Seul un bon fonctionnement coordonné de toutes les branches du système immunitaire permet de vaincre le virus, constate l’étude luxembourgeoise menée par les professeurs Feng Hefeng et Markus Ollert (en photo) du département Infection et immunité du LIH. (Photomontage: Maison Moderne. Photos: LIH; Paperjam).

Seul un bon fonctionnement coordonné de toutes les branches du système immunitaire permet de vaincre le virus, constate l’étude luxembourgeoise menée par les professeurs Feng Hefeng et Markus Ollert (en photo) du département Infection et immunité du LIH. (Photomontage: Maison Moderne. Photos: LIH; Paperjam).

Les patients Covid avec des symptômes légers ont une réponse immunitaire très différente de celle des patients sévères, selon une étude scientifique luxembourgeoise. Le professeur Markus Ollert, du LIH, explique que l’activation coordonnée précoce des différents niveaux du système immunitaire est essentielle pour vaincre le virus.

Une entièrement luxembourgeoise, menée par les professeurs Feng Hefeng et Markus Ollert du département Infection et immunité du Luxembourg Institute of Health (LIH), a analysé le fonctionnement du système immunitaire de patients ayant contracté le virus du Covid-19 mais ne présentant que des symptômes légers.

Initiée en avril 2020, cette étude a analysé, durant les trois premiers jours après un test PCR positif puis trois semaines plus tard, les réponses immunitaires de plus de 100 patients divisés en trois groupes: asymptomatiques, peu sévères et hospitalisés.

Or, cette réponse immunitaire varie fortement selon les différents groupes, constate l’étude, dont les résultats ont été . Les patients avec des symptômes légers bénéficient d’une activation coordonnée très précoce des différents niveaux du système immunitaire, qui sont par contre déconnectés chez le patient sévère, explique ainsi le professeur Markus Ollert dans un entretien accordé à Paperjam. Or, seul un bon fonctionnement coordonné de toutes les branches du système immunitaire permet de vaincre le virus, constate l’étude.

Cette meilleure compréhension du fonctionnement du système immunitaire pourrait mener à des applications concrètes, notamment afin de mieux prendre en charge les patients en déterminant en amont quel sera le développement de la maladie.

Votre étude a analysé le fonctionnement du système immunitaire non pas des patients gravement atteints, mais de celui des patients ayant des symptômes légers, voire pas de symptômes du tout, donc qui ont pu faire face avec efficacité à l’infection au Covid-19. Qu’avez-vous appris?

Markus Ollert. – «La réponse immunitaire des patients légèrement malades est totalement différente de la réponse immunitaire des patients avec des symptômes sévères. Elle est aussi différente des personnes asymptomatiques. Et elle est aussi bien sûr différente des personnes saines qui ne développent pas de Covid du tout, même s’ils sont en présence, au sein de leur foyer, d’une personne infectée.

Comment ces différentes réponses immunitaires se distinguent-elles?

«Il faut comprendre que le système immunitaire est composé d’un bras spécifique, composé notamment des anticorps et des cellules T, appelé immunité adaptative. Vous avez aussi un bras du système immunitaire appelé immunité non spécifique ou innée. Ce dernier est plus ancien du point de vue de l’évolution – même les insectes en bénéficient. Celui-ci est très important pour activer l’ensemble du processus de l’immunité. Sans une bonne initiation de la réponse immunitaire innée, vous n’aurez jamais une réponse immunitaire adaptative réussie par la suite.

C’est seulement quand toutes les branches de votre système immunitaire fonctionnent correctement ensemble que vous pouvez vaincre le virus.
Markus Ollert

Markus OllertLIH

Or, les patients à symptômes légers développent une très forte réponse immunitaire innée dans les 72 heures suivant l’infection. Cette réponse innée est au contraire complètement absente pour les patients ayant des symptômes sévères.

Qu’avez-vous déduit de cette observation?

