Philippe Ledent, expert économiste chez ING Belux. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne)

Philippe Ledent, expert économiste chez ING Belux. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne)

À l’heure d’un déconfinement progressif en Europe, les interrogations portent sur la vigueur de la reprise attendue. Pour Philippe Ledent, expert économiste chez ING Belux, le chemin sera long avant de retrouver les niveaux d’avant-crise. Le redémarrage des activités prendra du temps.

Sur le plan des indicateurs économiques, on est actuellement dans une période de flottement. Non pas parce qu’aucun indicateur n’est publié, mais parce que ceux qui le sont n’apportent pas d’information nouvelle. En effet, on se doute que l’activité a été dramatiquement faible en avril. Le fait que les indicateurs montrent un plongeon de 18% plutôt que de 20% n’a plus vraiment d’importance. Ce qui compte à présent, c’est la reprise: sera-t-elle vigoureuse? Aura-t-on en fin d’année retrouvé le niveau d’activité d’avant-crise?

À ce sujet, il faut malheureusement de plus en plus considérer le scénario d’une reprise laborieuse. Tout d’abord, les mesures élémentaires de protection, telles que la distanciation sociale, réduiront l’activité de certains secteurs pour longtemps encore, ce qui affaiblit l’activité globale. Ensuite, la longue période d’hibernation économique a profondément perturbé les projets des acteurs économiques.

Au niveau des entreprises, les plans d’investissement sont remis en cause, mais surtout, de nombreuses entreprises vont lutter pour leur survie. Il y aura malheureusement des faillites, des restructurations et des pertes d’emplois. Au niveau des ménages, beaucoup sont également en train de revoir leurs plans de consommation et d’investissements. Par ailleurs, la peur d’une deuxième vague de la pandémie ne fera que renforcer la prudence des entreprises et des ménages. Il y aura donc ce que l’on appelle des effets de second tour: la récession va s’auto-alimenter bien après le confinement.

Il faudra du temps, beaucoup de temps, pour retrouver le niveau d’activité de fin 2019.

Philippe Ledentexpert économisteING Belux

Il y aura certes une croissance nette de l’activité après le confinement, mais cela ne donnera que l’illusion d’une reprise. Sur le fond, il faudra du temps, beaucoup de temps, pour retrouver le niveau d’activité de fin 2019. C’était d’ailleurs un des enseignements du webinar donné cette semaine par Jerome Powell, le président de la banque centrale américaine. Il est apparu fort prudent au sujet de la situation économique, précisant qu’il s’agit d’un choc inhabituel, et donc qu’il faut rester prudent quant à ses conséquences. Il n’est pas exclu, selon lui, que la crise du coronavirus se solde par une longue période de faible croissance de la productivité et de stagnation des revenus.

En conclusion, les indicateurs publiés dans les prochains mois donneront une meilleure image de la forme que prendra la reprise. Mais il faudra être particulièrement vigilant quant à leur interprétation: partant d’un niveau très faible, ils vont évidemment progresser. Mais n’oublions pas qu’aussi longtemps que l’activité économique reste inférieure à 96% de ce quelle était en fin d’année 2019, cela correspondra à une récession pire que durant la crise financière…