De gauche à droite: Michael Schweiger, Sabrina Martin et Marc Meyers. Crédit: Gaël Lesure

De gauche à droite: Michael Schweiger, Sabrina Martin et Marc Meyers. Crédit: Gaël Lesure

Au Luxembourg, la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) et les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont des enjeux essentiels pour toute entreprise qui se doit d’adapter son fonctionnement pour répondre aux attentes de l’ensemble de ses parties prenantes.

Les critères RSE et ESG représentent-ils aujourd’hui un enjeu à vos yeux?

Sabrina Martin: Tout part d’une prise de conscience de la nécessité d’orienter différemment notre activité économique. Aujourd’hui, être partie prenante du débat de société est quelque chose de déterminant pour un cabinet d’avocats qui devient, par voie de conséquence, créateur de valeur et qui participe à la prise en compte d’éléments dits «extra-financiers». Si nous avions déjà conscience de l’importance de ces critères dans la profession, la crise sanitaire nous a confortés dans notre élan; elle nous a poussés à préciser davantage notre prise de position et à nous poser les bonnes questions sur ce que nous voulions pour l’avenir. Cela nous a permis, entre autres, de développer notre stratégie au sein du cabinet afin de répondre à des objectifs précis liés à notre impact sociétal et environnemental. Il y a une vraie volonté d’agir en interne et en externe grâce à une politique RSE forte. Un premier moment fort pour nous, preuve de notre engagement concret, a d’ailleurs été l’obtention du label ESR en 2019.

Michael Schweiger: Il y a une réelle révolution générationnelle avec des attentes à ce sujet. Au niveau du recrutement, par exemple, ces critères sont déterminants pour attirer de jeunes collaborateurs. C’est un sujet qui préoccupe particulièrement les plus jeunes. Ceux-ci souhaitent faire partie d’une organisation responsable. Il faut donc une proposition crédible pour leur répondre.

Marc Meyers: Les enjeux en matière d’ESG, déjà importants dans notre vie privée, le sont également désormais dans notre vie professionnelle. Lorsque nous devons soumettre une proposition pour un nouveau client, nous y intégrons les critères RSE et ESG. Aujourd’hui, les clients ne se concentrent plus seulement sur nos capacités professionnelles pour répondre à leurs questions, mais également sur la manière dont nous incorporons ces critères dans notre gestion journalière.

Le respect de ces critères est-il une priorité pour toutes les entreprises?

S.M.: Cela le devient. De nombreux clients nous demandent de pouvoir justifier que nous respectons également les critères auxquels eux se soumettent. C’est une nouvelle tendance qui s’étend progressivement à l’ensemble des propositions faites à la clientèle parce qu’elle en est demandeuse.

M.S.: Nous avons remarqué que les critères ESG prennent de plus en plus d’importance sur la place. Mais les entreprises ont tendance à insister sur leur empreinte écologique et leur impact social. Lorsqu’on s’intéresse aux comités de management ou aux conseils d’administration, on remarque vite qu’on est encore loin d’avoir atteint une diversité satisfaisante parmi les décideurs. Les entreprises ont tendance à laisser le «G» de «gouvernance» de côté, et c’est dommage, car le Luxembourg a une véritable carte à jouer. Le pays accueille de nombreuses sociétés et pourrait avoir un réel impact sur les questions d’égalité femmes/hommes, de transparence ou de rémunération. Il est temps d’aller plus loin avant même que la réglementation ne l’impose. En tant qu’avocats, nous encourageons déjà les entreprises à adopter des stratégies plus inclusives. Elles ne sont pas toujours requises par la loi, mais correspondent aux attentes du marché et sont donc dans l’intérêt de nos clients.

Ces acteurs sont-ils prêts à les implémenter?

S.M.: C’est relativement nouveau, et certains clients ont encore des questions. Ils ont besoin d’être orientés et conseillés. Doivent-ils, par exemple, insérer une clause RSE dans leurs conditions générales? On s’inscrit dans une vraie chaîne de valeur, et chaque maillon endosse des responsabilités. Il y a un vrai travail à faire dans le chef de toutes les parties prenantes afin d’implémenter ces politiques en interne. On notera, par ailleurs, que pour d’autres clients, comme les start-up, ces critères font déjà partie de leur ADN.

M.M.: À terme, la plupart des grands investisseurs institutionnels privilégieront les produits d’investissement qui intègrent ces critères ESG. Il faut savoir qu’un fonds est mis en place parce qu’il y a une certaine demande au niveau des investisseurs. Or, les jeunes d’aujourd’hui sont les investisseurs de demain. Il est dès lors évident que les nouveaux produits d’investissement devront être structurés dans une perspective de long terme et dans l’intérêt des générations futures. 

M.S.: Ce que nous observons, c’est que nos clients recherchent des stratégies et des réponses par rapport à leurs propres clients. Tous les acteurs ont compris qu’il est important de parler de RSE et ESG, mais tous ne sont pas prêts à réellement agir. Des outils plus objectifs, comme la taxonomie, permettront certainement de mieux évaluer leurs efforts. Cela évitera que des acteurs se contentent de faire du marketing et permettra aux plus impliqués de bénéficier d’une meilleure image.

Dans un an, la taxonomie verte entrera en vigueur. Qu’est-ce que cela implique?

M.S.: La taxonomie est un standard, un point de départ. Elle cible avant tout les marchés financiers, les banques et fonds d’investissement, mais va prendre de l’ampleur. Aucun autre standard aussi détaillé n’existe à l’heure actuelle. Il y aura donc certainement des ajustements à anticiper, mais il était temps!

M.M.: Vu l’importance de la place financière pour le Luxembourg – rappelons que le Luxembourg est la première Place en Europe et la deuxième au niveau mondial pour les fonds d’investissement –, la taxonomie jouera un rôle primordial au niveau des produits financiers commercialisés par les acteurs et émetteurs luxembourgeois. Si l’on ouvre l’horizon, ces critères vont s’appliquer non seulement aux produits financiers, mais indirectement également aux investissements sous-jacents des fonds d’investissement. Dès lors, les sociétés localisées dans le monde entier seront finalement incitées à appliquer ces critères, sans quoi elles risqueront de se voir privées d’apports financiers importants. C’est par ce biais que le monde financier aura un impact sur l’économie réelle.

Dans ce contexte, comment comptez-vous accompagner les entreprises?

M.M.: Il s’agira principalement de conseiller les gestionnaires de fonds ainsi que ces dernières sur leurs obligations de transparence dans les mois à venir. Le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers, ainsi que le règlement taxonomie vont en effet exiger des gestionnaires une certaine transparence au niveau de la politique relative au risque en matière de durabilité, ainsi que pour la promotion des caractéristiques environnementales et sociales. À terme, ce nouvel environnement réglementaire aura également un impact sur la gouvernance et le fonctionnement des acteurs concernés.

M.S.: Les banques et compagnies d’assurances vont devoir remettre leur fonctionnement en question pour intégrer cette taxonomie. On peut imaginer que pour le simple octroi d’un crédit, la discussion ne tournera plus seulement autour de la solvabilité du client et de la rentabilité, mais aussi autour de l’impact du projet. Même après l’octroi d’un financement, il y a une partie monitoring pour laquelle la taxonomie offrira la possibilité de mieux juger et surveiller les investissements. Cela nécessite de modifier les processus internes et passe parfois par le recrutement d’un personnel doté de compétences nouvelles. Nous proposons donc des stratégies permettant à nos clients d’intégrer rapidement ces exigences.

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