Assis côte à côte au sein de l’hémicycle, les eurodéputés devront leur élection à des motivations bien différentes selon leur pays d’origine. (Photo: Shutterstock)

Assis côte à côte au sein de l’hémicycle, les eurodéputés devront leur élection à des motivations bien différentes selon leur pays d’origine. (Photo: Shutterstock)

Les citoyens européens ont beau être convoqués pour élire leurs représentants au sein du même Parlement européen, leurs motivations diffèrent grandement d’un pays à l’autre.

Un seul Parlement européen, mais 28 façons d’y accéder. La campagne électorale n’affiche pas les mêmes enjeux ni les mêmes thèmes selon le pays. Une chose est sûre: la domination des deux grands blocs traditionnels, le Parti populaire européen (PPE), rassemblant les partis conservateurs, et le S&D (sociaux-démocrates) risque d’être remise en cause, au profit des formations souverainistes qui ont le vent en poupe.

Conservateurs et sociaux-démocrates sur la sellette

D’après l’agrégation des sondages menée par le média européen Politico, les conservateurs sont en mesure d’arriver en tête en Allemagne (29% des voix), en Croatie (30%), en Grèce (35%) ou en Irlande (35%). Le plus flamboyant reste le Fidesz, le parti du Premier ministre hongrois Viktor Orban, crédité de 55% des suffrages, à 44 points devant la gauche.

Les sociaux-démocrates devraient de leur côté remporter le plus de sièges à Malte (57% des voix), au Danemark (26%), en Espagne (30%), au Portugal (33%) et en Slovaquie (22%).

Ces élections sont particulièrement attendues en raison des scores probablement inédits des partis d’extrême droite. Crédités de 31% des voix en Italie (mais en baisse) et au Royaume-Uni (33%), ils sont au coude à coude avec d’autres en Finlande (18%) et en France (23%). La droite souverainiste pourrait également l’emporter en Belgique (18%) et en Pologne (38%).

Les libéraux sont annoncés premiers en Estonie (24% des voix) et en République tchèque (22%).

Sans pouvoir prétendre à une première place, les Verts devraient toutefois réaliser des scores encourageants et dépasser les 10% des suffrages en Allemagne (18%), en Lituanie (23,7%), en Belgique (15,2% en réunissant deux partis), au Luxembourg (15,1%), en Suède (13,2%), en Finlande (12,8%), aux Pays-Bas (11%) et au Royaume-Uni (13,7% en réunissant un parti écologiste et deux régionalistes).

Enfin, la gauche radicale pourrait également renforcer ses positions en Grèce et à Chypre à plus de 25,8% des intentions de vote. Elle devrait dépasser les 10% en Irlande, au Portugal, au Danemark, en Espagne et aux Pays-Bas.

Duel factice en France

Pays par pays maintenant, les enjeux nationaux l’emportent souvent sur les enjeux européens. En Allemagne, le SPD semble devoir encore payer pour ses coalitions avec la CDU-CSU, alors que l’AfD confirmerait son ancrage dans le paysage politique du pays avec 12% des intentions de vote.

En France, la campagne a été instrumentalisée de tous côtés sur fond de crise persistante des «gilets jaunes». Le Rassemblement national veut rejouer le second tour de l’élection présidentielle de 2017 qui l’avait opposé à Emmanuel Macron (La République en Marche), tandis que celui-ci présente sa liste comme seul rempart contre les populismes.

Sachant que le président français a pris soin de redéfinir le découpage électoral pour que le scrutin se déroule sur une circonscription unique, à l’image de l’élection présidentielle, au lieu du découpage régional qui avait cours auparavant. Une façon d’avantager un jeune parti qui n’a pas les ancrages locaux des mouvements traditionnels. Les autres partis, des Républicains (conservateurs) au moribond PS en passant par Europe Écologie les Verts et La France insoumise (gauche radicale), tentent d’exister à l’ombre de ce duel factice.

En Italie, la Ligue de Matteo Salvini est promise à une large victoire avec déjà 31,2% des intentions de vote, loin devant son partenaire de coalition du Mouvement 5 Étoiles (22,7%), qui a déjà connu des déboires lors de récents scrutins régionaux. Le Parti démocrate (centre-gauche) pourrait même devancer ce dernier. Le grand perdant du scrutin européen devrait être Forza Italia, la formation de Silvio Berlusconi, qui n’atteint pas 10% des intentions de vote.

Opposition unifiée en Pologne 

Si le parti de Viktor Orban semble devoir l’emporter de la tête et des épaules dimanche, ce n’est pas le cas du parti Droit et Justice polonais, lui aussi l’objet de remontrances pour ses atteintes à l’État de droit. Il fait face à une opposition qui a choisi de se présenter sous une seule bannière, celle de la Plate-forme civique, parti du président du Conseil européen Donald Tusk. À 38,2% des voix, elle pourrait ravir la première place au PiS d’un petit point.

En Belgique, le parti souverainiste de la N-VA est donné en tête devant le Parti chrétien-démocrate et le Vlaams Belang. Côté francophone, le Parti socialiste, les libéraux et les Verts devraient figurer sur le podium.

En Autriche, le scrutin européen survient en pleine crise gouvernementale puisque le vice-chancelier Heinz-Christian Strache (FPÖ) et ses ministres ont été évincés du gouvernement après les révélations d’une collusion avec des oligarques russes. Le FPÖ perdrait 5 points pour atteindre 18% des intentions de vote quand son ancien partenaire conservateur ÖVP flirterait avec les 38%.

Le gâchis britannique

Reste, au Royaume-Uni, la campagne inutile puisque les eurodéputés issus des urnes ne devraient pas avoir à siéger plus de quelques semaines, le Brexit devant intervenir avant le 31 octobre. L’opportuniste Nigel Farage a créé le Brexit Party en janvier 2019 et devrait récolter 33% des voix (son précédent parti Ukip serait à 2,9%).

Les partis pro-européens (libéraux-démocrates et écologistes) devraient eux aussi tirer leur épingle du jeu avec respectivement 15,9% et 9,6% des voix, quand les conservateurs et les travaillistes seraient sanctionnés pour leur incapacité à s’accorder sur la sortie de l’UE. La démission de Theresa May annoncée vendredi pour le 7 juin ajoute encore à la confusion entretenue par les deux partis traditionnels du Royaume-Uni.

À noter que les élections européennes ne sont pas la principale préoccupation dans les pays où d’autres scrutins interviennent le même jour, comme les élections fédérales et régionales en Belgique ou les régionales et municipales en Espagne, sur fond de conflit catalan.

Attention toutefois au revirement de dernière minute: aux Pays-Bas, le parti souverainiste FvD était donné grand gagnant du scrutin, or, d’après les sondages de sortie des urnes, il serait coiffé au poteau par les sociaux-démocrates avec 18% des voix. Les sondages restent des sondages, seule compte l’intime conviction des citoyens à l’abri de l’isoloir.