La proposition de Polaris Architects, pendant le montage de l’exposition. (Photo: Eric Chenal)

La proposition de Polaris Architects, pendant le montage de l’exposition. (Photo: Eric Chenal)

Depuis quelques expositions, le Mudam fait appel à des architectes pour porter un nouveau regard sur les espaces du musée et la scénographie des expositions. Pour l’exposition «Etel Adnan et les modernes», le Mudam a invité Polaris Architects.

Le Mudam est presque plus connu du grand public pour son architecture que pour sa collection d’art contemporain. C’est dire si l’architecture d’I.M. Pei est une forte composante dans l’identité de cette institution culturelle.

Aussi, , directrice du Mudam – qui a une grande sensibilité à la question architecturale –, a souhaité inviter des architectes à porter leur regard sur les espaces d’expositions et à proposer des dispositifs scénographiques spécifiques pour les expositions temporaires.

Une première expérience avait été menée avec le bureau Metaform Architects, qui avait conçu une structure en verre pour présenter les œuvres de Jutta Koether. Pour l’exposition dédiée au travail d’Etel Adnan, c’est Polaris Architects (François Thiry et Tom Bleser) qui est intervenu et propose une nouvelle lecture des deux grandes salles à l’étage, en dialogue avec l’art d’Etel Adnan.

Intervenir par rapport à l’existant

«Cette invitation a été pour nous l’occasion de réfléchir encore un peu plus précisément à l’architecture d’I.M. Pei, tout en entrant en dialogue avec les œuvres exposées», explique , fondateur de Polaris Architects.

«Nous avons l’habitude de fréquenter ces salles en tant que visiteurs, mais cette expérience nous a permis de nous confronter aux contraintes techniques du musée, aux proportions des salles, aux questions de luminosité. L’architecture d’I.M. Pei est subjective, provocatrice et séductrice. Rien n’est neutre dans ces espaces.» La stratégie scénographique se situe alors «au croisement d’objectifs muséographiques ambitieux et de contraintes techniques strictes».

L’importance de la lumière

L’exposition d’Etel Adnan se déploie dans les deux salles du premier étage. «Ces salles semblent symétriques, mais si on les regarde attentivement, cette symétrie est contredite en plusieurs points. Les sheds, par exemple, ne sont pas orientés de la même façon d’une salle à l’autre. Ce changement d’entrée de lumière induit des salles contradictoires.» Or l’éclairage en lumière naturelle était une des demandes muséographiques, malgré la présence d’œuvres sensibles telles que des dessins.

«Près de la moitié des œuvres doivent être exposées à un maximum de 50 lux, ce qui est très bas. Nous avons donc trouvé des solutions pour répondre à cette contrainte. La création des cabanes en est une. Nous avons aussi positionné des éléments verticaux qui viennent couper la lumière directe, comme à l’entrée de l’exposition côté café.

Cette cimaise induit aussi une autre perception spatiale lorsqu’on entre dans l’exposition. Cet espace rétréci crée une tension, coupe le lien avec l’espace de la cage d’escalier ouvert vers l’extérieur et baigné de lumière naturelle», explique François Thiry.

Une tension spatiale

De plus, les salles sont de forme polygonale, ce qui induit des perspectives à plusieurs points de fuite, une manipulation du regard. Les propositions spatiales de Polaris, l’installation de deux pavillons rectangulaires simples, accentuent ces effets.

Ces constructions provisoires sont placées dans l’espace de manière à créer des tensions avec les obliques architecturales, à trouver le juste écart entre les murs et la cimaise, la recherche d’une tension spatiale induite par le bâtiment tout en s’appuyant sur les dimensions humaines. Cette approche vient ainsi souligner les propositions architecturales de Pei et les met encore plus en évidence, tout en servant la découverte des œuvres d’Etel Adnan.

  (Photo: Eric Chenal)

  (Photo: Eric Chenal)

«La création de ces cabanes permet également de recréer un espace plus intime, rapporté à l’échelle domestique ou de l’atelier, ce qui offre aux curateurs des conditions optimales d’accrochage et de lumière pour les œuvres précieuses de petites dimensions. La hauteur des cimaises est donc proche d’une hauteur sous plafond d’un appartement, limitée à 2,60m et 3,40m.»

Le fait d’avoir des cimaises plus basses dans cet espace muséal haut de plafond met aussi en valeur l’espace qui se trouve au-dessus de ces cimaises, et porte donc le regard vers le ciel, ajoutant une couche spatiale à la salle d’exposition. Une proposition d’une grande justesse pour ce «bâtiment au caractère vivant, qui présente une tendance atmosphérique, presque cosmique, un immeuble vibrant avec les éléments», conclut François Thiry.