«Qu’un patient ne peut faire face au virus et s’en débarrasser que lorsque tous les différents niveaux du système immunitaire sont activés d’une manière coordonnée. C’est exactement ce que nous avons constaté chez les patients à symptômes légers, qui bénéficient d’une activation coordonnée très précoce des différents niveaux du système immunitaire. Ceux-ci semblent déconnectés chez le patient sévère.

Ainsi, c’est seulement quand toutes les branches de votre système immunitaire fonctionnent correctement ensemble que vous pouvez vaincre le virus. Si quoi que ce soit ne va pas dans le bon sens, vous aurez des développements sévères, ou vous pouvez même, dans le pire des cas, en mourir.

Certains adultes ont probablement une réponse immunitaire locale si forte que le virus ne peut pas aller plus loin.
Markus Ollert

Markus OllertLIH

Qu’est-ce qui explique que certaines personnes soient asymptomatiques – voire ne soient pas infectées – alors même qu’elles sont en contact, par exemple au sein de leur foyer, avec une personne infectée?

«Selon une étude menée à Berlin, les enfants peuvent parfois être totalement asymptomatiques parce qu’ils bénéficient d’une très forte réponse immunitaire locale au niveau des muqueuses.

Au sein de notre étude, nous avons observé que certains patients adultes asymptomatiques n’ont aucune réponse immunitaire systémique. Donc certains adultes ont probablement une réponse immunitaire locale si forte que le virus ne peut pas aller plus loin. Nous ne sommes pas rentrés dans le détail sur ce sujet, parce que nous n’avions pas suffisamment de patients d’une telle nature. Mais cela nous permet de supposer qu’il y a aussi une composante locale à la réponse immunitaire qui est très importante face à de telles infections virales.

Sans une bonne initiation de la réponse immunitaire innée, vous n’aurez jamais une réponse immunitaire adaptative réussie par la suite.
Markus Ollert

Markus OllertLIH

Quelles sont les solutions pratiques que pourrait permettre de développer cette étude?

«Vous ne pouvez pas différencier les patients sévères des patients légers quand vous regardez les anticorps – ils ont dans les deux cas des anticorps. De même avec les cellules T. Mais quand vous regardez l’ensemble, y compris les cellules immunitaires innées, alors le patient légèrement malade a une signature immunitaire différente comparée à celle des patients sévères ou de personnes saines.

Nous pourrions donc prélever un échantillon sanguin et utiliser nos données pour tenter de déterminer si tel patient va développer des symptômes graves ou légers. Cela pourrait permettre de porter plus d’attention à un patient, de prendre plus tôt les bonnes décisions, comme celle de ne pas le renvoyer chez lui et de le garder à l’hôpital.

Sans le large scale testing (LST), nous n’aurions pas eu l’opportunité de recruter tant de personnes avec un test PCR positif et des symptômes légers ou asymptomatiques.
Markus Ollert

Markus OllertLIH

Cette étude est 100% luxembourgeoise. Le Grand-Duché présente-t-il des spécificités qui ont permis sa réalisation?

«Sans le large scale testing (LST), nous n’aurions pas eu l’opportunité de recruter tant de personnes avec un test PCR positif et des symptômes légers ou asymptomatiques. C’était une opportunité unique. Les résidents luxembourgeois étaient aussi très volontaires pour participer à cette étude. Sans leur support, cela n’aurait pas non plus été possible.

En outre, depuis quelques années, le LIH a développé une nouvelle stratégie qui le positionne très fortement vers une médecine translationnelle. Le LIH est un établissement public de recherche biomédicale focalisé sur la santé de précision et investi dans la mission de devenir une référence de premier plan en Europe pour la traduction de l’excellence scientifique en avantages significatifs pour les patients. Dans ce cadre, nous avons désormais la biobanque, qui relève du LIH, et de nombreuses interactions avec l’Université du Luxembourg, les universités à l’étranger, les hôpitaux luxembourgeois, le LNS, etc. La recherche biomédicale moderne ne peut réussir qu’en équipe.»