Dans un entretien avec Paperjam, , vice-présidente du groupe Private Banking à l'Association des Banquiers Luxembourgeois (ABBL) et membre du comité de direction de la Banque Raiffeisen, évoque les principaux défis auxquels le secteur de la banque privée au Luxembourg est confronté, notamment le renforcement de la réglementation, la transformation numérique et la concurrence accrue des néobanques.
Surveillance réglementaire
Mme De Vuyst a reconnu que les banques privées sont souvent perçues comme présentant un risque élevé en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (AML), principalement en raison de l’importance des transactions, souvent transfrontalières, de l’utilisation occasionnelle de structures financières complexes telles que les trusts et les entités offshore, ainsi que du fait que les particuliers très fortunés (UHNWI) évoluent fréquemment dans des secteurs à forte intensité de liquidités ou investissent dans des produits financiers à haut risque.
Toutefois, elle a souligné que l’identification des risques ne signifie pas qu’ils ne peuvent pas être maîtrisés efficacement. « De solides procédures de connaissance du client (KYC), un suivi rigoureux des transactions, des évaluations régulières des risques, des vérifications approfondies des PPE et un contrôle strict des transactions transfrontalières et des comptes offshore sont essentiels pour atténuer ces risques », a-t-elle expliqué.
S’agissant des garanties bancaires, elle a rappelé que l’engagement du Luxembourg en matière de lutte contre le blanchiment d’argent a été salué par le Groupe d’action financière (Gafi). À l’issue de son inspection en 2023, celui-ci a conclu que le pays disposait d’un « cadre robuste pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ».
Solutions numériques
Alors que le secteur de la banque privée a toujours été connu pour ses services personnalisés aux clients, Mme De Vuyst suggère que la numérisation est devenue un outil essentiel pour améliorer l'efficacité opérationnelle. Selon , les solutions numériques sont de plus en plus acceptées par les banques privées luxembourgeoises.
« La transformation numérique dans le secteur bancaire impacte directement la manière dont les gestionnaires de la relation client opèrent et accompagnent leurs clients », souligne Sandrine De Vuyst.
Selon une enquête, 66% des répondants considèrent la numérisation comme une priorité stratégique, visant à renforcer l’efficacité, la satisfaction des clients et la conformité réglementaire. La plupart des banques privées investissent désormais dans des capacités numériques, notamment des applications mobiles et des services bancaires en ligne, afin de répondre aux besoins variés de leur clientèle.
Au Luxembourg, les banques privées adoptent de plus en plus des méthodologies agiles, le cloud et l’analyse de données pour améliorer leur réactivité et leur compétitivité. Par ailleurs, Mme De Vuyst a souligné que plus d’un tiers des banques privées luxembourgeoises ont déjà intégré l’hyperautomatisation, illustrant l’intérêt croissant du secteur pour l’intelligence artificielle et l’automatisation des processus robotiques. Ces technologies permettent de rationaliser les opérations et d’optimiser les services à la clientèle.
Les petites banques privées
Mme De Vuyst aborde également les défis auxquels font face les petites banques privées au Luxembourg, qui opèrent traditionnellement comme de petites entreprises. Avec le besoin croissant d’investissements numériques et l’augmentation des coûts de conformité réglementaire, ces établissements éprouvent souvent des difficultés à faire évoluer leurs opérations.
Toutefois, Mme De Vuyst se dit confiante dans leur capacité à prospérer en misant sur la spécialisation. « Les petites banques privées ont encore un avenir », affirme-t-elle. « Leur succès repose sur leur capacité à se différencier, que ce soit en ciblant un segment de clientèle spécifique, une zone géographique ou un service de niche. »
Elle suggère également que l’externalisation des fonctions non essentielles à des prestataires de services spécialisés permettrait à ces banques de rationaliser leurs opérations et de se recentrer sur la fourniture de conseils personnalisés à leurs clients.
Les néobanques
Alors que les banques privées traditionnelles font face à la hausse des coûts réglementaires et à une concurrence numérique accrue, Mme De Vuyst reconnaît l’influence grandissante des néobanques, en particulier auprès des clients natifs de l’ère numérique. Ces institutions « digital-first » gagnent du terrain en proposant des services rentables et des transactions en temps réel.
Toutefois, Mme De Vuyst souligne que les néobanques ne sont toujours pas en mesure de reproduire les services personnalisés de gestion de patrimoine offerts par les banques privées. « Les banques privées se distinguent par des relations approfondies avec leurs clients, une gestion de patrimoine sur mesure et des services de conseil spécialisés. Ces éléments nécessitent un haut degré de confiance, d’interaction humaine et d’expertise, que les néobanques, du moins sous leur forme actuelle, ne peuvent pas entièrement reproduire », explique-t-elle. Ces qualités restent essentielles pour les particuliers fortunés, qui privilégient une approche holistique de la gestion de patrimoine plutôt que des services bancaires purement transactionnels.
Pour autant, Mme De Vuyst estime que « les banques privées ne doivent pas se reposer sur leurs lauriers ». Elle reconnaît que l’approche « digital-first » des néobanques établit de nouvelles normes en matière de transparence, de commodité et d’accessibilité. Elle encourage ainsi les banques privées à embrasser ce changement en intégrant des outils numériques avancés à leurs modèles de service, tels que l’intelligence artificielle pour l’analyse financière et la gestion de portefeuille numérique.
Selon elle, cette évolution permettrait aux banques privées d’offrir le meilleur des deux mondes : une technologie de pointe alliée à des relations client approfondies et personnalisées.
Collaboration avec les fintechs
De Vuyst a souligné que les banques privées collaborent de plus en plus avec des entreprises de fintech pour accélérer leurs efforts de transformation numérique. L’enquête KPMG-ABBL a révélé que 74% des banques privées avaient signé au moins un contrat avec une entreprise fintech au cours des trois dernières années, a déclaré De Vuyst. Ces collaborations aident les banques privées à répondre à l’évolution des demandes des clients férus de technologie tout en répondant à des exigences de conformité de plus en plus complexes.
«La fintech est considérée comme un moyen de renforcer l’efficacité et de répondre aux exigences de conformité de plus en plus complexes des banques», a-t-elle déclaré. Mme De Vuyst a également suggéré que les partenariats entre les banques privées traditionnelles et les néobanques pourraient s’avérer mutuellement bénéfiques, car ils offrent la possibilité de partager des ressources, des technologies et des outils numériques.
Cet article a été rédigé initialement en anglais et traduit et édité en français.