Claude Wiseler (CSV) accueille l’ex-ministre de la Défense, Étienne Schneider (LSAP), à la Chambre pour une séance de questions-réponses qui a laissé les députés sur leur faim. (Photo: Romain Gamba / Paperjam)

Claude Wiseler (CSV) accueille l’ex-ministre de la Défense, Étienne Schneider (LSAP), à la Chambre pour une séance de questions-réponses qui a laissé les députés sur leur faim. (Photo: Romain Gamba / Paperjam)

Invité à venir s’expliquer sur les lacunes du dossier du satellite militaire d’observation, Étienne Schneider semble avoir semé le doute dans l’esprit des députés. Mais le dossier est loin d’être clos.

«I am back! Et je reviendrai aussi souvent que vous m’invitez!» lève les yeux. La petite pique s’adresse au député des Pirates, , trois marches d’escalier plus haut. Car jusque-là, dit-il, personne ne l’a jamais interrogé directement sur le sujet. Son dossier en main, sur lequel il jette un dernier coup d’œil avant de répondre aux médias qui attendent depuis deux heures et demie, le retraité est droit… dans ses souliers vernis.

Oui, l’ex-ministre de la Défense (LSAP) se doutait que le budget de 170 millions d’euros serait probablement dépassé. Comme il savait que le Luxembourg avait accepté d’augmenter sa contribution à l’Otan de 0,4% de son PIB à 0,6%, soit quelques centaines de millions d’euros supplémentaires, de quoi largement couvrir les dépassements de ce projet de satellite d’observation militaire. Ou comme il était sûr de convaincre les militaires de se former à ces nouvelles technologies pour rendre les métiers de l’armée plus attractifs, voire de convaincre des clients privés d’acheter 10% des capacités du satellite pour un montant pouvant aller jusqu’à 31 millions d’euros.

En ombres chinoises, ce que dit l’ancien numéro deux du gouvernement, c’est que l’actuel ministre Vert de la Défense,  (Déi Gréng), n’a pas la volonté de s’inscrire dans le projet qu’il a dessiné. «Je me doutais bien, en quittant le ministère de la Défense, que certains dossiers ont une durée de vie plus longue que d’autres et qu’il faut se préparer à en répondre. J’ai moi-même récupéré le dossier de l’A400M (l’avion militaire du Luxembourg) d’un ministre CSV et malgré les dépassements, personne n’a été convoqué devant une commission de contrôle budgétaire…»

Nous avons reçu beaucoup d’informations, mais les informations que nous avons reçues sont complètement différentes de celles que nous avions pour nous faire une image claire parce que M. Schneider nous a dit exactement le contraire de ce que le ministre Bausch nous a dit jusqu’ici!

Diane Adehmprésidente de la commission du contrôle de l’exécution budgétaire

«Ils se contredisent!», dit (CSV), un des premiers à quitter cette longue séance de la commission du contrôle de l’exécution budgétaire.

«Nous avons reçu beaucoup d’informations, mais les informations que nous avons reçues sont complètement différentes de celles que nous avions pour nous faire une image claire parce que M. Schneider nous a dit exactement le contraire de ce que le ministre Bausch nous a dit jusqu’ici», dira sa collègue de parti et présidente de la commission,  (CSV), une heure plus tard.

Deux versions «diamétralement opposées»

«Nous avons deux versions et nous ne savons pas qui nous devons croire! Il nous a dit aussi que le projet était bien plus cher parce que son successeur a introduit des modifications, comme avec les antennes, qui étaient prévues à Diekirch», au quartier général de l’armée, et pas à Redu, en Belgique, à côté des installations de SES.

«Nous avons entendu exactement le contraire de ce que nous avons entendu la semaine dernière. Diamétralement opposé à la position de PwC et de l’actuel ministre de la Défense», confirmait le député des Pirates, Sven Clement. «Le concept d’Étienne Schneider est très différent du concept actuel. Pourquoi une étude sur lieu n’a-t-elle jamais été réalisée?»

Selon Diane Adehm, pour l’ancien ministre, «les experts qui ont accompagné le lancement du projet lui avaient dit que c’était faisable techniquement. Il nous a dit aussi que de son temps, LuxGovSat était prête à en assurer l’exploitation», ce qui n’est plus le cas et poussera probablement les députés à entendre les dirigeants actuels et passés de la joint-venture de SES et de l’État pour tenter de démêler le vrai du faux de ce revirement qui pourrait coûter cher.

Le mélange défense-intérêts privés pas sain

«Nous pouvons parler du passé et donc d’Étienne Schneider», a commenté (Déi Lénk), «ou nous pouvons parler de la politique menée actuellement par le ministre de la Défense. Il y a l’augmentation prévisible du budget de la Défense, OK. Mais il y a aussi cette possibilité d’attirer des sociétés privées dans ce cadre, qui appellent d’autres commentaires, et ces 31 millions d’euros qui auraient pu être générés. Ce gouvernement a fait le choix d’une politique militaire qui y associe des intérêts privés… Et c’est justement ce qui finit par poser problème!»

Comment s’en sortir? Soit en acceptant que les coûts du projet doublent, soit en abandonnant le projet et donc en perdant 170 millions d’euros plutôt que 340 en fin de compte… «Mais nous n’avons pas d’autres projets en cours qui nous permettraient de remplir nos obligations vis-à-vis de l’Otan», a rappelé Mme Adehm.

Ou bien transmettre le dossier au Parquet pour les irrégularités qui semblent apparaître sur le marché public qui a permis d’attribuer le contrat à OHB, qui a été contesté par les deux perdants du marché public, l’un d’entre eux au moins ayant réussi à trouver une solution à l’amiable.

Un choix dont certains états-majors – politiques – doivent encore discuter, parce qu’il pourrait endommager l’image du pays vis-à-vis de ses partenaires. Les questions-réponses se poursuivront le 13 juillet avec le ministre de la Défense et de nouveaux invités.