Le Concours national d’éloquence Tony Pemmers, organisé par la CJBL et le Paperjam + Delano Club, en partenariat avec BGL BNP Paribas, a eu lieu le 29 juin. 10 jeunes avocats ont eu 8 minutes pour développer une plaidoirie originale, et convaincre le jury.

Demandant autant de verve et de précision que de bons arguments et un vocabulaire ciselé, la plaidoirie est un exercice oratoire subtil. Le  , organisé par la CJBL et le Paperjam + Delano Club, en partenariat avec BGL BNP Paribas, a mis en évidence les talents de 10 jeunes membres du Barreau luxembourgeois, le 29 juin.

Dans le jury, figuraient cette année Francis Delaporte (président de la Cour administrative, vice-président de la Cour constitutionnelle et président du jury), la ministre de la Justice    (déi Gréng),    (président de la Cour supérieure de justice),   (founder et executive chairman de Maison Moderne), ainsi que Pierre-Emmanuel Roux (associate chez Wildgen et lauréat de l’édition 2020 du concours).


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Stephan Luthi  est avocat junior en l’Etude Molitor Avocats à la Cour. C’est à Luxembourg qu’il a effectué son parcours universitaire.  Ce musicien a aussi décroché 7 premiers prix des Conservatoires de Luxembourg et Esch, un Certificat du degré supérieur en déchiffrage de corde, une mention très bien en direction d’orchestre… et est aussi ceinture noire de karaté, 2e dan.

Sa plaidoirie a eu pour titre: «En faut-il vraiment peu pour être heureux ?»

«Madame la Ministre,

Monsieur Le Président,

Mesdames et Messieurs Membres du Jury,

Cher Auditoire.

Notre temps est imparti mais je ne vais pas pour autant me précipiter et démarrer sur les chapeaux de roue.

Vue la faible participation masculine, j’ai cru un instant que je me trouvais au concours de la magistrature.  En faut-il ainsi vraiment peu pour être heureux ? De prime abord je vais vous dire oui il en faut peu pour être heureux. Tout comme il en faut peut-être peu pour être malheureux ? Ou bien encore beaucoup pour être heureux ? Ou bien peut-être pour être malheureux ? 

Alors du coup je suis un peu comme vous, je crois que la question mérite réflexion et je vais essayer d’organiser au mieux ma pensée ; entendons-nous sachant que l’avoçat raconte des salades, je ne ferai pas exception mais je vais essayer de les assaisonner afin qu’elles soient comestibles ?

 En faut-il vraiment peu pour être heureux ? La première question que je me suis posée était : Où le Barreau puise-t-il donc sa source d’inspiration pour me proposer un sujet aussi philosophique et qui m’a creusé autant les méninges.

J’ai donc effectué quelques recherches et je suis in fine retombé en enfance.

Au beau milieu de la forêt, un petit homme pleurait dans son berceau

Recueilli et élevé par une meute intriguée, d’enfant il devint un louveteau.

Le temps passa et il singeait les primates en s’agrippant partout.

Il s’émancipera en rencontrant l’ours bien en chair Baloo.

Affrontant la vie et ses dangers permanents,

Il fait face à Sherkahn le tigre et K le serpent.

Mowgli part à l’aventure en quête d’apprentissage,

Avec son petit slip et son côté sauvage.

Je vois dans vos yeux que vous avez deviné la chose,

IL sera plus aisé de revenir en prose

Je parle bien sûr du Livre de la jungle.

Non non ! J’ai bien dit le livre de la jungle ! Pas l’annuaire du barreau

Il s’agit bien sûr du Livre de la Jungle de Rudyard Kupling.

Parlons de Baloo. Il aime la nature, il s’émerveille, il chante, il détient une légèreté et un optimiste a tout épreuve. Il voit la vie Dupong du bon côté, et a une certaine une spontanéité et sincérité…. Peut-être presqu’égale à celles de  mes confrères. A chaque fois qu’il traverse la forêt il la redécouvre.  Voilà ce qu’est Baloo.

Face aux interrogations de Mowgli sur la manière dont la vie devrait être vécue, l’ours entame sa réponse avec une chanson que nous avons tous entendue: Il en faut peu pour être heureux vraiment très peu pour être heureux… Bon je ne suis pas là pour faire la danse de la pluie.

Ainsi, pour notre Baloo, la vie doit se résumer au nécessaire et le nécessaire tient en peu de choses, "un peu d'eau fraîche et de verdure/que nous prodigue la nature/quelques rayons de miel et de soleil."

Notre ours prône une doctrine immatérialise, notre existence doit être apurée de biens non essentiels que l’on peut rencontrer pour se recentrer sur le nécessaire et s’en contenter.

Baloo rejette également le moindre effort. Comme si le travail n’était que pénibilité et punition, ne produisant aucun bien être. Il le dit lui-même : « Si tu travailles comme cette abeille, tu te rendras malade ». SI c’est le ças je devrais être sous perfusion constante.

Alors, dixit Baloo, faut-il être un glandeur pour trouver le bonheur ? Devons-nous choisir la facilité ? Aurais-je dû choisir un autre sujet ?

En faut-il vraiment peu pour être heureux ? Si j’avais posé cette question à mon ancien prof de droit administratif, il aurait voulu, en expert du droit, définir les termes.

