Le gérant de la Sacem, Marc Nickts, revient sur 20 ans et plus d’histoire dans la défense des droits d’auteurs au Luxembourg. (Photo: Sacem)

Le gérant de la Sacem, Marc Nickts, revient sur 20 ans et plus d’histoire dans la défense des droits d’auteurs au Luxembourg. (Photo: Sacem)

La Sacem fêtera ses 20 ans au Luxembourg jeudi 21 septembre, lors d’un concert gratuit aux Rotondes. Même si ses activités remontent en fait bien avant 2003. Histoire et perspectives de cette société à but non lucratif qui défend les droits des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.

Des notes de jazz de Claire Parson, à l’ambiance hip-hop de Nicool et les paroles de l’auteur-compositeur luxembourgeois Serge Tonnar, en passant par le DJ set d’Yves Stéphany et les mélodies de Gast Waltzing & Jean-Jacques Mailliet feat. United Instruments of Lucilin mais aussi du groupe formé par Balthasar, Leen, Rosenfeld et Moreira… Une symphonie de concerts viendra animer les Rotondes, jeudi 21 septembre, pour célébrer l’anniversaire de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) Luxembourg. «Une programmation éclectique sur le thème de la communauté et de la diversité», commente fièrement le gérant de cette société à but non lucratif, . L’événement, gratuit et sans réservation, pourra accueillir jusqu’à 250 personnes. «Ce sera la règle du premier arrivé, premier servi».

La Sacem fête ses 20 ans, pourtant, elle est bien plus vieille. La société à but non lucratif ne souffre pas du syndrome de Peter Pan, mais d’une histoire qui s’est construire pas à pas, avant sa création officielle.

Les créateurs du Grand-Duché ont vite compris la nécessité d’adhérer à une gestion collective.
Marc Nickts

Marc NicktsgérantSacem Luxembourg

«La collecte des droits d’auteur au Luxembourg remonte aux années 30, quand RTL s’est établi au Luxembourg en raison de la mise en place d’un monopole étatique en France», raconte Marc Nickts. La radio diffuse, depuis le Luxembourg, des œuvres vers son pays voisin: la Sacem se met donc à collecter les droits d’auteur associés. Puis, en 1950, un premier «mandataire général de la Sacem au Luxembourg» est nommé. Il s’agit du chanteur d’opéra Venant Pauké. Son rôle: collecter les droits d’auteur dans les lieux publics diffusant de la musique au Luxembourg (cafés, restaurants, commerces…), pour les envoyer ensuite à la Sacem en France, chargée de leur redistribution aux auteurs-compositeurs.

1880, première adhésion à la Sacem

Avant qu’une telle collecte soit organisée au Luxembourg, les auteurs locaux pouvaient tout de même déléguer cette mission en adhérant à la Sacem… en France. La première inscription d’un artiste luxembourgeois remonte ainsi à 1880. «Une période où la gestion collective existait dans peu de pays. Cela démontre que les créateurs du Grand-Duché ont vite compris la nécessité d’adhérer à une telle organisation, pour toucher quelque chose de la diffusion de leurs œuvres.»

Il faudra donc attendre l’initiative des créateurs locaux Gast Waltzing, Olivier Toth et Alexandre Muhlenbach pour que naisse la Sacem Luxembourg en 2003, sous la gérance de Bob Krieps. «On a ressenti le besoin d’avoir une gestion collective luxembourgeoise», explique le gérant actuel. «D’un côté, pour que les créateurs aient une porte d’entrée au Luxembourg dans cet univers parfois complexe de la propriété intellectuelle. De l’autre, pour que l’utilisateur ait une meilleure compréhension de cette collecte. Avant, ils se demandaient pourquoi cette société française venait au Luxembourg collecter des droits.»

20 ans plus tard, une équipe de six personnes collecte des droits d’auteur chez 7.000 clients, pour une redistribution de 1,2 million d’euros par an à ses 1.800 auteurs-compositeurs adhérents sur le territoire. «Nous avons chaque année entre 150 et 200 nouvelles personnes», complète le gérant.

