Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, partenaires et fondateurs de SANAA. (Photo: SANAA)

Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, partenaires et fondateurs de SANAA. (Photo: SANAA)

Un nouveau projet d’envergure va voir le jour au Kirchberg: l’auditorium The Cloud, futur équipement de l’Université du Luxembourg, conçu par SANAA et entièrement financé par André Losch Fondation. À cette occasion, Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, partenaires et fondateurs de SANAA, ont accordé un entretien exclusif à Paperjam Architecture + Real Estate.

Un «petit» projet d’auditorium dans un «petit» pays tel que le Luxembourg… qu’est-ce qui vous a séduit dans cette proposition?

«Lorsque Pit Reckinger (président d’André Losch Fondation, ndlr) est venu jusqu’à Tokyo pour nous présenter la compétition, nous avons tout de suite été charmés par le programme et les différents enjeux du projet. Nous avons eu l’occasion de travailler avec des universités par le passé, nous sommes toujours sensibles aux projets en relation avec l’enseignement et la transmission. Dans le texte d’introduction de la compétition, le projet devait représenter la porte d’entrée de la future Université du Luxembourg. Faire de cet auditorium un bâtiment emblématique du Luxembourg nous a immédiatement séduits.

Quelle orientation avez-vous souhaité donner à votre architecture pour ce projet? Comment avez-vous abordé ce cahier des charges?

«L’image que tout le monde se fait d’un auditorium est bien souvent celle d’une boîte opaque. Nous avons décidé de prendre le contre-pied de cette image plutôt classique et d’ouvrir l’auditorium sur le site qui l’entoure; il est donc entièrement transparent. L’idée principale était d’étendre ce magnifique parc jusqu’à l’université et de transformer le projet en un parc à trois dimensions. Le cahier des charges prévoyait principalement trois entités: l’espace public, l’espace d’enseignement et les bureaux.

L’un des éléments majeurs de la compétition mentionnait de ne pas construire sur la totalité de la parcelle au rez-de-chaussée, afin d’assurer une continuité avec la future université.


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Nous avons pris le parti de minimiser l’emprise du bâtiment en rez-de-chaussée et d’élever le bâtiment à sept mètres de haut. L’auditorium, qui se trouve au premier étage, surplombe l’avenue Kennedy ainsi que le parc. Le rez-de-chaussée accueille l’entrée principale de l’auditorium ainsi que deux autres amphithéâtres, puis, au sous-sol, on retrouve les espaces d’enseignement et les bureaux. La mise en place de trois patios permet une continuité entre le rez-de-chaussée et cet espace enterré.

Vue de la façade principale de The Cloud – Inspired by André Losch. (Illustration: SANAA)

Vue de la façade principale de The Cloud – Inspired by André Losch. (Illustration: SANAA)

Y a-t-il des défis particuliers à relever dans ce projet du point de vue de la conception?

«La complexité du projet réside principalement dans la finesse de la structure et la mise en place de la double façade transparente ondulée à sept mètres de haut.

Quelles seront les spécificités de cet auditorium?

«La totale transparence de l’auditorium lui confère toute sa spécificité. L’enjeu principal est de trouver la combinaison parfaite entre ces différentes courbes vitrées afin d’obtenir l’acoustique la plus performante pour cette salle d’une capacité de 450 personnes. Cette dernière, de 415m2, peut être subdivisée en deux sous-salles pour accueillir chacune 225 personnes.

Le choix d’une architecture en verre pour un auditorium n’est-il pas une gageure?

«À l’agence, nous aimons les défis, et celui-ci en est un de taille, je vous l’accorde. Mais quoi de plus beau que de pouvoir suivre une conférence tout en ayant une vue à 360 degrés, avec pour vue principale la cime des arbres?

L’acoustique de l’auditorium vitré est assurée par les différentes courbes le long de la paroi et la géométrie obtenue est un doux dialogue entre les différents besoins sonores, les relations entre les salles de conférence et les vues vers l’extérieur.

Lors de la visite du site, nous avons été marqués par la dureté des façades des différents bâtiments le long de l’avenue Kennedy.
Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa

Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawafondateurs et architectesSANAA

Pouvez-vous nous parler du bâtiment et de sa relation au site, de son inscription urbaine?

«Lors de la visite du site, nous avons été marqués par la dureté des façades des différents bâtiments le long de l’avenue Kennedy, il nous semblait important d’apporter davantage de transparence, d’ouverture, de convivialité, le tout à une échelle plus humaine. C’est ainsi que la façade vitrée courbe est née. Les reflets des alentours jouent avec la façade ondulée et apportent une nouvelle dimension à l’espace.

Vous travaillez sur ce projet avec le bureau Fabeck Architectes. Vous connaissiez-vous avant? Comment vous êtes-vous rencontrés? Quel est le rôle de chaque bureau?

«Cette compétition étant une première pour nous au Luxembourg, nous avons rencontré différents bureaux lors de la visite du site en novembre 2019, et notre choix s’est porté sur le bureau Fabeck Architectes.

SANAA est l’architecte mandataire du projet, nous avons la main sur l’ensemble du design. Fabeck Architectes, connaissant les spécificités de la construction luxembourgeoise, nous accompagne dans la mise en exécution du projet comme architecte local.

Comment vous êtes-vous approprié le programme? Y avez-vous apporté des suggestions de modifications?

«Le programme a toujours été bien défini dès le début de la compétition avec ces trois différents sous-ensembles: l’espace d’enseignement, les bureaux et l’espace dit public.

Pour ce projet, nous n’avons pas énormément remanié le programme. L’enjeu majeur repose sur le parti pris d’implanter les salles de classe ainsi que les bureaux au premier sous-sol, un espace rythmé par des patios lumineux qui servent de petits jardins et prévoient des vues vers l’espace pilotis du rez-de-chaussée. Cela nous a permis d’ouvrir en grande partie le RDC et ainsi de maximiser la transparence entre l’avenue Kennedy et la future université.

En faisant du projet un parc à trois dimensions, nous espérons que le parc existant et le bâtiment ne fassent plus qu’un.
Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa

Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawafondateurs et architectesSANAA

Vos bâtiments font généralement appel à des expériences physiques et sensibles. Est-ce que cela sera aussi le cas pour cet auditorium?

«En faisant du projet un parc à trois dimensions, nous espérons que le parc existant et le bâtiment ne fassent plus qu’un. Notre enjeu est de créer une atmosphère qui relie les différents espaces du projet, en passant par les zones calmes dédiées à l’enseignement et les espaces plus actifs avec la place publique au rez-de-chaussée.

Tel un parc, les différentes atmosphères sont reliées entre elles de façon douce et fluide. La courbe faisant écho aux éléments que l’on retrouve dans la nature permet de maintenir un dialogue permanent entre les différents espaces de l’université et les alentours.

L’emploi du verre permet une totale transparence et visibilité entre les différentes activités. Les différentes saisons se reflètent sur le bâtiment, le projet est en perpétuel échange avec son environnement, une qualité que l’on espère sera reconnue par les différents utilisateurs.

Ce projet est-il pour vous l’occasion de tester de nouvelles choses, d’expérimenter?

«Chaque projet nous permet de nous réinventer et d’expérimenter, c’est la beauté même de l’architecture. Ne jamais refaire la même chose.

Nous sommes chanceux d’avoir pu participer à ce magnifique projet, et sommes très heureux de continuer à travailler pour voir un jour ce ‘nuage’ flotter dans le ciel de Luxembourg.»