A priori, le peu c’est déjà avoir quelque chose, c’est avoir plus que rien, mais cela peu connoter le manque l’insatisfaction.

Etre heureux, pour faire très court, c’est sentir une forme de satisfaction intérieur de joie, de plénitude, d’apaisement et de plaisir.

Il ne faut pas oublier également que le peu de chez moi est peut-être le beaucoup de chez les autres. Et inversement. Ainsi, le nécessaire dont parle l'ours est une notion toute relative qui diffère en fonction de notre ressenti, de la culture, du niveau de vie, de l'endroit où l'on vit et a fortiori de l'espèce à laquelle nous appartenons. Tout est lié mais relatif ?

Il faut un çadre référentiel. Quand je me regarde je me désole quand je me compare je me console. Notre superflue peut également être le nécessaire de notre prochain. Est-ce que pour autant se satisfaire du nécessaire c’est alors se débarrasser du superflue ?

Aidons-nous d’Epicure ? Pas celles du CHL prenons le plutôt le philosophe.

Il distingue plaisirs vains et ceux qui sont nécessaires (Tétrapharmakon). Donc selon lui, la célébrité l’argent, le pouvoir et la luxure seraient selon lui vains. Bon les siècles suivant lui ont peut-être prouvé qu’il a tort. Comme quoi on peut traverser les siècles et parfois bien se tromper.

Puis les plaisirs nécessaires, ceux qui conditionnent notre corps manger boire et bien manger et boire, ainsi que l’amitié. Il faut en outre que les plaisirs soient çalculés et correctement dosés. Il ne faut pas désirer plus que ce que nous avons besoin.

Alors, en faut-il peu dans le sens d’avoir ou d’être ?

Dans le sens d’avoir : la possession peut aussi procurer du bonheur ! Une belle voiture, un jacuzzi, une maison moderne. La question de l’argent se pose alors pour accéder au bonheur.

Le bonheur devient plus difficile s’il devient obsessionnel et si l’on déplace notre référence de possession toujours plus haut.

Ainsi être heureux est avant tout une question de sentiment et de ressenti. Le bonheur s’alimente selon nos besoins mentaux avant tout.

Le bonheur réside aussi dans le plaisir et la liberté.

Certaines personnes adorent voyager, ont ce besoin de découvrir le monde. Elles le font parfois dans des conditions précaires mais elles n’en ont que faire. D’autres personnes au contraire préfèrent rester chez elles, au coin du feu, sur leur balcon, au pas (ou dans les pas) Delaporte… Pour autant, j’en suis sûr et cela vous rend heureux. Bon d’autres personnes se lassent vite et pourraient dire qu’elles en ont des Jamar…peut être pas autant que vous, Monsieur le Président que vous.

Alors, quels moments génèrent le bonheur ? Un bon livre, un ami sincère, avec lequel on boit une bière, une balade en forêt avec des toutous, regarder un match de foot entre ami (spécialement lorsqu’on est en suisse). Mais aussi le travail,, la satisfaction d’accomplir quelque chose, contrairement à ce que dit Baloo.

Le bonheur tient à peu parce que la vie tient à peu.

Admettons vous êtes un quelqu’un qui côtoyez les grands du monde, vous avez des hautes responsabilités et vous êtes heureux. Hier vous êtes bien et entre deux doses paf ! vous chopez le virus. Bon vous êtes bien entourés mais cela compromet votre prochain meeting avec les grands du monde. Je dis ça je ne dis rien. Bon ça reste entre nous et toute ressemblance avec la réalité est complètement fortuite.

Si le bonheur peut tenir à peu, il en va de même pour être malheureux. Un échec scolaire, une déception sentimentale, des libertés individuelles amoindries en temps de crise… Bien que cela puisse paraître peu fasse à la maladie, sommes-nous pour autant consolés ?

Je pense que si l’on passe sa vie à se comparer et à ne pas avoir réussi à se trouver de vrais moments de plaisir intérieurs, on va mourir insatisfaits, ce qui serait grandement triste. De plus, C’etait mieux avant, on a tous entendu ce discours.  Le bonheur n’est pas une constance mais des instants précieux vers lesquels on peut se plonger lorsque l’on est malheureux. Se remémorer un repas de famille, rêver de son grand-père, revivre une assermentation …

Le bonheur se déculpe aussi quand on en a conscience des moments où on les vit. Non seulement nous étions heureux mais nous le savions.

Être heureux c’est d’avoir la santé, car c’est avoir un futur (pas certain d’avoir un avenir) pour se projeter plus facilement

Être heureux c’est avoir mangé,

Être heureux c’est désirer ce que l’on possède déjà,

Être heureux c’est rencontrer ses amis c’est vivre dans un pays libre,

C’est pouvoir s’exprimer comme aujourd’hui dire tout et n’importe quoi,

Enfin, j’insiste pour conclure que moi, Être heureux c’est surtout, après les besoins vitaux, le partage. L’anathème suprême pour moi serait d’être seul. Car peut on être heureux seul ?

Cela peut être un sujet pour le concours de l’année prochaine

Ainsi, il y a toujours moyen d’être heureux tant que l’on peut partager. Je finirai sur cette notion du partage qui me tient à cœur, par une citation de Bernard Meltzer qui disait : « Le bonheur est comme un baiser, pour en profiter il faut le partager ». Smack.»