C’est une prise de position qui réjouira les syndicats: le Conseil d’État critique l’absence, dans le projet de loi, d’une méthode de calcul permettant de définir le caractère adéquat des salaires minimums légaux. Une absence qui témoigne de l’embarras du gouvernement sur un dossier où, bien que le salaire minimum nominal soit parmi les plus élevés d’Europe, il reste juste au-dessus du seuil de risque de pauvreté: 2.637,79 euros par mois contre 2.382 euros par mois en 2023.
Profiter de la transposition de la directive du 19 octobre 2022 relative à des salaires minimaux adéquats dans l’UE pour revaloriser le SSM était une demande de la Chambre des salariés qui en fait un cheval de bataille. Dans son avis rendu le 23 novembre 2024, la Chambre des salariés rejetait «à l’unanimité» un projet «déplorable» et parlait d’une occasion ratée de la part du gouvernement pour améliorer considérablement le sort des salariés au Luxembourg. Une amélioration qui aurait nécessité une augmentation «structurelle» du salaire minimum, une hausse d’emblée refusée par le gouvernement et le ministre du Travail, Georges Mischo (CSV), lors de l’adoption du projet de loi en conseil de gouvernement en juillet dernier. Le ministre espérait un vote rapide, d’autant plus que la date limite de transposition était fixée au 15 novembre.
Une position dont se réjouissait la Chambre des Métiers. Dans son avis du 10 décembre 2024, celle-ci estimait que « toute question liée au salaire social minimum devrait viser à atteindre un juste équilibre entre le pouvoir d’achat procuré par le salaire social minimum et la performance économique des entreprises qui le versent ». Elle plaidait également pour que le calcul du salaire social minimum n’intègre « ni les salaires et traitements élevés versés dans le secteur public au Luxembourg, ni les gratifications versées dans le secteur privé au-delà du salaire de base ». De plus, elle recommandait que la productivité à long terme de l’économie soit un critère déterminant.
Une absence de méthode de calcul qui interroge le Conseil d’État
La Chambre des fonctionnaires et employés publics, dans son avis du 6 décembre, disait craindre que «dans la pratique, les nouvelles procédures n’aillent pas aboutir à un relèvement adéquat du salaire social minimum pour permettre aux travailleurs concernés de vivre décemment». Selon elle, les critères retenus pour décider d’une augmentation sont trop flous.
Une critique que fait donc sienne le Conseil d’État. Celui-ci s’est focalisé sur critères à prendre en considération dans le cadre de la fixation et de l’actualisation des salaires minimaux. Et plus particulièrement au choix à des valeurs de référence indicatives visant à guider les États dans leur évaluation du caractère adéquat des salaires minimaux légaux. La directive indique qu’à cette fin, les États peuvent utiliser «des valeurs de référence indicatives couramment utilisées au niveau international, telles que 60% du salaire médian brut et 50% du salaire moyen brut, et/ou des valeurs de référence indicatives utilisées au niveau national».
À la lecture du projet de loi, le Conseil d’État constate que cette disposition n’a pas été transposée par le texte et s’interroge sur les raisons de cette absence. Et surtout, l’institution «se demande encore quelles valeurs de référence indicatives seront finalement utilisées pour évaluer le caractère adéquat des salaires minimaux légaux». Et «dans l’attente d’explications de la part des auteurs, le Conseil d’État se doit de réserver sa position quant à la dispense du second vote constitutionnel».
Le ministère promet une réponse adéquate
Interrogé devant la Commission du Travail à la Chambre des députés, Georges Mischo a indiqué que ses services étaient en train de travailler sur une méthode appropriée pour le calcul du salaire minimum. Le ministre a demandé au Statec de mettre en place une méthode de calcul appropriée au pays pour répondre aux craintes du Conseil d’État. Cette méthode, ce ne sera pas non plus un recours aux conventions collectives. La directive du 19 octobre 2022 outre les salaires sociaux minimaux traitait aussi de l’extension des conventions collectives. Conventions vues comme un moyen de peser sur l’évolution des salaires. Le gouvernement a fait le choix de scinder la directive en deux parties. Choix critiqué par les syndicats. La prochaine réunion de la Commission du Travail de la Chambre des députés est fixée au 15 janvier. Son ordre du jour n’est pas encore fixé.
Le 1er janvier dernier, le salaire social minimum a fait l’objet d’une adaptation automatique à l’indice des prix à la consommation et a été augmenté de 2,6%.