L’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) du Luxembourg, un service du ministère de la santé et de la sécurité sociale chargé d’élaborer la législation et la réglementation en matière de sécurité sociale et de contrôler les organismes de sécurité sociale, a récemment publié un rapport soulignant les préoccupations croissantes concernant les finances de la sécurité sociale du pays. Le rapport met l’accent sur l’augmentation des dépenses et la diminution des réserves, ce qui pourrait poser des problèmes importants dans les années à venir.
Fonds de réserve
À la fin de l’année 2023, la réserve de sécurité sociale du Luxembourg s’élevait à 961,7 millions d’euros, couvrant 22,9% des dépenses totales d’assurance maladie et maternité du pays pour cette année. Ce taux de réserve, souvent appelé «fonds de roulement», est bien supérieur au minimum légal de 10%, comme le stipule l’article 28 du code de la sécurité sociale (CSS). À titre de comparaison, les dépenses annuelles totales du Luxembourg pour 2022 et 2023 étaient respectivement de 4,204 milliards d’euros et de 3,952 milliards d’euros, tandis que les réserves étaient de 961,7 millions d’euros et de 923,8 millions d’euros, ce qui constitue un solide coussin financier.
Prévisions
Toutefois, l’IGSS prévoit une détérioration significative de l’équilibre entre les recettes et les dépenses. L’inspection a confirmé à Paperjam qu’elle prévoit un déficit de 37,9 millions d’euros pour 2024, qui devrait atteindre 160,7 millions d’euros en 2025. En outre, entre 2026 et 2028, le déficit annuel moyen de l’assurance maladie-maternité devrait atteindre 256,9 millions d’euros.
Ce déséquilibre croissant est une préoccupation majeure, car il pourrait épuiser les réserves, qui devraient passer sous le seuil légal de 10% d’ici 2027. En 2028, les réserves devraient être entièrement épuisées, ce qui se traduirait par un bilan négatif. Si l’on n’y remédie pas rapidement, la viabilité financière du système de sécurité sociale luxembourgeois s’en trouverait gravement compromise.
Facteurs contributifs
Un porte-parole de l’IGSS a déclaré à Paperjam que la forte augmentation du déficit prévu peut être attribuée à plusieurs facteurs. La première cause est une augmentation plus importante que prévu des dépenses, qui devraient croître de 6,6% par an, en moyenne, entre 2023 et 2028, alors que les recettes n’augmenteront que de 5,0% par an au cours de la même période. Cette croissance des dépenses s’explique par plusieurs facteurs, dont «la hausse des revenus et le progrès technique qui augmentent les attentes de la population en matière de santé, l’augmentation de la morbidité résultant du vieillissement de la population ou encore une croissance des prix dans le secteur de la santé plus élevée que dans les autres secteurs d’activité (phénomène connu sous le nom d’effet Baumol)».
Il convient de noter que la situation est encore aggravée par une croissance de l’emploi plus lente que prévu au cours des prochaines années, comme le le bureau national des statistiques, le Statec, et comme le souligne l’IGSS. Ce ralentissement de la croissance a un impact direct sur les cotisations sociales de santé, qui constituent une source majeure de revenus pour le système. La croissance de l’emploi n’étant pas à la hauteur des attentes, les cotisations à la sécurité sociale augmenteront plus lentement, tandis que les coûts des soins de santé continueront d’augmenter, ce qui creusera encore le déficit, explique l’IGSS.
Certitude des projections
En ce qui concerne la baisse rapide des fonds de réserve, le porte-parole de l’IGSS a assuré à Paperjam que les projections étaient basées sur des hypothèses solides et réalistes. Selon le porte-parole, l’IGSS s’est appuyée sur une évaluation approfondie des perspectives financières de la Caisse nationale de santé (CNS), y compris le dernier scénario macroéconomique élaboré par le Statec, ainsi que sur des mesures discrétionnaires. «Sur la base de ces critères, l’IGSS approuve les projections», souligne le porte-parole.
Si ces projections se concrétisent et qu’aucune mesure corrective n’est mise en œuvre, le système de sécurité sociale luxembourgeois pourrait être confronté à une grave instabilité financière. Alors que d’autres défis, tels que la réforme des pensions, demandent également , la capacité du gouvernement à répondre à ces préoccupations devient de plus en plus urgente.
Cet article a été rédigé initialement et traduit et édité en français.