Pour René Mathieu, il faut une prise de conscience du consommateur pour une alimentation plus durable. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Pour René Mathieu, il faut une prise de conscience du consommateur pour une alimentation plus durable. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Local, de saison, anti-gaspi, végétarien… Le chef étoilé René Mathieu nous livre sa vision sur la cuisine durable, à l’occasion du Luxembourg Sustainability Forum organisé par IMS.

«Tout a été cueilli ce matin, localement». Le chef étoilé présente fièrement, sur la scène improvisée à Luxexpo, une dizaine de végétaux, verts et colorés. L’un soigne la digestion, l’autre le rhume. «En général, nous travaillons sur une centaine de plantes», déclare-t-il. «Manger sainement, c’est prendre soin de soi.»

Celui qui a l’habitude de cuisiner pour les clients de son restaurant végétal La Distillerie a concocté, ce jeudi 26 octobre, des assiettes pour les invités de la table ronde «Behind your food», organisée par IMS, dans le cadre de son «Sustainability Forum». Derrière l’apparence calme du chef se cache un engagement fort pour une révolution durable…

En tant que chef, n’y a-t-il pas de limites au 100% local?

René Mathieu. – «Je n’ai pas dit que je faisais du 100% local, c’est du 88-89%. À la question “y a-t-il suffisamment de nourriture pour consommer local”, je réponds que oui. Si les gens apprennent à manger moins, à privilégier les produits naturels et simples et ne pas toujours vouloir des plats cuisinés avec plein de choses. Le problème, c’est la multitude. Si on prend un plat de carottes et qu’on ajoute huit autres produits, pour moi c’est trop. Nous essayons de travailler sur des produits purs.

C’est difficile de faire changer la population. Je ne travaille pas pour faire évoluer ceux qui ont 50-60 ans, mais pour les jeunes générations. Cela passe par l’éducation. Le modèle scolaire n’est plus en rapport avec la vie. Tous les mois, nous allons dans la nature avec des gens pour leur apprendre ce qu’on peut manger localement. Les yeux s’ouvrent.

L’éléphant, le gorille, la girafe: ce sont des mammifères végétariens, et vous avez vu leur carrure?
René Mathieu

René MathieuChefLa Distillerie

La cuisine durable se veut locale et anti-gaspillage. Comment «réutiliser» certaines parties des produits?

«Par exemple, la feuille de courgette: on peut l’éplucher et la manger crue avec du fromage de chèvre ou une farce à l’apéritif. On peut faire des jus de légumes, des chips. À chaque fois que nous faisons un menu, nous utilisons les chutes pour faire des eaux parfumées.

Pour cuire les légumes, nous n’utilisons plus d’eau. Au niveau du personnel, il est primordial de briefer tout le monde sur le recyclage. Cela passe aussi par fournir les portions justes aux clients.

Est-ce qu’il faut encore avoir faim après son repas?

«Tu ne dois pas avoir faim. Là, on parle de l’envie de manger. Il faut manger à 80% de satiété. Si tu manges sainement, tu n’as pas besoin de quantités. Dans certains endroits, tu vas prendre un menu dégustation de quatre heures et à la fin, tu n’en peux plus. Chez nous, tu peux manger le même nombre de plats en deux heures et tu arrives à manger jusqu’au bout. Nous n’ajoutons pas de pain, inutile. Ni de beurre ou de matières grasses, difficiles à digérer.

Depuis que nous sommes en 100% végétal, nous avons réduit de 70% nos déchets ménagers. Le végétal, c’est aussi moins d’énergie que la viande. Tu n’es pas obligé de le garder dans un frigo. Ceux qui vendent de la protéine animale te diront qu’il en faut pour vivre. C’est faux. L’éléphant, le gorille, la girafe: ce sont des mammifères végétariens, et vous avez vu leur carrure? Nous ne prônons pas le végétarisme, mais manger de la viande à outrance, c’est moche. Tu fais du tort à la planète et à ta santé.

Je trouve qu’aujourd’hui, on parle, mais personne n’agit.

Ce n’est pas McDonald’s qui est responsable, c’est celui qui va consommer chez McDonald’s.
René Mathieu

René MathieuChef La Distillerie

Comment agir?

«Il faut que tout le monde sorte de sa zone de confort. Ce n’est pas McDonald’s qui est responsable, c’est celui qui va consommer chez McDonald’s.

Il y a des coachs sportifs qui vont te dire de manger des myrtilles, pour leurs pouvoirs antioxydants. Mais peut-on en manger toute l’année? Non. La myrtille pousse en juillet-août. Le reste de l’année, tu n’as plus rien dedans, à part les produits qu’on a mis pour la faire pousser. Il faut revenir à des choses vraies. La planète s’en remettra toujours, il y a eu d’autres civilisations avant nous. Le danger, c’est l’humanité. On a dit qu’avec le Covid, les choses allaient changer, mais elles ont empiré. Les politiques? Ils sont juste là quand il faut voter, plus après.»