Il eut été facile d’expliquer comment – alors que le pays bascule en confinement en une annonce de quelques minutes, en mars 2020 – Rotarex a, en quelques semaines, complètement modifié sa production de valves médicales pour répondre aux besoins liés au Covid-19: chaîne de production revue, recrutements extérieurs, formation et modification des horaires et des rythmes de travail, achat des matières premières nécessaires et renforcement des forces de vente et de l’acheminement vers les clients.
«C’était presque lunaire», se souvient un de ceux qui ont participé à cette incroyable aventure, qui s’est traduite par une hausse de la production de 3.000 à 10.000 valves par semaine et leur vente dans 188 pays à des clients affolés à l’idée de ne pas pouvoir fournir d’oxygène aux premiers malades. «J’avais plus d’une heure de route, je croisais à peine plus d’un camion et, en arrivant ici, l’ambiance était si particulière. Si chargée, et en même temps si concentrée.»
La devise de Rotarex est ‘ne pas se contenter d’un seul marché, d’un seul client, d’une seule monnaie, d’un seul produit’.
Mais, ce jeudi après-midi, à l’occasion d’un centième anniversaire rehaussé par la présence du Grand-Duc Henri et de nombreuses personnalités, comme le président de la Chambre des députés (DP), le président de la Chambre de commerce , la présidente de la Fedil , ou encore , ou , la meilleure façon de comprendre l’ADN de cette entreprise familiale aux mains des troisième et quatrième générations aura été d’écouter les 10’49” du discours du petit-fils du fondateur, . Pas d’autosatisfaction, d’autocongratulation ou même de mots inutiles, le texte est une incroyable enfilade de chiffres et de faits qui parlent d’eux-mêmes. Un cas d’école comme il en existe si peu…
2.000 employés dans 45 pays et 40.000 références
«C’est l’histoire d’une société qui a 100 ans, une histoire entrepreneuriale de la famille Schmitz. La devise de Rotarex est ‘ne pas se contenter d’un seul marché, d’un seul client, d’une seule monnaie, d’un seul produit’», commençait M. Schmitz dans la tente installée à côté de l’usine et mise aux couleurs de l’entreprise. «Rotarex emploie aujourd’hui 2.000 personnes, dont 1.000 sur les sites de Lintgen et Holzem. Nous comptons à travers le monde dix usines et 43 bureaux commerciaux avec des équipes de 60 nationalités. Nos robinets pour le gaz, nos systèmes et nos détendeurs développés pour la plupart à Lintgen sont exportés dans plus de 150 pays auprès de 2.000 clients: Air Liquide, Linde, Baccardi ou Samsung, par exemple. Les produits sont certifiés selon les plus hauts standards internationaux et sont à 99% recyclables. Nous avons plus de 40.000 références, dont les prix vont de 5 à plusieurs milliers d’euros.»
Et même si, comme beaucoup, Rotarex est confrontée à l’inflation, à la hausse des prix de l’énergie, aux difficultés d’approvisionnement ou à celles à recruter, «le chiffre d’affaires consolidé devrait s’approcher des 300 millions d’euros en 2022. 1.500 tonnes de laiton et 1.000 tonnes d’acier inoxydable sont utilisées pour la fabrication de nos produits chaque année», poursuivait le président du conseil d’administration.
«De 12 à 15 millions d’euros sont investis tous les ans dans les équipements de production. L’investissement en recherche et développement est de 30% de notre chiffre d’affaires. Ce département comprend plus de 100 personnes, principalement localisées au Luxembourg. Un nouveau domaine en R&D est la digitalisation dans la robinetterie: la mesure des paramètres, l’affichage et la communication de ceux-ci jouent un rôle central dans nos robinets et apportent une valeur ajoutée à nos clients. Le développement de ces nouvelles technologies, la mise en place d’un nouvel ERP/SAP et l’utilisation de logiciels de dernière génération nous permettent de continuer à conserver qualité, productivité et un service client optimal.»
Nouvelle usine et nouveau siège social
En novembre, le groupe ouvrira sa dernière usine, 7.000m2 en Corée du Sud, à peine un an et demi après l’avoir décidé et en attendant l’ouverture de son nouveau siège social et site de production de 40.000m2 à Bissen, à côté de Luxlait, prévue pour 2025.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale s’ajoutent aux robinets pour extincteurs et sanitaires des robinets et détendeurs pour bouteilles de butane et de propane, «ce qui a apporté un confort non négligeable aux gens et aux restaurateurs qui n’avaient pas le gaz de ville, qui pouvaient désormais cuisiner ou avoir de l’eau chaude à un prix moins onéreux que le mazout. Aujourd’hui, nous vendons toujours dix millions de robinets de ce type dans le monde, notamment au Qatar, au Koweït, en France ou au Portugal.» Puis vinrent les robinets pour les gaz réfrigérants et ceux pour les voitures qui roulent au gaz de propane liquéfié.
Référence mondiale dans les semi-conducteurs
L’entreprise se structure en «business units» pour créer des pôles d’excellence: LPG, firetec, indutec, cryotec, puis la création d’un centre de recherche et développement et, en 1978, une unité puretec pour la fabrication de robinets pour les semi-conducteurs, secteur où elle parvient à s’établir dès le début. «Nos robinets et détendeurs sont aujourd’hui toujours la référence dans la fabrication des puces électroniques dans le monde entier. Les deux dernières années, en raison d’une forte demande, nous avons quadruplé notre capacité de production. Les outils sont les mêmes que ceux utilisés dans le cadre de la fabrication des montres Rolex.»
Les années 1990 et 2000 sont marquées par une forte hausse des capacités de production avec des usines aux États-Unis, en France, en Allemagne, en République tchèque, en Chine et au Brésil. À partir de 2004, la quatrième génération de la famille, ses enfants, rejoint le groupe: Isabelle entre au conseil d’administration et prend la tête de la filiale américaine et de Rotarex Solutions, pour fournir des solutions d’infusion de gaz pour les boissons; deux ans plus tard, Philippe devient administrateur délégué, en charge notamment du développement de l’offre Rotarex Firetec, dont le chiffre d’affaires a été multiplié par trois ces six dernières années.
Bouteilles de gaz pour le BBQ, pour le secteur médical ou dans les camping-cars, appareils contre les incendies dans certains des métros les plus célèbres au monde comme celui de Paris, pièce dans certaines fusées d’Arianespace, la liste est longue et variée. Partout, un peu du Luxembourg.
S’il a regretté que cette entreprise familiale établie là depuis 100 ans, qui a «payé ses impôts et donné du travail à de nombreux habitants de la commune» parte, fin 2024, le bourgmestre de la commune, Henri Wurth, n’était pas trop triste non plus. Au départ de Rotarex vers Bissen commencera la construction d’un nouveau quartier, avec habitations, commerces et services. Et après 39 ans de bons et loyaux services, il ne sera pas candidat à sa réélection l’an prochain. L’entreprise, elle, est repartie pour un nouveau siècle.