L’évolution législative a déjà été anticipée dans certaines grandes surfaces, comme au Auchan Kirchberg qui dispose de containers dédiés aux emballages excédentaires dont les clients souhaitent se séparer à la sortie des caisses. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

L’évolution législative a déjà été anticipée dans certaines grandes surfaces, comme au Auchan Kirchberg qui dispose de containers dédiés aux emballages excédentaires dont les clients souhaitent se séparer à la sortie des caisses. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Les gobelets, assiettes et couverts à usage unique vivent leurs derniers jours dans les restaurants tandis que 160 supermarchés sont contraints de s’équiper en points de reprise des déchets d’emballages. Les effets de la loi déchets vont bientôt se faire sentir au Luxembourg.

Son n’a laissé personne indifférent: la loi déchets va commencer à générer de nouveaux impacts à compter du 1er janvier prochain, aussi bien dans la restauration que la grande distribution.

Car le texte prévoit que les points de vente d’alimentation au détail de plus de 400 m2 disposent d’un point de reprise des déchets d’emballages. 160 points de vente sont concernés au Luxembourg, selon la CLC.

Nous nous interrogeons sur la proportionnalité de la mesure.

Claude BizjakDirecteur adjointCLC

«Le rôle principal des supermarchés est d’approvisionner la population alors qu’avec cette loi, on leur demande d’entrer dans un domaine tiers. Nous nous interrogeons sur la proportionnalité de la mesure», abonde Claude Bizjak, directeur adjoint de la CLC.

Des dispositifs déjà visibles dans certaines enseignes

Du côté des enseignes de grande distribution, certaines sont déjà prêtes comme Auchan qui propose depuis des mois un dispositif de récupération des déchets d’emballages à la sortie des caisses dans son hypermarché du Kirchberg. Les points de vente Delhaize d’Alzingen, Bertrange, Capellen, Strassen et Walferdange en sont déjà équipés.


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«Pour les magasins sans meubles, principalement les Proxy, nous sommes en train de valider différentes maquettes de meubles en fonction de la place disponible afin de respecter les distances de sécurité et ne pas entraver la circulation des clients», explique , Country Director de Delhaize au Luxembourg. L’enseigne estime que le dispositif devrait mobiliser 1 à 2 m2 de surface. «Les points de collecte seront probablement peu utilisés par les consommateurs, nous le constatons dans les magasins déjà équipés», confie-t-il.

Des gobelets réutilisables au fast-food

Quant aux restaurants, ils sont tenus de servir les consommations prises dans l’enceinte de l’infrastructure dans des contenants et couverts réutilisables. Seul le papier est encore accepté comme emballage jetable.

Les regards se tournent surtout vers les snacks et établissements de restauration rapide où quelques changements se profilent. «Nous avons prévu de nous équiper en gobelets en plastique consignés pour les boissons. Nous en vendons quotidiennement entre 400 et 500 dans ce restaurant», montre Alexandre Goepfert, directeur adjoint du Burger King de l’avenue de la Gare. L’établissement est aussi contraint de se doter d’une deuxième plonge à destination de ces nouveaux éléments obligatoires dès le 1er janvier prochain.

Le personnel va devoir jongler entre préparation des commandes et reprise des gobelets, en espérant que la caution incite la clientèle de passage à rendre les contenants au comptoir.

Encore plus de changements en 2024 et 2025

La loi déchets prévoit que d’ici un peu plus d’un an, les supermarchés de plus de 1.500 m2 devront s’équiper – dans leur enceinte – d’infrastructures de collecte séparée des déchets ménagers de papier, carton, verre, plastique, piles et accumulateurs portables, emballages métalliques, emballages composites et déchets d’équipements électriques.

La loi nous inquiète fortement quant à sa complexité d’exécution et les coûts que cela va occasionner qui mettront en réel danger économique certains supermarchés.
Cédric Gonnet

Cédric GonnetCountry DirectorDelhaize Luxembourg

«Cette partie de la loi nous inquiète fortement quant à sa complexité d’exécution – amener des déchets dans un lieu se devant de respecter des normes strictes d’hygiène – et les coûts que cela va occasionner qui mettront en réel danger économique certains supermarchés», estime le patron de Delhaize Luxembourg.

Près de 50 grandes surfaces sont concernées par la mesure qui suscite également une certaine circonspection du côté de la CLC. «Les supermarchés cotisent déjà à Valorlux donc, cette unité de reprise des déchets constitue un double coût qui leur est imposé», réagit Claude Bizjak. Des groupes de travail sont actuellement en cours avec l’Administration de l’Environnement et «nous avons bon espoir de trouver un cadre réaliste à la mise en oeuvre de la loi», ajoute la CLC.

Le casse-tête des emballages réutilisables en take-out

Quant aux restaurants, ils devront rendre le 1er janvier 2024 une feuille de route dédiée au déploiement – un an plus tard – de récipients et couverts réemployables et faisant l’objet d’une reprise pour toutes les commandes vendues à emportées et livrées à domicile.

Cela représente une logistique énorme.

Savino CascioOperation ManagerPizza Hut Luxembourg

«Cela représente une logistique énorme, nous utilisons en moyenne 1.500 boîtes en carton par semaine par restaurant Pizza Hut. Passer à un contenant réutilisable et consigné, cela nécessite un espace et un coût énorme», souligne Savino Cascio, Operation Manager pour cinq points de vente de l’enseigne. D’autant que certaines implantations ciblent clairement une clientèle touristique de passage, pour laquelle la probabilité qu’elle restitue l’emballage est faible.

Dans les 17 points de vente de Cocottes, les clients peuvent déjà rapporter leurs bocaux réutilisables des plats à réchauffer contre des points de fidélité. Si la mesure s’étend à l’ensemble de la gamme, la question du poids des camions et des trajets supplémentaires à effectuer jusqu’au centre de production de Grass risque de se poser, imagine Stéphanie Schleich, responsable marketing et communication. «Nous sommes à la recherche de différentes solutions mais énormément de questions se posent encore, notamment sur la quantité de ressources mobilisées», avance-t-elle.

Cocottes a adopté les bocaux en verre réutilisable pour certaines de ses préparations. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Cocottes a adopté les bocaux en verre réutilisable pour certaines de ses préparations. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

«Il faut se poser la question de savoir si c’est vraiment le bon moment pour ajouter des coûts dans la chaîne de distribution alimentaire?», insiste Claude Bizjak. Et de pointer une autre obligation annoncée, celle de vendre les fruits et légumes achetés en deçà de 1,5 kg sans emballage. «Au moins 90% des fruits et légumes vendus au Luxembourg proviennent de l’étranger, les producteurs ne vont certainement pas adapter leur conditionnement à la loi luxembourgeoise. Nous risquons de voir les supermarchés déballer les fruits et légumes en stock pour les proposer en vrac, ce qui génèrera une quantité de déchets», avertit le directeur adjoint de la CLC.

Assurément, le paquet de cinq lois voté au printemps dernier risque de faire encore parler de lui dans les jours et les semaines à venir.