Marcel Leyers, Président du Comité de Direction de la BIL.  Eva Krins / Maison Moderne

Marcel Leyers, Président du Comité de Direction de la BIL.  Eva Krins / Maison Moderne

Marcel Leyers quittera son poste de CEO de la BIL dans les prochains mois pour prendre la présidence du Conseil d’Administration. Il se dit heureux de laisser à la nouvelle génération de dirigeants une banque moderne, profitable et prête à relever de nouveaux défis.

Que retenez-vous de vos premières années à la BIL et du métier de banquier à l’époque ?

Marcel Leyers  – J’ai été engagé à la BIL en 1983, à la fin de mes études secondaires, en tant que chargé de clientèle au sein d’une agence. Après de nouvelles études au sein du Département de droit et des sciences économiques du Centre Universitaire de Luxembourg, j’ai rejoint le département consacré aux PME, que la banque lançait à l’époque. Jusqu’alors, le marché était essentiellement dominé par le private banking. Le monde de l’entreprise m’a toujours intéressé et, pour ne rien vous cacher, l’idée de créer ma propre affaire m’a, à un moment, traversé l’esprit. J’ai commencé ma carrière dans une banque 100 % papier. La relation humaine était véritablement au cœur du service rendu aux clients et cette proximité a toujours été une préoccupation très forte pour moi.  

Quel regard portez-vous sur l’évolution du monde bancaire et de la BIL au cours de ces 40 dernières années ?

La banque a dû évoluer avec son temps, au fil des grands événements qui ont marqué ces quatre décennies, dont l’élar-gissement progressif de l’Union européenne, la fin des devises et l’arrivée de l’euro, sans oublier la crise financière de 2008, suivie de la crise de la dette publique… Même si je n’étais pas encore au Comité de direction, la faillite de Dexia, notre actionnaire principal à l’époque, a été un moment très difficile à vivre. Il a fallu faire preuve de sang-froid pour notamment rassurer les clients dans un moment où nous n’avions aucune visibilité sur l’avenir. Heureusement, le gouvernement est intervenu. Je pense d’ailleurs qu’il ne regrette aucunement son choix aujourd’hui. Depuis lors, les exigences réglementaires se sont renforcées à un rythme soutenu. Le résultat final est que les banques sont aujourd’hui beaucoup plus stables et solides qu’en 2010. Pour notre part, nous avons la chance de pouvoir compter, depuis 2018, sur un actionnaire chinois solide. Derrière Legend Holdings, on retrouve des entrepreneurs désireux d’investir sur le long terme pour nous aider à jouer notre rôle de banque systémique au Luxembourg et soutenir notre développement à l’international.

Plus récemment, votre mandat de Président du Comité de direction a lui aussi été traversé par plusieurs crises. Comment piloter dans ces conditions ? 

Quelques mois après ma nomination, nous sommes entrés dans la crise du Covid, durant laquelle nous avons rapidement réussi à rester opérationnels afin de servir nos clients. Au cours de cette période, j’ai notamment lancé les discussions pour fédérer les principales banques de la Place afin de mettre en place un moratoire sur les crédits bancaires en vue de soulager nos clients entrepreneurs qui n’avaient plus aucune visibilité sur leur avenir. Nous avons ensuite été frappés par une crise géopolitique avec le conflit en Ukraine. Nous avons toutefois maintenu le cap, en travaillant à la transformation de la banque dans un environnement où les taux d’intérêt étaient au plus bas, voire négatifs pour certains clients... Aujourd’hui, la courbe s’est inversée, amenant une autre crise, immobilière cette fois… Les crises se succèdent. Le défi, pour des organisations comme la nôtre, est de déployer des stratégies qui nous permettent de nous adapter et de continuer à servir nos clients au mieux. L’objectif est atteint. Les bénéfices réalisés en 2023 nous permettront d’autofinancer nos projets à venir, notamment en matière de digitalisation et d’amélioration du service au client.

En la matière, la banque a d’ailleurs franchi un cap important en 2023, avec la mise en production de son nouveau Core Banking System. En quoi cette transformation était-elle nécessaire ?

Ce n’était pas nécessaire, mais indispensable. Notre nouveau Core Banking System va nous permettre d’entrer dans une nouvelle ère, celle de l’Open Banking. Une banque moderne se doit d’être présente sur le marché au bon moment, avec l’offre de produits et services qui répond parfaitement aux attentes de ses clients. Pour poursuivre notre développement, nous devons être en capacité d’intégrer plus facilement des solutions externes, en mode plug and play. Cet investissement de plusieurs centaines de millions d’euros va tout simplement nous permettre d’évoluer rapidement dans un monde en perpétuel mouvement avec, à terme, des opportunités de mutualisation. Il va surtout nous permettre de nous concentrer pleinement sur les besoins de nos clients, avec la volonté d’accompagner et de faciliter leur propre transition, à la fois digitale, sociétale et environnementale.

Comment envisagez-vous votre avenir ?

Diriger une banque comme la BIL, cela ne relève pas du one-man-show. C’est un travail d’équipe. Cela exige de faire émerger l’intelligence collective. Personnellement, je quitte des fonctions exécutives pour me diriger davantage vers la supervision. Une nouvelle organisation est déjà en place afin de poursuivre le développement de nos activités, au Luxembourg, en Suisse et en Chine, en s’appuyant sur des fondations solides, avec la volonté d’être plus que jamais à l’écoute de nos clients.