L’écosystème fintech luxembourgeois bouge. Et c’est principalement autour de la Luxembourg House of Financial Technology (Lhoft) que sa dynamique se cristallise aujourd’hui.
Fabrice Croiseaux, CEO d’InTech, société du groupe Post dédiée au développement logiciel et à l’innovation numérique, accompagne de nombreux acteurs de cet environnement fintech, contribuant à la transformation digitale du secteur financier. Il est en outre président du comité de direction d’Infrachain, une initiative visant la promotion de la blockchain, technologie potentiellement disruptive pour les métiers de la finance.
Il occupe par ailleurs une place au comité de direction de Tokeny, acteur fintech proposant une solution de tokenisation des titres financiers, , et qui vient de lever 5 millions d’euros de fonds auprès d’Euronext. Nous lui avons demandé de partager son regard sur l’évolution de l’écosystème fintech luxembourgeois.
Rayonnement international
«Il y a aujourd’hui une réelle effervescence autour de la fintech au Luxembourg», reconnaît-il. «Créée il y a deux ans, la Lhoft, fruit d’un partenariat public-privé, en est l’un des principaux moteurs. Grâce à elle, notamment, l’écosystème fintech est de plus en plus visible à l’international. Nous avons de belles start-up qui rayonnent désormais au départ du Luxembourg.»
Ces banques, confrontées à de nouvelles obligations réglementaires avec PSD2, ont décidé de développer des synergies pour créer une plate-forme commune.
S’inscrivant dans cette dynamique, d’autres initiatives, émanant du privé, ont aussi récemment vu le jour. Des acteurs traditionnels, dans les domaines de l’IT ou de la finance, proposent des solutions innovantes au service de la transformation de l’industrie financière. «Par exemple, la mise en œuvre de Luxhub par plusieurs acteurs bancaires luxembourgeois illustre bien la tendance. Ces banques, confrontées à de nouvelles obligations réglementaires avec PSD2, ont décidé de développer des synergies pour créer une plate-forme commune», explique Fabrice Croiseaux.
«Celle-ci leur permet, ainsi qu’à d’autres institutions, de répondre aux nouvelles contraintes de partage de l’information, comme l’impose la directive. Mais elle leur permet aussi de saisir de nouvelles opportunités, au-delà de la mise en conformité, en développant une gamme de services innovants. Elles peuvent dès lors mieux se transformer dans un environnement bancaire plus ouvert.»
Garder le contrôle face au changement
Cet écosystème fintech luxembourgeois doit permettre à de nouveaux acteurs d’émerger mais aussi aux institutions déjà en place de se transformer plus efficacement. «Il est essentiel pour une place financière comme celle de Luxembourg de bien appréhender les transformations à l’œuvre et accélérées par les nouvelles possibilités offertes par la technologie», explique Fabrice Croiseaux. «Pour les acteurs traditionnels, l’enjeu est de pouvoir maintenir l’activité tout en se transformant, afin d’éviter d’être les victimes d’une éventuelle disruption.»
Les professionnels de la finance n’étaient pas confrontés à un risque important de disruption, au point d’être obligés de se transformer.
C’est le challenge auquel est confronté le secteur financier luxembourgeois dans son ensemble. «Jusqu’à présent, les professionnels de la finance n’étaient pas confrontés à un risque important de disruption, au point d’être obligés de se transformer. Ils disposent d’ailleurs encore d’une maîtrise de la vitesse à laquelle la transformation s’opère», explique Fabrice Croiseaux.
Cependant, les évolutions s’accélèrent. Les prochaines révolutions numériques s’appuieront sur l’intelligence artificielle ou encore la blockchain. Après PSD2, qui nous fait entrer dans l’ère de l’open banking, l’annonce par Facebook et un réseau de partenaires de la création d’une nouvelle cryptomonnaie directement accessible au grand public pourrait constituer un changement important de paradigme.
Une place attractive
«Il y a, avec ces technologies, un potentiel important de transformation rapide. Il faut dès lors que la place financière grand-ducale, les sociétés actives dans le secteur financier, les dirigeants politiques et le régulateur soient en mesure de faire face ou tout du moins d’accompagner ces changements», poursuit le CEO d’InTech. «Par rapport à une technologie comme la blockchain ou encore dans le domaine du paiement, on peut se réjouir que le Luxembourg soit déjà bien positionné.»
«La place financière accueille déjà un nombre remarquable de néo-banques. Que démontre l’attractivité de la place financière. Du côté de la blockchain, l’adoption d’une nouvelle loi sur la circulation des titres ou encore la présence de plusieurs sociétés fintech prometteuses mettant en œuvre cette technologie, comme Tokeny, FundsDLT, Scorechain, VNX…, est révélateur des ambitions du pays dans ce domaine.»
Courage et lucidité
Le Luxembourg, avec le renforcement de l’écosystème fintech, agit de manière proactive, avec la volonté de transformer les métiers de la finance plutôt que de subir les transformations. La place financière, de cette manière, se rend maître de son destin.
Suite à une annonce comme la création de Libra, par Facebook et ses partenaires, on pourrait par exemple considérer que cela ne concerne pas le Luxembourg et ne rien faire.
«Face au changement, on peut adopter plusieurs attitudes. Suite à une annonce comme la création de Libra, par Facebook et ses partenaires, on pourrait par exemple considérer que cela ne concerne pas le Luxembourg et ne rien faire. Une autre option consiste à opter pour une position plus neutre, d’attente, en misant sur l’agilité du Luxembourg pour réagir au moment le plus opportun. Enfin, on pourrait aussi choisir d’être partie prenante d’un tel projet, en développant des services ou des applications s’appuyant sur cette blockchain», commente Fabrice Croiseaux.
«Je pense qu’il y a beaucoup d’opportunités avec ce type d’annonce. Le Luxembourg, en mettant à disposition les moyens nécessaires pour permettre aux fintech de se développer, en étant acteur du changement, fait à la fois preuve de courage et de lucidité.»
Communiquer sur les succès
Pour le président du comité de direction d’Infrachain, il faut poursuivre dans cette voie, et accélérer si c’est possible. «Les fintech transforment le métier et se placent au service de l’ensemble des acteurs de la place», poursuit-il. «Afin de renforcer cette dynamique, il nous faut continuer à innover, mieux communiquer sur nos succès, mais aussi parvenir à davantage mobiliser des investisseurs, encourager la prise de risque.»
«Il faut également développer une culture de l’entrepreneuriat. Et parce qu’il faut être conscient que tous les projets n’aboutiront pas, il faut aussi faire valoir l’échec comme un droit, une étape dans le développement d’un écosystème global dynamique et prospère.»