En quoi la règlementation environnementale a-t-elle bousculé le secteur de la construction au Luxembourg ?
SV : Le corpus législatif en matière d’environnement a grandi de manière exponentielle, et le nombre d’acteurs qui interviennent dans le processus du PAP (Plan d’Aménagement Particulier) est de plus en plus important. En conséquence, les questions environnementales sont celles qui imposent le plus de contraintes et obligent constamment les acteurs du secteur immobilier à trouver des solutions. Attention, je tiens à bien préciser que je suis pour la protection de l’environnement, de la faune et de la flore. La question ne se pose même pas. J’ai seulement l’impression que la vie d’un oiseau est devenue plus importante que celle d’un être humain. Ces mesures de compensation sont en outre de plus en plus lourdes et préjudiciables d’un point de vue logistique et financier. Nous passons un temps fou à faire en sorte que nos projets cochent toutes les cases des règlementations environnementales et nos développements s’étalent ainsi dans le temps de façon aléatoire. A la fin, les marges financières que nous dégageons, et que certains dénoncent comme abusives, sont grandement entamées. D’ailleurs, ce sont ces contraintes et la lourdeur de ces procédures qui ont menés à la disponibilité des terrains, et de là, la hausse des prix.
Concrètement, à quels défis les promoteurs font-ils face ?
SV : Dans la plupart des communes, le PAG (Plans d’Aménagement Général) a récemment changé et ne s’adapte pas à la demande d’aujourd’hui en matière d’urbanisme. Ce qui nous oblige à faire des modifications ponctuelles et entraine alors des années de planification supplémentaires.
D’un autre côté, certaines communes où nous possédons des terrains constructibles n’ont pas de PAG conforme, or, elles étaient supposées en disposer depuis 2019. De ce fait, nous sommes contraints à l’immobilisme depuis cette date, toute initiative de développer de nouveaux projets est impossible. Comment voulez-vous développer un projet sans savoir quoi construire ? En tant que promoteur, nous voulons rompre la crise du logement, favoriser l’innovation dans ce domaine, créer de beaux logements, mais nous sommes toujours freinés dans notre élan, souvent par les communes et les autorités gouvernementales.
Comment expliquez-vous ces blocages avec les communes ?
SV : Elles ne sont pas incitées à fournir des autorisations à bâtir. C’est pourquoi elles restent souvent inflexibles, conservatrices et ne veulent pas penser « out of the box ». En effet, le développement immobilier entraine des problématiques d’abord liées aux chantiers, puis liées au trafic routier qui s’accentue alors. Pour les élus c’est un risque de ne pas voir leur mandat reconduit. Enfin, le développement d’une commune nécessite par la suite la création d’autres infrastructures comme des écoles, des routes, d’aires de jeux, des commerces etc. Or, certaines n’ont peut-être pas le budget pour cela.
Les promoteurs veulent rompre la crise du logement, favoriser l’innovation en ce domaine, mais ils sont toujours freinés dans notre élan, souvent par les communes et les autorités gouvernementales.
Ces difficultés sont-elles propres au Luxembourg ? Qu’en est-il dans les autres pays européens ?
SV : J’ai plutôt l’impression que c’est une spécificité luxembourgeoise. Parlons d’un pays que je connais bien : les Pays-Bas. Lorsque l’on se rend dans une commune hollandaise avec un projet immobilier sous le bras, nous sommes accueillis à bras ouverts. Le développement d’un projet est également beaucoup plus rapide, les processus sont moins lourds et contraignants. La volonté de faire bouger les choses avec de nouveaux concepts immobiliers innovants est bien présente. Au Luxembourg, les idées existent mais il faut des années de discussions avant même de pouvoir poser la première pierre. C’est dommage !
Il en va de même pour la question du logement social qui, en Hollande, est développé et géré par les promoteurs. Ce qui n’est pas le cas au Luxembourg où il faudrait donc donner la possibilité aux promoteurs de prendre en main les logements sociaux, dans un cadre légal et précis, établi par le secteur public bien sûr.
Quelles conséquences pour le marché luxembourgeois et les investisseurs ?
SV : Pour les investisseurs, cet immobilisme est un mauvais point car il est synonyme de capitaux bloqués durant 10 ou 12 ans, c’est-à-dire le temps nécessaire pour développer un projet. La rentabilité en est donc affectée et cela ne peut qu’effrayer les investisseurs, notamment étrangers. Ceux-là même qui sont venus au Grand-Duché car le pays était attractif, mais qui finiront par investir dans d’autres pays finalement. Des mesures comme la reforme du bail à loyer par exemple, ne peuvent qu’inciter les investisseurs étrangers à s’installer dans des pays voisins.
Comment voyez-vous les prochaines années ? Quelles tendances devraient émerger ?
SV : Les crises apportent leur lot d’opportunités, à nous de les saisir. C’est pourquoi notre groupe investira dans des pays ouverts à des approches créatives et innovantes, dans le secteur immobilier bien sûr, mais pas seulement. Nous devrons accepter une inflation significative, une hausse des taux d’intérêts mais la confiance des futurs acquéreurs reviendra. L’investissement immobilier reste attractif et représente à long terme un moyen de constituer un patrimoine et de percevoir des revenus complémentaires. Le ralentissement du marché nous donne à présent la possibilité de bien planifier nos futurs projets, de proposer des concepts innovants et durables qui, espérons-le, seront reconnus comme telles par les instances dirigeantes. Nous assisterons également à une transformation digitale du secteur de l’immobilier aussi qu’à des innovations significatives dans les processus de construction et l’utilisation de nouveaux matériaux.
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