Des accords avec 120 organismes de gestion collective dans le monde

Si elle a pris son indépendance vis-à-vis de Paris, la Sacem Luxembourg continue de collaborer avec la France, comme avec d’autres pays. «Nous avons des accords de réciprocité avec 120 gestions collectives dans le monde. Si un ayant droit luxembourgeois est diffusé au Japon, c’est notre homologue japonais, la Jasrac, qui collecte les droits d’auteur et nous les verse. Ensuite, nous les distribuons à notre sociétaire», schématise Marc Nickts. Et vice-versa.

La Sacem ne s’occupe pas des interprètes s’ils ne sont pas auteurs ou compositeurs – d’autres organismes de gestion collective existent pour ces derniers en France. Marc Nickts ne dispose pas de données sur le taux de couverture de la Sacem au Luxembourg. Rien n’oblige un artiste à adhérer, mais «à un moment donné, cela devient complexe d’aller chercher ses droits individuellement partout où sa musique est diffusée, et les utilisateurs ne veulent pas négocier avec des centaines de milliers de personnes. Derrière une même œuvre, on a parfois une dizaine d’ayants droit.» L’adhésion à la Sacem coûte 100 euros. La société prélève, en outre, 5 à 15% de la collecte totale par an, avant redistribution aux artistes, pour couvrir ses frais.

La continuité, en s’adaptant aux nouvelles formes de diffusion, sera le nerf de la guerre des années à venir.
Marc Nickts

Marc NicktsgérantSacem Luxembourg

Du côté des diffuseurs, le prix varie selon le statut. Là où la musique joue un rôle essentiel (radio, concert), la Sacem prélève un pourcentage du chiffre d’affaires. «Pour une radio, 6% par exemple.» Alors que les commerces qui utilisent un «fond sonore» s’acquittent d’un forfait annuel, «à partir de 150 euros». En plus de la base déclarative, la Sacem effectue «des milliers de contrôles par an». Pas d’amende la première fois. S’ils refusent de payer, «nous faisons un recouvrement par voie judiciaire. Nous en avons entre 60 et 80 par an».

«C’est un challenge pour mes équipes, mais la technologie nous facilite la tâche. Il existe des moyens d’identifier les lieux sonorisés, de faire une veille des événements à venir».

Des réseaux sociaux à l’intelligence artificielle

La technologie, ce sont aussi le streaming et les réseaux sociaux. «Ces 20 dernières années, la consommation de musique a fortement évolué. Nous essayons toujours de nous adapter. Pas à n’importe quel prix, nous cherchons une rémunération correcte pour nos membres. Certains modèles économiques se sont créés sur le dos des auteurs, nous avons donc été là pour les défendre». Concrètement, comment un ayant droit est-il rémunéré lorsque son œuvre est utilisée sur un reel ou une story, sur TikTok ou Instagram? «Nous avons des accords avec les acteurs du numérique. Des groupements de gestion collective se sont mis ensemble pour pouvoir donner des autorisations de masse». Même avec une autorisation, il est toujours possible pour l’auteur de bloquer un contenu s’il n’est pas d’accord avec la façon dont son œuvre est utilisée. Un influenceur qui gagne de l’argent grâce à l’exploitation de cette musique protégée devra lui aussi payer des droits d’auteur.

Le défi des nouvelles technologies ne s’arrête pas là. «Il y a beaucoup de discussions sur l’intelligence artificielle, comment gérer ce changement». Un autre sujet: «les licences directes (ou buyout)». Un processus par lequel on propose à des auteurs l’acquisition de leurs droits par un montant forfaitaire, au lieu de toucher des revenus tout au long de leur vie. «Nous nous battons contre ce phénomène». Pour faire face à ces problématiques et celles à venir, «la continuité, en s’adaptant aux nouvelles formes de diffusion, sera le nerf de la guerre des années à venir.»