Le détachement des salariés a fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. L’interprétation des réglementations, notamment en matière de travail dissimulé, est un sujet de discorde entre la France et le Luxembourg, pénalisant les entreprises luxembourgeoises et mettant à mal l’économie du Grand Est.

Il est un fait constant que, depuis quelque temps, les autorités françaises poursuivent pénalement les entreprises étrangères pour travail dissimulé, sous prétexte qu’il y aurait eu fraude au détachement. Dans trois affaires, deux jugées par le tribunal correctionnel de Versailles en janvier et février 2019, et la troisième par celui d’Agen en février 2019, les entreprises en question ont été relaxées.

Cependant, entre la date des poursuites et la date d’audience de jugement, il peut s’écouler des mois, voire des années. Entre-temps, les entreprises étrangères voient leurs comptes bancaires bloqués sur commission rogatoire internationale, et leurs documents sociaux et leur matériel de travail saisis, de sorte qu’elles ne peuvent plus exercer leurs activités.

Dans le cadre d’une prestation de services, il arrive qu’une entreprise établie au Luxembourg employant des salariés frontaliers provenant de France détache quelques salariés en France.
Annie Elfassi

Annie Elfassilocal partnerLoyens & Loeff

Le Grand-Duché de Luxembourg compte plusieurs entreprises qui ont des accords sur la prestation de services avec des entreprises situées dans les États membres frontaliers, tels que la France. Dans le cadre d’une prestation de services, il arrive qu’une entreprise établie au Luxembourg employant des salariés frontaliers provenant de France détache quelques salariés en France, et particulièrement dans la région lorraine.

Or, les autorités françaises tendent, ces derniers temps, à poursuivre pénalement les entreprises luxembourgeoises sur base des dispositions sur le travail dissimulé.

Qu’est-ce que le travail dissimulé en droit français?

En droit français, le travail dissimulé est défini différemment par rapport au droit luxembourgeois. Il peut être poursuivi pour deux motifs: soit par dissimulation d’emploi salarié, soit par dissimulation d’activité.

Le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié vise la situation d’un employeur qui se serait soustrait intentionnellement à l’accomplissement des formalités prévues lors de la déclaration d’embauche d’un salarié, ou autres formalités et obligations imposées à tout employeur.

Le travail dissimulé par dissimulation d’activité prévoit, quant à lui, la non-conformité d’une entreprise:

- aux formalités d’immatriculation au registre des entreprises, pour ce qui est de la région lorraine;

- aux formalités de déclaration aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale, ou encore;

- lorsque l’entreprise s’est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l’employeur exerce dans l’État sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.

Le Code du travail français qualifie le travail dissimulé d’infraction et prévoit une peine d’emprisonnement allant jusqu’à trois ans.
Annie Elfassi

Annie Elfassilocal partnerLoyens & Loeff

L’article L. 8211-1 du Code du travail français qualifie le travail dissimulé d’infraction et prévoit une peine d’emprisonnement allant jusqu’à trois ans, ainsi qu’une amende pouvant aller jusqu’à 225.000 euros à l’encontre de la personne physique ou morale ayant commis cette infraction.

Les autorités de poursuite françaises analysent les conditions d’application du travail dissimulé par dissimulation d’activité selon leur droit interne, ce qui pourrait conduire à des situations de conflit entre deux droits nationaux dans le cadre de l’objet de la commission rogatoire internationale, tels que le droit luxembourgeois et le droit français dans le cas concret du détachement d’un salarié travaillant au Luxembourg vers la Lorraine.

Il est donc urgent que le Grand-Duché de Luxembourg trouve un accord avec la région Grand Est, ce, afin d’éviter les poursuites arbitraires et les conséquences sur les entreprises luxembourgeoises et leurs salariés, qui, ne l’oublions pas, sont représentés par une majorité de frontaliers, dont plus de 52% de travailleurs frontaliers français provenant de la région lorraine, qui, à la base, a été une région sinistrée.