La guerre en Ukraine peut-elle impacter le Fonds de compensation luxembourgeois (FDC)? Si la question peut sembler déplacée au regard de , elle a sa raison d’être.
En effet, par effet de ricochet, les sanctions financières prises contre la Russie dans le cadre de la guerre menée contre l’Ukraine depuis le 24 février, notamment son , impacteront toutes les sociétés de gestion d’actifs, privées et publiques. Les sociétés gestionnaires de fonds russes présentes au Luxembourg cotisent et génèrent des revenus d’investissement, comme toutes les autres, auprès du (FDC), la réserve du régime général de l’assurance pension.
Au 31 décembre 2021, le FDC détenait environ 90 millions d’euros en actifs russes, soit 0,37% des avoirs totaux investis au sein de sa sicav. Au 28 février 2022, les actifs russes représentent 0,23% des avoirs totaux de la sicav du FDC, soit 53 millions d’euros, répartis en actions (17 millions d’euros), obligations (35 millions d’euros) et liquidités (1 million d’euros). La perte des actifs russes au sein du FDC s’élèverait donc actuellement à 37 millions d’euros, soit moins de 0,15% sur les 23,841 milliards d’euros gérés par la réserve du régime général selon leur rapport 2020, le rapport 2021 n’étant pas encore rendu public.
Sberbank, Lukoil, la Bourse de Moscou…
Le FDC, dans son rapport annuel de 2020, rapporte des investissements à hauteur de 5,6 millions dans Sberbank. Une entité à qui les États-Unis ont coupé les possibilités de transactions en dollars, tout comme à ses 25 filiales. La BCE indiquait lundi que la branche européenne de Sberbank était menacée par une faillite pure et simple. Un peu plus de 500.000 euros d’actifs sont aussi logés dans VTB Bank, sanctionnée par les États-Unis et le Royaume-Uni. Et dont le président adjoint, Denis Bortnikov, figure sur la liste noire de l’UE, du Royaume-Uni et des États-Unis.
Autre personnalité sur liste noire: Sergueï Ivanov, PDG de la société publique russe d’extraction de diamants Alrosa, dans laquelle le FDC détient des actions d’une valeur marchande d’environ 590.000 euros. Dans le cadre de son train de sanctions, l’UE a également interdit aux entreprises de faire des affaires avec les chemins de fer russes, dans lesquels le fonds de pension luxembourgeois a investi à hauteur de 1 million d’euros.
Le FDC a aussi investi dans Lukoil, Surgutneftegas, Tatneft et Gazprom, malgré de vives critiques par le passé à l’égard de son intérêt pour les combustibles fossiles. Il a également investi dans la Bourse de Moscou et dans l’entreprise sidérurgique russe Severstal et possède des titres, des instruments de dette et d’autres actifs émis par le gouvernement russe.
Pas d’actifs ukrainiens
Le président de la (CNAP) et du FDC, Alain Reuter, indique que «les actifs russes ne représentaient – déjà avant l’invasion de l’Ukraine – qu’une partie très marginale de la sicav du FDC» et précise également que «des actifs ukrainiens ne sont pas en portefeuille». Le FDC tient à rappeler qu’il a «confié la gestion des avoirs au sein de sa sicav à des gérants de portefeuilles externes dûment mandatés. Aussi, l’univers d’investissement au sein de la sicav est restreint aux titres inclus dans les indices de référence retenus par le FDC.»
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Pas de nouvelle liste d’exclusion avant fin mai
Toutefois, le FDC n’a pas souhaité indiquer s’il allait inscrire les sociétés liées aux actifs russes sur sa , comme cela a déjà été . Alain Reuter souligne que cette décision sera prise de concert avec Sustainalytics, le prestataire de services néerlandais externe spécialisé avec lequel il passe au crible chaque gestionnaire d’actifs.
«La liste d’exclusion est périodiquement revue et mise à jour sur base d’un processus systématique en collaboration avec Sustainalytics (…). Selon ce processus, la prochaine revue de la liste d’exclusion est planifiée pour fin mai/début juin, au cours de laquelle le FDC se verra adresser un rapport de Sustainalytics sur toutes les sociétés jugées non conformes aux normes internationales telles qu’entérinées dans les 10 principes du , couvrant les droits de l’Homme, l’environnement, les normes internationales de travail ainsi que la lutte contre la corruption, ou impliquées dans des activités liées aux armes controversées.»
Les actifs russes ne représentaient – déjà avant l’invasion de l’Ukraine – qu’une partie très marginale de la sicav du FDC.
La dernière mise à jour de ce document date du 18 novembre 2021 et indique que 121 sociétés figurent désormais sur la liste d’exclusion du FDC, parmi lesquelles une seule société russe, MMC Norilsk Nickel PJSC. De fait, certains actifs russes sont d’ores et déjà bloqués par les sanctions internationales.
Sur la conduite à tenir en fonction des sanctions financières en cours ou à venir, Alain Reuter reste prudent: «Les gérants de portefeuilles du FDC sont en discussion constante avec les fournisseurs d’indices, les teneurs, acteurs et participants de marché pour comprendre et évaluer au mieux la situation actuelle ainsi que les attentes et les implications de toute sanction prononcée par les différents décideurs politiques et autres acteurs. Il va de soi que les gérants de portefeuilles du FDC ont essayé, dès les premières apparitions de tensions entre la Russie et l’Ukraine, de positionner les portefeuilles qui leur ont été confiés de manière à protéger au maximum les actifs et les intérêts du FDC et continuent sur cette voie, sachant qu’actuellement, le négoce de certains actifs russes n’est plus possible.»
Pour rappel, le FDC a pour mission de gérer le bas de laine de l’État, la fameuse réserve de compensation du régime général de pension, et «d’en tirer un rendement effectif tout en diversifiant les risques», selon ses statuts, le risque géopolitique n’y échappant pas. Toutefois, le conflit russo-ukrainien ne serait pas de nature à infléchir, selon les chiffres indiqués par le FDC, la croissance constante du volume de la réserve, laquelle a enregistré en 2020 un excédent des opérations courantes de 1,65 milliard d’euros, qui permet de porter le montant de la réserve du régime général à 23,841 milliards d’euros, soit une augmentation de 7,4% par rapport au niveau de 2019.
Jusqu’ici, le FDC n’a enregistré qu’une seule année de perte depuis sa création en 2004 (-2,5% en 2018) due à une grande volatilité des marchés, rattrapée rapidement dès l’année suivante.