120.000m3 d’eau potable sont consommés en moyenne par jour au Luxembourg, environ la moitié étant issue de sources d’eau souterraine, l’autre moitié provenant du lac de la Haute-Sûre. (Photo: Shutterstock)

120.000m3 d’eau potable sont consommés en moyenne par jour au Luxembourg, environ la moitié étant issue de sources d’eau souterraine, l’autre moitié provenant du lac de la Haute-Sûre. (Photo: Shutterstock)

Les inquiétudes sur l’approvisionnement en eau potable dues à la sécheresse restent très localisées dans le pays, les réserves étant suffisantes au niveau national. Mais la situation pourrait se dégrader ces prochaines semaines. À long terme, au vu de la croissance démographique, il s’agit de trouver de nouvelles ressources, et surtout d’économiser davantage.

début août, le Luxembourg, malgré doublée d’une vague de chaleur toutes deux interminables, ne semble pas sous pression concernant l’eau potable. «Les ressources et capacités des grands fournisseurs au niveau national sont actuellement suffisantes pour combler les consommations actuelles», déclarait, le 10 août, le ministère de l’Environnement, par communiqué. Ce dernier reconnaissait cependant que «certaines communes se trouvent néanmoins dans des situations critiques au niveau local».

Dans le pays, 120.000m3 d’eau potable sont consommés en moyenne par jour, environ la moitié étant issue de sources d’eau souterraine, l’autre moitié provenant du lac de la Haute-Sûre. Or, dans un rapport sur la «situation quantitative des eaux souterraines» publié en avril 2022, la situation paraissait en effet plutôt rassurante pour les mois à venir: «L’état quantitatif général des eaux souterraines se situe actuellement sur un niveau général confortable, et les réserves actuelles sont bien suffisantes en vue de la production d’eau potable pour les mois à venir.» D’autre part, les départs dus aux congés collectifs ont entraîné une baisse de la consommation générale d’eau potable en ce mois d’août.

Points de captage abandonnés

Si inquiétude il y a, elle se situerait davantage sur la qualité. Sur les quelque 300 points de captage d’eau souterraine (source, forage-captage ou puits), un certain nombre ont été abandonnés ces dernières années, ce qui représente un potentiel de production d’environ 13.000m3/jour en moins, soit plus de 10% des besoins. En cause: les nitrates et résidus de pesticides et de produits phytosanitaires issus de l’agriculture intensive.

Mais, au niveau national, cela est largement compensé par la mise en place à Eschdorf d’une de traitement des eaux du lac de la Haute-Sûre par le Sebes, augmentant les capacités de traitement d’environ 70.000m3/jour à 110.000m3/jour.

Encore faut-il, pour bénéficier de cette manne en eau potable, que les communes soient raccordées à un syndicat d’eau potable. Or, certaines d’entre elles ont fait le choix de ne pas y être raccordées, et donc de ne bénéficier que des ressources propres en eaux souterraines dont elles disposent sur leur territoire.

Certaines communes sous pression

Parmi ces communes, certaines ont des ressources qui réagissent lentement: elles peuvent donc encore bénéficier de la pluviométrie de l’hiver et sont dans une situation plutôt confortable. D’autres ont par contre des ressources plus réactives, ce qui a pour conséquence une diminution des débits suite à la sécheresse, et donc une situation beaucoup plus tendue.

Le ministère de l’Environnement avait pour cette raison appelé le 10 août les consommateurs à faire preuve de «civisme» et à «s’approprier les bons gestes». Le gouvernement ne peut d’ailleurs pas faire davantage, le pouvoir de prendre des mesures contraignantes concernant l’approvisionnement en eau potable revenant aux communes.

Possible dégradation à venir

Toutefois, si le risque de pénurie reste pour le moment cantonné au niveau local, la situation au niveau national pourrait aussi se dégrader dans les semaines à venir. «Les prévisions météo et les grands modèles climatologiques qui couvrent nos régions d’Europe prédisent un prolongement de la sécheresse pendant au moins quatre semaines, et de la chaleur pendant au moins deux semaines. Avec la fin des congés collectifs le 21 août, il n’est donc pas exclu que nous nous retrouvions dans une situation plus tendue au niveau national», prévient Brigitte Lambert, cheffe de la division des eaux souterraines et des eaux potables au ministère de l’Environnement.

