Le canton de Genève emploie 150.000 frontaliers résidant en France.  (Photo : Shutterstock)

Le canton de Genève emploie 150.000 frontaliers résidant en France.  (Photo : Shutterstock)

La compensation financière genevoise en faveur des communes frontalières françaises donne satisfaction depuis 46 ans.

Alors qu’est relancé le débat sur l’opportunité d’une compensation financière luxembourgeoise envers les territoires frontaliers – parti notamment de propos de la ministre en marge d’une  à Arlon –, pourquoi ne pas observer d’autres modèles existants. Le canton de Genève est, tout comme le Luxembourg, confronté à un phénomène frontalier massif, mais a mis en place dès 1973 un mécanisme qui donne toute satisfaction côté suisse comme français.

«Tous les ans, le canton de Genève calcule le montant de la compensation financière à rétrocéder à la France», précise Christophe Sohn, géographe au Liser, spécialisé dans les frontières et régions frontalières d’Europe. Cette part correspond à «3,5% de la masse salariale brute des personnes habitant dans les deux départements frontaliers et travaillant à Genève, quelle que soit leur nationalité», soit 110.000 frontaliers. En 2018, le montant s’élevait à près de 260 millions d’euros, répartis entre la Haute-Savoie (76,7%) et l’Ain (23,3%) «selon le nombre de frontaliers qui y résident».

Ce sont au total 150.000 habitants de la France qui traversent la frontière pour aller travailler à Genève

Christophe SohngéographeLiser

De fait, ce calcul prend seulement en compte les travailleurs titulaires d’un permis de travail (permis G). «Il n’englobe pas les fonctionnaires internationaux ni les frontaliers de nationalité suisse qui sont de plus en plus nombreux en raison des prix très élevés des logements à Genève», complète M. Sohn. Ce sont au total 150.000 habitants de la France, qu’ils soient Français, Suisses ou d’une autre nationalité, qui traversent la frontière pour aller travailler à Genève.

«Quelques tiraillements se font sentir de temps en temps, la France a notamment demandé d’inclure tous les frontaliers afin d’augmenter l’assiette servant à calculer le montant de la rétrocession», concède M. Sohn. «Mais ce système fonctionne depuis 1973 et son montant a beaucoup évolué puisqu’on est passé d’une dizaine de milliers de frontaliers dans les années 1970 à plus de 100.000 aujourd’hui.»

Le Grand Genève est un des modèles de coopération transfrontalière les plus ambitieux en Europe, voire dans le monde.

Christophe SohngéographeLiser

Un système qui n’est pas remis en question côté suisse, hormis par le Mouvement Citoyen Genevois (MCG), un parti régionaliste populiste résolument anti-frontalier. «Je pense que les différents élus ont pris conscience à partir des années 1990 de l’interdépendance entre le canton de Genève et le Genevois français (Annemasse, Pays de Gex)», souligne M. Sohn. «L’argent donné a aussi un effet positif sur Genève puisque les communes françaises sont davantage en capacité de proposer des équipements, des services et des infrastructures de transports permettant aux frontaliers de vivre et d’aller travailler dans de bonnes conditions.»

Au-delà de la « compensation financière genevoise », la coopération transfrontalière dans la région de Genève relève d’une véritable «gouvernance locale» façonnée au fil des années par les acteurs locaux et régionaux de part et d’autre de la frontière. «Le Grand Genève est un des modèles de coopération transfrontalière les plus ambitieux en Europe voire dans le monde», souligne M. Sohn. Un modèle qui se préoccupe de la planification urbaine de l’ensemble de la région transfrontalière : en 2007, un accord a été signé visant à rééquilibrer la polarisation persistante, pour que les emplois ne se créent pas qu’à Genève et que les logements ne se construisent pas qu’en France.

De quoi donner des idées à une Grande Région sclérosée par les dissensions transnationales et internes et une absence de vision d’ensemble.