Plusieurs anciens eurodéputés, ou eurodéputés actuels, ont voulu se constituer un complément de retraite via un fonds de pension luxembourgeois, qui se retrouve déficitaire. (Photo: Shutterstock)

Plusieurs anciens eurodéputés, ou eurodéputés actuels, ont voulu se constituer un complément de retraite via un fonds de pension luxembourgeois, qui se retrouve déficitaire. (Photo: Shutterstock)

Un fonds de pension luxembourgeois censé payer les retraites complémentaires d’eurodéputés est menacé de banqueroute. Les discussions sont en cours concernant le financement de ses plus de 300 millions d’euros de déficit. Parmi ses membres y ayant cotisé: Lydie Polfer, Viviane Reding ou encore Charles Goerens.

Au moins 660 eurodéputés ou ex-eurodéputés concernés. Un trou de plus de 300 millions d’euros. L’histoire de ce fonds de pension luxembourgeois censé financer les «retraites dorées» (selon les termes de ) de plusieurs politiques européens, menacé de faillite, a été mise en lumière par le groupe de journalistes paneuropéen  et par le . Et concerne aussi des personnalités du Luxembourg.

Le fonds a été créé en 1991 en tant que société privée de droit luxembourgeois, rapporte le média paneuropéen. Volontaire, il visait à égaliser les pensions des députés en permettant à certains de se constituer un complément de revenus pour la retraite. .

Conséquence: ses derniers actifs sont en train de fondre et la banqueroute est attendue d’ici 2025. Investigate Europe parle d’un déficit de «308 à 315 millions d’euros».

Dans les notes aux comptes de l’année 2021 au Registre du commerce et des sociétés (RCS), on peut lire que «les comptes de l’exercice 2021 du Parlement européen font mention du déficit actuariel du Fonds de pension volontaire. Le déficit actuariel se montait à 379 millions d’euros». Ses «ressources disponibles pour paiement des pensions futures» sont passées de 94 à 84 millions d’euros entre 2020 et 2021. Ses dépenses pour pensions payées s’élevaient à 19,6 millions d’euros.

Sept noms luxembourgeois

Si la dernière liste officielle au Registre du commerce et des sociétés (RCS) recense 660 membres au 31 décembre 2022, ils seraient en fait 908, selon les sources d’Investigate Europe. Tous ne s’étant pas inscrits comme membres en tant que tels après 2009, même s’ils ont cotisé au Fonds. On y retrouve des noms connus, comme celui Nigel Farage, pourtant ouvertement eurosceptique, à la tête du Parti du Brexit en Angleterre. «S’il a rejoint le fonds à ses débuts, il recevra dans six ans, après son 65e anniversaire, non seulement une pension régulière du Parlement d’environ 6.900 euros par mois, mais aussi 6.800 euros complémentaires, ce qui lui donne 13.700 euros par mois, pour le reste de sa vie», calcule le média d’investigation. Mais aussi la présidente du Rassemblement national en France Marine Le Pen, le haut représentant pour les Affaires étrangères à l’Union européenne Josep Borrell ou encore l’eurodéputé belge .

Paperjam a compté sept personnalités luxembourgeoises sur la liste. Les anciens et anciennes eurodéputés Astrid Lullig (CSV), Colette Flesch (DP), Erna Hennicot-Schoepges (CSV), (DP), (LSAP) et Viviane Reding (CSV). Et l’eurodéputé actuel (DP).

«C’était un régime existant, antérieur aux nouveaux statuts dans les années 1990. J’ai cotisé pendant cinq ans et je ne reverrai probablement plus jamais un rond de cela», commente ce dernier, répétant qu’il n’est «pas bénéficiaire» et qu’il n’a «jamais fait valoir [ses] droits». Eurodéputé entre 1994 et 1999, avant d’être réélu en 2009, il estime avoir dépensé 50.000 euros dans ce fonds. Et quand on l’interroge sur les suites à donner à son sauvetage, «je ne veux pas m’immiscer», répond-il.

La question du financement

Car se pose la question du financement de ces pensions, s’il y a banqueroute. «Dans le cas où l’association ne pourrait plus respecter ses obligations à long terme, le Parlement européen a la responsabilité légale de garantir les droits des membres de ce plan à une pension complète», détaille le rapport 2021. Ceci a été voté par le Bureau du Parlement européen en 2009. Mais à l’époque, 15 des 20 membres étaient ou avaient été bénéficiaires du Fonds, souligne Investigate Europe. En 2011, les membres du Parlement européen ont déclaré que «le déficit ne devait pas être payé par les contribuables mais par le Fonds lui-même».

D’après le média d’investigation, les membres du Bureau se sont de nouveau penchés sur le sujet en avril. Trois solutions ont alors été envisagées: une prise en charge par le Parlement européen. Une division des actifs existants entre les membres pour un paiement final unique, réduit par rapport à ce qui avait été attendu. Ou un entre-deux, avec la réduction des versements de pensions combiné à un renflouement moindre par le Parlement. Entre 1991 et 2009, la contribution du Parlement s’est déjà élevée à 118 millions d’euros, selon les sources d’Investigate Europe. La décision pourrait être prise dans «les mois à venir», écrivent les journalistes européens. Tout en rappelant que trois des 20 membres actuels du bureau (Dimitrios Papadimoulis, Roberts Zile et Othmar Karas) se trouvent sur la liste du Fonds de pension.

Interrogé sur les suites du dossier, l’eurodéputé luxembourgeois ,  (LSAP), a indiqué à Paperjam qu’il ne s’agissait pas de son dossier, mais que des discussions étaient en cours. Il n’a pas pu se prononcer au sujet des risques de conflit d’intérêt avec les trois membres du bureau.