégration européenne – le Parti populaire européen et le Parti socialiste européen – perdent des voix.

Le spectre libéral se réforme avec La République en marche d’Emmanuel Macron, les partis eurosceptiques s’efforcent d’obtenir un groupe parlementaire uni au PE et le report du Brexit entraîne des incertitudes supplémentaires dans la constitution des groupes parlementaires.

Ces bouleversements ne resteront pas sans répercussions sur la capacité de fonctionnement de l’UE et sur son orientation politique. En effet, malgré leur nature d’organisations faîtières des partis nationaux, les partis européens revêtent encore une importance pour le système politique de l’UE qui ne doit pas être sous-estimée. Ils garantissent une majorité au Parlement européen, jouent un rôle de premier plan dans le pourvoi des postes à responsabilité au sein de l’UE, et contribuent à un équilibre des intérêts en Europe, au-delà de la diplomatie d’État.

Les bouleversements dans le système des partis européens après les élections européennes affecteront en premier lieu les nominations de la Commission européenne.

Heinrich Kreftambassadeur d’Allemagne au Luxembourg

Tout d’abord, les bouleversements dans le système des partis européens après les élections européennes affecteront en premier lieu les nominations de la Commission européenne et les postes de haut représentant et de président du Conseil européen, mais à long terme, ils affecteront également l’orientation politique et la capacité d’action du PE et, en raison de son poids accru dans la structure institutionnelle européenne, l’UE tout entière.

Le plus grand défi pour l’UE est la préservation de sa cohésion interne, en particulier au vu des (nouvelles) idées populistes qui émergent avec la demande de souveraineté nationale, et l’affirmation à long terme de l’Europe sur les plans économique, politique et sécuritaire, dans un monde qui est de plus en plus marqué par un nombre croissant de conflits régionaux et de grandes rivalités de pouvoir – surtout entre les États-Unis et la Chine/Russie.

En outre, il existe des défis mondiaux tels que la catastrophe climatique imminente, qui peut conduire, entre autres choses, à d’importants flux de réfugiés vers l’Europe.

Dans ce contexte, les élections européennes de cette année sont un «choix du destin», ou du moins les élections les plus importantes de l’histoire de l’UE. Elles joueront un rôle décisif dans la manière dont ces défis seront relevés à l’avenir et, surtout, si et comment l’UE continuera à se développer en tant que projet commun. Hans-Dietrich Genscher, le vieux maître de la politique étrangère et européenne allemande, a bien dit: «Notre avenir est l’Europe – nous n’en avons pas d’autre!»