L’emblématique agence de la Banque internationale de Luxembourg, place de Paris, a enlevé tous les codes de la banque. (Photo: Maison Moderne)

L’emblématique agence de la Banque internationale de Luxembourg, place de Paris, a enlevé tous les codes de la banque. (Photo: Maison Moderne)

Accentuée par des fermetures récentes, la diminution du nombre d’agences bancaires au Luxembourg marque une transformation profonde du secteur. Au moment où les services en ligne prennent le dessus, les agences restantes se concentrent sur des conseils personnalisés et des rendez-vous spécialisés.

Le jette une hypothèque sur son réseau d’agences dans le pays. Un réseau qui a déjà fondu: l’enseigne au lion orange est passée de 16 agences en 2018 à neuf actuellement (cinq ouvertes sur rendez-vous et quatre ouvertes toute la journée). «Nous souhaitons avoir de plus grandes agences et être en mesure de mieux servir nos clients Personal et Private Banking. Nous nous concentrerons donc à terme sur une ou deux plus grandes agences», nous fait savoir ING.

On peut s’attendre, quoi qu’il en soit, à une réduction supplémentaire du réseau global d’agences bancaires au Luxembourg, qui a connu une diminution drastique ces dernières années. Entre 2018 et aujourd’hui, le nombre de points de service locaux a ainsi chuté:

– de 62 à 50 à la Spuerkeess;

– de 63 à 40 chez Post Finance;

– de 38 à 29 chez Raiffeisen;

– de 41 à 28 chez BGL BNP Paribas;

– de 40 à 22 à la Bil.

La dernière étude annuelle de l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL) sur la banque de détail montre une réalité contrastée. D’un côté, le pays reste bien couvert par rapport à ses voisins: avec 34 agences pour 100.000 habitants, le Luxembourg se classait en 2021 derrière la France (53) mais devant la Belgique (33), l’Allemagne (28) et les Pays-Bas (5). Cette bonne couverture, le responsable de la communication de l’ABBL, Paul Wilwertz, l’attribue à deux facteurs: «Le Luxembourg est un marché de proximité, très local, où les gens se connaissent. Et c’est un marché très concurrentiel, avec une bonne offre sur le plan retail.»

Le Covid a accéléré la digitalisation des services bancaires et notamment des paiements.
Ananda Kautz

Ananda Kautzmembre de la directionABBL

L’étude confirme néanmoins la tendance de fond. Rien qu’entre 2021 et 2022, le nombre d’agences bancaires au Luxembourg est passé de 221 à 197 (-11%). «Le Covid a accéléré la digitalisation des services bancaires et notamment des paiements. Dans de nombreux domaines, le Luxembourg se situe même dans le haut du panier européen en matière de nouveaux comportements ou d’acceptation de solutions innovantes», explique la responsable de l’innovation, des paiements et de la durabilité de l’ABBL, .

Le nombre de retraits d’espèces dans les agences bancaires a ainsi fortement diminué en 2022 comparé à l’année pré-Covid 2019 (-60%), de même que les transferts d’argent réalisés en agence (-56%), selon l’ABBL. Autre point relevé par l’Association: le Luxembourg occupe la troisième place en Europe – derrière les Pays-Bas et la Finlande – des paiements de pair à pair effectués par le biais d’applications mobiles. Même tendance en matière de paiements instantanés, où «les résidents luxembourgeois sont les plus actifs en Europe à considérer l’accès à cette nouvelle fonctionnalité».

Besoins physiques en assistance digitale

Les clients ont donc modifié de manière significative leur façon d’interagir avec la banque. La large utilisation des services en ligne s’accompagne d’une augmentation substantielle du nombre d’appels téléphoniques et d’e-mails, disent les établissements. «Le rôle des agences bancaires et les services qui y sont rendus ont considérablement évolué. Les clients vont beaucoup moins souvent en agence, et quand ils y vont, c’est pour un besoin précis, pour lequel ils attendent du conseil, la plupart du temps sur rendez-vous», résume la Bil, où «les guichets ont quasiment disparu».

La Spuerkeess confirme le rôle accru du conseil dans ses services. Exemple: «Le conseil immobilier a évolué pour devenir une spécialité en soi. Auparavant géré par le chef d’agence, ce domaine requiert désormais des spécialistes dédiés en raison de sa complexité accrue et des régulations plus strictes.» Avec l’essor des services en ligne, les besoins en assistance digitale prennent également de l’importance: «Par exemple avec LuxTrust Mobile, surtout avec la disparition annoncée des tokens. Bien que cela reste plutôt ponctuel, cela représente beaucoup de temps en conseil», indique la Banque et Caisse d’épargne de l’État.

Dans les petits bureaux, les améliorations sont souvent très difficiles à mettre en œuvre.
Gabriel de La Bourdonnaye

Gabriel de La BourdonnayedirecteurPost Finance

Les fonctions des succursales bancaires se sont donc adaptées aux besoins changeants de la clientèle. Chez Post Finance, les critères décisifs pour la diversification du réseau de vente sont les suivants: «Des heures d’ouverture plus étendues, une offre complète dans les domaines Courrier, Finance et Telecom, un service client compétent et aimable ainsi qu’une localisation centrale, voire un accès facile par les transports publics». La banque postale n’en fait cependant pas mystère: «En particulier dans les petits bureaux, ces améliorations sont souvent très difficiles à mettre en œuvre.»

Chez Raiffeisen, les agences sont devenues soit des «agences complètes» offrant l’intégralité de la gamme de services de la banque, soit des «agences conseil» privilégiant uniquement le conseil client. De son côté, BGL BNP Paribas dit avoir «adapté la conception, les horaires et l’accessibilité téléphonique de [ses] agences en les faisant évoluer plus vers un lieu de rendez-vous plutôt qu’un lieu simplement opérationnel».

(Quelle est la place des agences dans la stratégie commerciale des banques de détail? Paperjam y reviendra dans un second article cette semaine.)