Avec 27 sociétés au Luxembourg, Rosneft est «intouchable»: en pleine flambée des prix du pétrole, personne ne songe à sanctionner le deuxième producteur mondial… (Photo: Shutterstock)

Avec 27 sociétés au Luxembourg, Rosneft est «intouchable»: en pleine flambée des prix du pétrole, personne ne songe à sanctionner le deuxième producteur mondial… (Photo: Shutterstock)

Rosneft (27 sociétés au Luxembourg) et Gazprom (sur le départ pour les Pays-Bas) sont deux des géants russes présents au Luxembourg, comme une dizaine de sociétés confisquées par le pouvoir à ceux qui étaient considérés comme trop critiques… À l’image du «Snowden russe», Sergueï Saveliev, radié manu militari.

«Nous soumettrons un ensemble de sanctions massives et ciblées à l’approbation des dirigeants européens. Au moyen de ce train de mesures, nous ciblerons des secteurs stratégiques de l’économie russe, en interdisant à la Russie l’accès à des technologies et à des marchés essentiels pour la Russie. Nous affaiblirons la base économique de la Russie et sa capacité de modernisation. Et, en outre, nous allons geler les avoirs russes dans l’Union européenne et mettre un terme à l’accès des banques russes aux marchés financiers européens. Comme pour le premier train de sanctions, nous sommes étroitement alignés sur nos partenaires et alliés – les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, mais aussi, par exemple, le Japon et l’Australie. Ces sanctions ont pour but de prélever un lourd tribut sur les intérêts du Kremlin et sur sa capacité à financer la guerre.»

Le ton de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est martial. Et pendant que les Européens embrayent sur les sanctions prises par les États-Unis et la Grande-Bretagne, sans que personne n’ait jamais démontré leur utilité, quid du discret business russe au Luxembourg?

Dès jeudi, sur les sanctions pour ajouter . À charge pour les banques de la Place et toutes les institutions financières de faire tourner leurs solutions technologiques pour détecter toute opération de ces 400 à 500 personnalités et entités – principalement les membres de la Douma qui ont donné le feu vert au président russe, Vladimir Poutine.

Rosneft bien nanti depuis la Suisse

Il existe 237 entreprises immatriculées au Registre du commerce qui sont «à capitaux russes» directement, auxquelles il faudrait pouvoir ajouter celles qui passent par des structures plus ou moins exotiques ou que les limites du Registre des bénéficiaires ultimes – fausses informations qui ressortent des documents enregistrés, structures d’hébergement dénuées de liens réels avec les bénéficiaires ou sociétés simplement pas à jour, et donc en infraction avec la loi – empêchent d’ajouter.

Mais les sanctions n’ont pas empêché la filiale de Gazprom au Luxembourg de faire remonter 615 millions d’euros de dividendes en 2020 – 10 fois plus que l’année précédente – vers l’actionnaire historique, comme un solde de tout compte avant la liquidation de la société luxembourgeoise l’an dernier.


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Pas question de partir, pour Rosneft, dont la holding a remboursé un milliard de dollars, fin 2020, à son actionnaire principal dans le cadre d’une réduction de capital social. Sans aucun effort puisque, dans le cadre de l’arrêt des activités de Rosneft en Suisse, la filiale helvétique avait payé un dividende de 1,4 milliard de dollars à sa maison mère luxembourgeoise, plus 808 millions au compte d’émission, et 921,7 millions qu’elle avait sur ses comptes. Le deuxième producteur de pétrole au monde est à peu près tranquille dans le contexte de flambée des prix de l’or noir.

Rien n’empêche de s’intéresser, par exemple, à UrAsia Energy Holding, filiale à 100% de Rosatom, le poids lourd russe du nucléaire. La holding luxembourgeoise consolide 100% des trois néerlandaises, Uranium One (460 millions de dollars de fonds propres), Deanco et UrAsia London.

Le Space X russe remplace un projet luxembourgeois

Ou à la filiale européenne de VEB-Leasing, née de la banque publique de développement de l’État russe et reprise en main par Vladimir Poutine en 2018 pour «se concentrer davantage sur la collaboration avec les villes russes sur le financement des transports, du chauffage, des routes et d’autres projets. La société poursuivra également son implication dans le financement de projets de construction navale et aéronautique», . Là encore, l’ICIJ en avait démonté .

Ou encore à SL Aerospace, qui subira le même sort que sa «sœur» suisse placée en liquidation depuis que son dirigeant, Dmitry Kakhno, est revenu au pays pour développer le «Space X russe» avec la société d’État Roscomos. À la tête de la société russe RTSS (pour Reusable Transport Space System»), M. Kakhno avait prévu de lancer la première fusée réutilisable russe cette année. Mais c’était avant que les événements s’accélèrent.

Moins connu, les autorités russes ont la main sur quelques sociétés qu’elles ont «simplement» confisquées à ceux qui sont trop critiques avec le régime. Comme United Group, qui appartenait jusqu’à l’an dernier à Sergueï Saveliev. Le «Snowden russe», libéré en février du goulag, , accusé de trafic de drogue en 2013.

Avant même de sortir de prison, il avait quitté United Pilsen, la société d’un autre Russe émigré en République tchèque, Denis Kotlyar, dans laquelle il était engagé avec l’ancien gardien de football de Fenerbahce, Murat Sahin, société qui avait, selon les dernières données disponibles (2019), une ardoise de 400 millions d’euros, équivalente à son capital social.

Autant d’histoires différentes qui illustrent la difficulté à sanctionner les Russes qui ont des sociétés au Luxembourg loin des caricatures que l’on croise à tous les carrefours.