Si «L’union fait la force» n’avait pas été la devise de la Belgique, «Festina lente» («Hâte-toi lentement», ndlr) aurait sans doute convenu. Le vote de la loi scellant l’avenant à la convention évitant la double imposition des travailleurs frontaliers se fait en tout cas attendre. Et attendre. Et attendre…
Pour rappel, un nouvel accord entre les deux pays pour faire passer, dès 2022, le nombre de jours durant lesquels un frontalier peut exercer son emploi hors du pays de son contrat de travail (le Luxembourg) sans retomber sous le régime fiscal de son pays de résidence (la Belgique) de 24 à 34 a été trouvé en août 2021. Il fallait encore que les pouvoirs législatifs des deux pays transcrivent cela dans une loi. Au Luxembourg, cela a été fait dès le mois de mai 2022. En Belgique, rien pour le moment. Le «nécessaire processus législatif» requiert du «travail et des contrôles», dit-on de manière légère à Bruxelles. Le dispositif légal ne semble pourtant guère complexe. Bien que l’on notera que l’instauration du quota de 24 jours convenu en 2015 avait pris plus de 2.000 jours pour être voté, avec effet rétroactif, certes.
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En attendant, les élus du plat pays ne s’accordent pas sur la conduite à tenir de la part du frontalier. Pour certains, l’accord s’applique et une loi sera rapidement votée, elle aussi avec effet rétroactif. Les médias polluent le débat, et ne cherchent qu’à vendre du papier en jouant avec le sujet et en attisant la crainte de contrôles fiscaux, disent parfois quelques-uns d’entre eux. D’autres rappellent que la loi est la loi et que, comme il n’y a pas (encore) de loi dans ce cas, l’accord ne vaut rien. Ils recommandent la prudence, car aucun tribunal ne donnera raison à un justiciable sur base d’une loi inexistante, et donc également non opposable à une administration. Au Luxembourg, de nombreux employeurs se rangent derrière cet avis, alors critiqués de profiter là d’une opportunité de limiter le télétravail.
En attendant, des milliers de frontaliers sont aigris et plongés dans l’incertitude.
Les seuils de tolérance prévus dans les conventions de non-double imposition que le Luxembourg a conclues avec ses trois pays limitrophes n’ont pas été prévus expressément pour effectuer du télétravail par un travailleur frontalier.
Le ministre belge des Finances n’a pas aidé à y voir plus clair. Dans une récente réponse parlementaire, il explique que la loi mettra encore quelques mois à être votée. Mais signale aussi que «l’administration fiscale n’a en principe pas le droit d’appliquer un traité non encore entré en vigueur. C’est la raison pour laquelle nous ferons tout notre possible pour que le nouvel avenant puisse entrer en vigueur dans les meilleurs délais.» Il invite donc, lui aussi, à être prudent, mais son «en principe» ajoute un peu plus de brouillard au brouillard…
En visite au Luxembourg, la fraîchement nommée ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib (MR), venue de la société civile, Ancienne journaliste, elle sait évidemment que cela sera vérifié en son temps.
Finalement, c’est la ministre luxembourgeoise des Finances, (DP), qui a rappelé un élément fondamental: «Les seuils de tolérance prévus dans les conventions de non-double imposition que le Luxembourg a conclues avec ses trois pays limitrophes n’ont pas été prévus expressément pour effectuer du télétravail par un travailleur frontalier.» Mais bien pour des détachements, des formations ou des missions ponctuelles. Un aspect des choses complètement oublié. C’est dans l’air du temps.