Dans tous les cas, si les réserves d’eau potable sont encore suffisantes à court terme, elles ne le resteront pas à moyen et à long terme. «Les modèles de prévision montrent que, si la croissance économique et démographique de ces dernières années se maintient, nous allons nous retrouver d’ici une quinzaine d’années dans une situation plus précaire pendant les périodes de consommation de pointe», explique Brigitte Lambert.

Ressources limitées

Pour augmenter les capacités, les moyens mis en œuvre actuellement semblent arriver à leur limite. Des études sont actuellement menées pour savoir s’il est possible d’exploiter de nouvelles ressources au niveau des eaux souterraines. Mais les quantités devraient rester limitées. «Au niveau local, il est possible d’exploiter l’une ou l’autre ressource supplémentaire en eaux souterraines. Mais, au niveau national, il n’y aura pas de ressources suffisantes pour pouvoir combler à moyen et à long terme la consommation future», juge Brigitte Lambert.

Du côté des eaux de surface, impossible d’imaginer soustraire davantage que les 110.000m3/jour au niveau du lac de la Haute-Sûre, la Sûre ayant une capacité limitée et un débit minimal devant être garanti. Mais, dans le même ordre d’idées, la Moselle pourrait représenter une nouvelle source d’eau potable. Des études de faisabilité sont en cours pour évaluer la possibilité de la traiter et de la potabiliser.

L’importation coûteuse

L’importation d’eau potable se fait quant à elle au niveau local et dans des quantités très limitées. Ce moyen ne devrait en outre pas évoluer dans les années à venir. Une étude de faisabilité avait eu lieu par le passé pour amener de l’eau d’un barrage situé en Allemagne. Mais avec 90km de distance et de longs réseaux d’acheminement, le coût s’était révélé faramineux.

Certains pays européens, comme l’Espagne et l’Italie, recourent à une autre solution: ils traitent une partie de l’eau déjà prise en charge par les stations d’épuration pour la potabiliser. Mais une telle solution ne devrait pas voir le jour au Luxembourg. «À un certain niveau de détresse, cela peut devenir intéressant d’utiliser une telle méthode, comme en Espagne, où la situation est bien plus tendue qu’au Luxembourg. Mais cela est très coûteux, très énergivore, le risque sanitaire est important, et le bilan environnemental n’est pas positif. Ce n’est pas quelque chose que nous promouvons», déclare Brigitte Lambert.

Économiser l’eau

Pour celle-ci, il s’agit davantage de parier, avant de trouver de nouvelles ressources, sur une meilleure économie de l’eau. Une stratégie en trois piliers a été développée dans cette perspective. Avec, en premier lieu, l’«économie pure et dure» par le biais d’un changement des habitudes (fermer les robinets, ne pas prolonger les douches, arroser ce qui est strictement nécessaire). «Il y a déjà un potentiel important d’économie d’eau juste en mettant en place les bons gestes», assure Brigitte Lambert.

Deuxième pilier, plus à moyen terme: mettre en place des robinetteries (pommes de douche) ou des machines (machines à laver, lave-vaisselle) économes. Puis, le troisième pilier à mettre en place lors de la construction ou de la rénovation lourde d’un bâtiment: séparer les réseaux d’eau potable de ceux dédiés à une eau utilisable pour, par exemple, les chasses d’eau ou l’arrosage. L’eau potable est ainsi réservée pour le strict nécessaire, quand les eaux «grises» (celle des douches ou de l’évier, par exemple) traitées ou l’eau de pluie peuvent être utilisées pour d’autres tâches.

Une autre solution très simple existe: boire de l’eau du robinet. «Il faut savoir qu’un litre d’eau embouteillée revient à consommer 4 à 8 litres d’eau», assure Brigitte Lambert. «Boire l’eau du robinet est donc un moyen d’économiser de manière très rapide de l’eau et, en outre, beaucoup d’argent. Il s’agit d’ailleurs de l’aliment le plus contrôlé au Luxembourg, elle est de très bonne qualité et elle peut être bue sans aucun souci.»