Olivier Goemans, head of investment services and innovation à la Banque internationale à Luxembourg. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Olivier Goemans, head of investment services and innovation à la Banque internationale à Luxembourg. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Des deux côtés de l’Atlantique, les entreprises devraient enregistrer une forte croissance bénéficiaire. Les investisseurs sont impatients d’entendre dans quelle mesure la hausse des coûts, la pénurie de main-d’œuvre et les problèmes d’approvisionnement impactent leurs résultats et perspectives.

Ces derniers temps, les motifs d’inquiétude se sont multipliés pour les investisseurs sur les marchés actions: engorgement des chaînes d’approvisionnement, flambée des coûts de l’énergie, hausse des prix des intrants, pénurie de main-d’œuvre et, désormais, éventualité d’un resserrement de la politique monétaire des banques centrales. Le bon début de la saison des résultats, la semaine dernière, a contribué à apaiser temporairement ces craintes, les bourses mondiales connaissant même l’une des meilleures journées des cinq derniers mois.

Les grandes banques américaines ont officiellement lancé la saison avec des résultats supérieurs aux attentes et des perspectives optimistes. Les données relatives aux cartes de crédit indiquent que les consommateurs dépensent à nouveau sans pour autant négliger leurs factures. Les défauts sur prêts de Bank of America (BoA) ont atteint leur niveau le plus bas depuis 50 ans. BoA, Wells Fargo et Citigroup ont aussi amélioré leurs résultats, avec une réduction des provisions pour créances douteuses, réserves constituées au début de la pandémie afin de se protéger d’une potentielle augmentation des défauts sur crédits, lesquels ne se sont pas concrétisés.

Si la croissance des bénéfices a probablement atteint son niveau le plus élevé du cycle au deuxième trimestre (+89% en glissement annuel par rapport au S&P 500), les analystes estiment toujours que cette croissance devrait se poursuivre à un rythme supérieur à la moyenne. Qui plus est, les révisions des analystes pour le trimestre en cours restent aussi bien orientées, en observant que celles-ci sont passées d’une croissance de 24% en juillet à 28% actuellement. En Europe, les bénéfices des sociétés de l’Euro Stoxx 600 sont attendus en progression de 46,7% en glissement annuel. Avec des prix du pétrole dépassant la barre des 80 dollars le baril, c’est le secteur de l’énergie qui a enregistré les révisions à la hausse les plus importantes, suivi des matériaux, un des principaux bénéficiaires de la hausse des prix des matières premières.

Sujets à surveiller

La chaîne d’approvisionnement: les entreprises, tous secteurs confondus, éprouvent des difficultés à satisfaire l’envolée sans précédent de la demande. Les pénuries touchent de nombreux secteurs, et même si la situation ne semble pas empirer, les enquêtes de confiance des entreprises suggèrent que plus le problème perdure, plus il empire. La pénurie mondiale de puces a contraint Apple à réviser à la baisse ses objectifs de production de l’iPhone 13 de 10 millions d’unités. Le CEO de Philips a aussi revu ses perspectives financières à la baisse en raison des pénuries de puces et des problèmes liés au transport maritime qui freinent la production et les livraisons.

Hausse des coûts: alors que les économies repartent, les pays ont soif de ressources et l’indice des matières premières au comptant de Bloomberg a atteint des sommets inédits. Les investisseurs veulent savoir si les entreprises peuvent répercuter ces coûts sur les consommateurs, faute de quoi leurs marges futures seront compressées. Pepsi a par exemple déjà annoncé son intention de relever ses prix afin de compenser la hausse des coûts des matières premières, des transports et de la chaîne d’approvisionnement. L’amélioration de la situation financière des ménages pendant la crise sanitaire joue en faveur de ce scénario, les consommateurs américains, par exemple, ayant encore à leur disposition quelque 2.400 milliards de dollars d’excédent d’épargne amassés pendant les confinements.

Hausses des salaires: la pandémie a également été un coup dur pour le marché du travail. Confrontées à une pénurie de main-d’œuvre, les entreprises doivent se battre pour trouver du personnel, entraînant une augmentation des salaires. Cette situation pourrait, elle aussi, rogner sur les marges sur les trimestres à venir si les entreprises ne sont pas en mesure d’augmenter leurs prix.

Inflation en ligne de mire?

À l’heure actuelle, les principales banques centrales continuent d’affirmer avec prudence que l’inflation est temporaire. La saison des résultats va nous révéler si les entreprises arrivent à surmonter ce qu’elles perçoivent comme des perturbations temporaires ou si elles vont devoir revoir à la hausse leurs politiques salariales et de prix. Si cela devait se produire, les banques centrales pourraient se voir contraintes de relever leurs taux d’intérêt plus tôt que prévu. Au Royaume-Uni, par exemple, une hausse est prévue dès le mois prochain.

Nous continuons actuellement de surpondérer les actions, car nous pensons que, même si l’inflation est de plus en plus évoquée par les dirigeants d’entreprises, elle ne devrait pas neutraliser la demande pour le moment, ni vraiment rogner les marges, qui sont soutenues par un environnement macroéconomique solide. Cependant, dans un tel contexte, la sélection sectorielle est fondamentale. Nous privilégions actuellement les secteurs qui bénéficient de la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation, comme l’énergie, les matériaux et les valeurs financières. Nous sommes méfiants vis-à-vis des obligations qui subissent déjà la pression causée par la réduction prévue des achats d’actifs par les banques centrales.