Simply SQL est spécialisée dans le développement informatique. Taxi ambulances du sud, dans le transport de patients. M-Services dans différents types de travaux (rénovation, maintenance, déménagement…). Et J’adore bio dans la vente de produits cosmétiques biologiques, via sa boutique située Grand-Rue. Leur point commun? Toutes sont nées en janvier 2017, sous le statut de sàrl-s. Car le 16 janvier de cette même année, il est devenu possible, , de créer son entreprise avec un euro de capital minimum (contre 12.000 euros pour une sàrl) et sans obligation de passer devant un notaire.
Simply SQL est née le lendemain. Son fondateur, Stefan Ardeleanu, venait de recevoir une proposition de collaboration avec une agence européenne au Luxembourg. «Avant cela, j’avais mon entreprise en Roumanie. J’ai donc dû la fermer pour en ouvrir une nouvelle ici.» Le nouveau statut de sàrl-s est alors apparu comme une «coïncidence bienvenue», décrit-il. «C’était plus simple et il n’y avait pas besoin d’apporter un montant trop important. Cela m’a permis d’économiser de l’argent lors de mon arrivée dans le pays». Depuis, l’entreprise vit avec deux principaux clients et deux salariés: Stefan Ardeleanu et sa femme. «Pour la suite, j’espère rester ici jusqu’à la retraite, d’ici neuf ans.»
Pour Taxi ambulances du sud, constituée à la même date, «le statut de sàrl-s est bien tombé», raconte son responsable, David Mangorrinha. «À l’époque, j’étais chauffeur de bus et je voulais ouvrir quelque chose dans le domaine du déplacement. J’ai eu de la chance, car avec le statut de sàrl-s, il n’y avait pas besoin d’un gros budget pour commencer.» L’entreprise compte désormais huit salariés et enregistre un chiffre d’affaires de «450.000 euros par an», estime son propriétaire. Sa forme juridique lui convient toujours. «Nous sommes en train d’envisager une collaboration avec pour nous lancer dans le transport interhospitalier», lance David Mangorrinha. Un projet qui pourrait faire grimper l’effectif ou le capital social et à partir de 100 salariés ou 12.000 euros de capital, l’entreprise doit changer de statut pour passer à celui de sàrl classique. «Pour l’instant, nous sommes une petite société familiale et restons comme cela. S’il faut changer de statut pour augmenter le nombre de chauffeurs, on le fera».
Frais de comptabilité et difficultés avec les banques
J’adore bio, née le lendemain de ces deux premières sàrl-s, ne manque pas non plus de projets. Après avoir développé sa boutique en Ville Haute, sa gérante, Agnieszka Halgas, songe à en ouvrir d’autres, dans le sud du pays et le quartier Gare. «Nous cherchons aussi des fonds (600.000 euros) pour créer un institut de beauté», poursuit-elle. Si cela se concrétise, «nous allons probablement devoir changer de statut». En attendant, Agnieszka Halgas se dit satisfaite de celui de sàrl-s. «Je l’ai choisi, car c’était le plus simple, il n’y avait pas besoin de notaire.» Elle regrette cependant des «frais cachés». «On vous dit que vous pouvez créer une société avec un euro, mais il y a beaucoup de formalités, comme l’obligation de tenir une comptabilité journalière.» Elle estime ces frais de «formalités» à plus de 5.000 euros par an pour son entreprise qui emploie trois personnes et réalise un chiffre d’affaires annuel de 340.000 euros.
Dylan Mannes, à la tête de M Services, note un autre désavantage au statut de sàrl-s: «c’est un grand frein au niveau des banques.» Il n’a toujours pas réussi à ouvrir de compte courant pour sa société créée le 18 janvier 2017. «Du coup, j’ai dévié la chose en créant un compte à mon propre nom. J’ai eu des refus de toutes les banques.» Malgré tout, il préfère garder la forme juridique actuelle, car «c’est plus simple au niveau administratif. J’ai toujours rêvé de créer ma société et quand j’ai lu dans le journal que cela allait devenir plus facile, j’ai fait toutes les démarches en avance pour être prêt une fois la loi votée.» L’entreprise de trois salariés a réalisé un chiffre d’affaires de 600.000 euros en 2022 mais souffre actuellement de l’inflation, qui pèse sur la demande. «Il y a un an, j’avais entre cinq et huit projets par mois. Aujourd’hui, j’en ai cinq ou six dans l’année. Nous essayons d’être forts et de survivre.»
Une forme réactive et flexible, selon la HOE
6.039 sàrl-s ont vu le jour entre janvier 2017 et juillet 2023, dont 1.029 en 2022 et 624 en ce début d’année, selon le ministère de la Justice. Dans le même temps, 868 ont été radiées, soit 14,3%. En juillet, on comptait ainsi 5.171 sàrl-s toujours inscrites au Registre du commerce et des sociétés, dont 393 en situation de faillite ou de liquidation judiciaire.
Selon les chiffres de Creditreform, sur les 72 faillites de sàrl-s du premier semestre 2023, 32% ont eu lieu dans les services, 25% dans le commerce, 22% dans la construction et 21% dans l’Horeca. En 2019, 34% avaient eu lieu dans l’Horeca, 29% dans le commerce, 22% dans la construction et 15% dans les services.
Un signe de fragilité? «Ce sont des sociétés récentes, peu capitalisées au départ par définition. Étant donné leur constitution récente, une partie d’entre elles n’ont pas encore eu le temps de se constituer des réserves», répond le ministère de la Justice. «La forme juridique garde sa raison d’être et reste particulièrement attrayante pour les nouveaux entrepreneurs qui ne disposent pas de beaucoup de fonds au départ et qui veulent se lancer dans des activités requérant peu de capitaux.» Entre 2017 et juillet 2023, 43.107 sàrl classiques ont de leur côté été constituées, pour 33.090 radiations, soit un ratio bien plus important (76,7%), même si la forme juridique existe depuis plus longtemps.
Une situation que confirme la House of Entrepreneurship (HOE), d’après les retours de terrain des entrepreneurs qu’elle accompagne. «La crise du Covid a démontré que cette forme juridique permet une certaine réactivité et flexibilité en cas de difficulté, entre autres par sa facilité de liquidation (pas de notaire, liquidation simplifiée s’il n’y a qu’un seul associé et pas de dettes)», observe la coordinatrice de projets entrepreneuriaux, Marie-Sultana Langa. Elle corrobore aussi une «méfiance chez certains professionnels qui complexifient le démarrage de l’activité, entre autres au moment de l’ouverture d’un compte bancaire.»
Elle note enfin que la plupart des entrepreneurs accompagnés «ont l’intention de changer de forme juridique à long terme, au vu de ses limites. Beaucoup soulignent le fait d’être restreints dans leurs possibilités de croissance par le fait de ne pouvoir être l’associé que d’une seule sàrl-s à la fois et de ne pouvoir augmenter le capital social au-delà des limites prévues par la loi. Certains mettent plutôt en avant l’enjeu, à court terme, de l’amélioration de leur image de marque auprès des partenaires professionnels, qui ne leur semble possible que par la transformation de leur société en une Sàrl classique».